Trade Paper Box #30 – The Punisher T18: « À main nue »

30 janvier 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] Au tout début de l’été 2010, nous avions eu l’honneur d’ouvrir cette rubrique par une chronique consacrée au « Punisher Max » édité par Panini. Quelque sept mois plus tard, la parution de ce 18e tome nous permet donc de retrouver un personnage aussi apprécié que politiquement incorrect, le temps de quatre aventures très courtes, mais puissamment dosées en expéditions punitives. Publiés aux Etats-Unis entre novembre 2007 et août 2009, ces trois one-shots agrémentés d’un annual finissent d’installer Frank Castle dans une approche glauque résolument moderne et cinématographique, dans la lignée des « vigilante movies » qui ont marqué le grand écran. Ainsi, cette grosse centaine de pages s’inscrit-elle dans la directe continuité de l’œuvre mature initiée par Garth Ennis sous les labels Marvel Knights et Max (vol. 5 et 6).

Welcome to the jungle, we’ve got fun and games

Au menu des réjouissances balistiques : trois losers américains en affaire avec la mafia russe, un narcotrafiquant cubain piégé par son « escort girl », la traque d’un voyou new-yorkais et un trafic d’êtres humains sur fond de cinéma gonzo… Voudrez-vous du supplément ketchup ?

Des auteurs de gros calibre

Question standing, y’a pas à dire, le Punisher sait toujours s’entourer. Et effectivement, ce tome ne déroge pas à la règle puisqu’on est ici en compagnie de la lie de nos sociétés : petits et gros trafiquants de drogue, proxénètes et masturbateurs accros aux viols sur vidéo, vendeurs d’armes… les plumes du jour, auteurs de polars ou scénaristes de télévision, que sont Duane Swierczynski, Victor Gischler, Mike Benson et Jonathan Maberry utilisent avec habileté deux types d’approches différentes et nous glissent tantôt dans la peau de la proie, tantôt dans celle du chasseur. Avec un siège aux premières loges, difficile de ne pas être emporté par le rythme appuyé de ces histoires conduites au cordeau et conclues pile au bon moment. C’aurait donc été fort dommage que le dessin ne suive pas la même trajectoire. Mais là encore, c’est un carton plein. Le deuxième épisode en particulier fera plaisir à l’ami Antoine Maurel, qui avait mis un billet sur le succès de ce jeune dessinateur (http://www.comicbox.com/index.php/news/avant-gout-vo-review-black-panther-40/). Jefte Palo, déjà auteur d’un run exceptionnel sur Black Panther (période « Dark Reign »), démontre une nouvelle fois qu’il est en effet appelé à devenir un grand nom du comic-book. Son style, mélange improbable de Marc Silvestri, Whilce Portacio et Moebius, est bâti autour d’un encrage assez épais et généreux, qui vient soutenir un trait de contour très délicat et très juste.

La combinaison des deux confère une puissance évidente à ses planches et on se dit clairement que l’Espagnol devrait rapidement trouver sa place parmi les illustrateurs les plus cotés du marché. On attend à présent qu’il nous offre une œuvre de référence, le jalon incontestable qui fait définitivement basculer la carrière d’un auteur. Mais gageons que ça ne tardera pas ! Et ses récents travaux sur « Doctor Voodoo : Avenger Of The Supernatural » (2009-2010) et « Taskmaster » (2010) nous encouragent encore un peu plus à le suivre attentivement.

Ceci étant, focaliser sur le seul Palo serait assez injuste vis-à-vis des autres dessinateurs en présence, tant ils sont bons. On ne reviendra que très rapidement sur Michel Lacombe, déjà très à son avantage sur l’arc « Six Hours to Kill » et qui confirme encore son grand talent. Lui aussi, on aimerait beaucoup le voir sur « The Ultimates » ou « JLA ». Son style y ferait des merveilles. Enfin, Laurence Campbell, bien connu des amateurs du « Judge Dredd » et plus largement de la revue « 2000 AD », ferme le rang et signe les deux derniers épisodes de ce volume, avec un coup de crayon très cru, parfait pour mener les chasses à l’homme dont il avait la responsabilité.

Charles Bronson avec nous !

Dans cette version débarrassée d’un contexte marvelien qui lui a souvent fait perdre de son crédit, le personnage du Punisher redevient un traqueur insaisissable et une gangrène bien installée sur le bas-ventre des indéfendables. Il est clair en revanche que la manière de « présenter la note », pour reprendre l’expression de Mike Benson, ne sera pas du goût de tous les lecteurs. Maintenant, on peut aussi imaginer que le personnage même du Punisher laisse cette même portion de lectorat assez indifférente… Donc RAS. A tous ceux qui ont choisi de lire cette chronique, vous pouvez foncer vous procurer cet album sans la moindre hésitation. Lire ces épisodes, c’est en quelque sorte se vautrer dans la fange, mais c’est tellement cathartique qu’on savoure chaque page. Quelle satisfaction, aussi, suivre les productions des très bons de la BD que sont Marc Lacombe, Jefte Palo et Laurence Campbell !

Ces quatre épisodes indépendants et extrêmement bien scénographiés (merci les auteurs de polar) sont donc hautement recommandables. Les messages passés sont limpides et les dialogues taillés finement au couteau de survie. Un vrai plaisir.

[Nicolas Lambret]

« The Punisher – Tome 18 », par Duane Swierczynski, Victor Gischler, Mike Benson, Jonathan Maberry (scénario), Michel Lacombe, Jefte Palo et Laurence Campbell (dessin), Panini, Coll. Max Comics, janvier 2011, 144 p.