Oldies But Goodies: Adventure Comics #133 (1948)

15 octobre 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] L’archer Green Arrow (Oliver Queen) et son jeune auxiliaire Speedy (Roy Harper), vous connaissez sans doute. Mais saviez-vous qu’il existait également dans l’univers DC trois autres héros masqués porteurs d’arc identifiés par des couleurs différentes ? En 1948, Green Arrow allait ainsi croiser le chemin de Red Arrow, White Arrow et Blue Arrow… Une apparition massive dans la « famille des flèches » qui intervenait de plus alors qu’Oliver Queen lui-même pensait à raccrocher…

Une des particularités de Green Arrow est qu’il s’agit d’un personnage aisément copiable. Oliver Queen n’est pas le dernier survivant de la planète Krypton, pas plus qu’un accident chimique lui aurait donné des superpouvoirs. Il n’est même pas un détective de la trempe de Batman dans le sens où pour être le justicier de Gotham, il faut maîtriser tout un ensemble de disciplines et de ressources que Bruce Wayne semble être le seul à pouvoir assembler. Pour être un archer de la trempe de Green Arrow, il suffit de s’entraîner encore et encore. Certes Oliver Queen est sans doute le meilleur archer du monde… mais l’imiter reste relativement facile. Vers la fin des années quarante et au début des fifties, cette particularité mènera à un véritable paradoxe: Des personnages comme Aquaman avaient des dons bien plus spectaculaires mais les scénaristes peinaient à justifier l’apparition de concurrents/adversaires. Si on s’en tient à l’exemple d’Aquaman, il aurait fallu expliquer par quel coup du sort un adversaire était apparu au fond des océans. Moralité Aquaman passé de nombreuses années à roder au fond de l’eau en attendant que des gangsters interchangeables viennent y commettre un mauvais coup. Mais la chose vaut aussi pour d’autres héros comme Flash (Jay Garrick) ou Green Lantern (Alan Scott) qui n’eurent pas franchement un cheptel d’amis ou d’antagonistes à la hauteur de leur puissance. A l’inverse, n’importe qui pouvait être présenté comme un expert en tir à l’arc. La chose ne semblait pas incroyable, ne nécessitait pas des tonnes d’explications… Voilà pourquoi Green Arrow se retrouva graduellement au centre d’une galaxie d’autres archers, qu’il s’agisse d’alliés ou d’ennemis. De ce fait, l’univers d’Oliver Queen est sensiblement plus riche que celui de bon nombre de ses collègues de l’époque. Dans le genre, Adventure Comics #133 allait faire très fort en introduisant Red Arrow, White Arrow et Blue Arrow, trois amis de Green Arrow qui se proposaient non seulement de l’aider mais aussi de le remplacer.

Tout commence un soir, alors que Green Arrow et Speedy tentent de capturer une bande de gangsters. « Tentent » car les malfrats se sont réfugiés sur un toit et, avec des armes à feu (y compris une mitraillette), repoussent les héros dès qu’ils font mine de s’approcher. Et contre de vrais balles, les arcs et les flèches sont un peu limite. Tandis que Speedy attire l’attention des criminels, Green Arrow se glisse au pied du mur et tire des flèches de manière à ce que, plantées dans le mur, elles forment comme une échelle. Green Arrow et Speedy peuvent donc monter le long de la paroi. Mais Speedy, qui a pris les devants sur cette échelle de fortune, réalise d’un seul coup qu’une des flèches s’est décrochée sous son poids. Il perd l’équilibre et tombe dans le vide. Green Arrow tente de le rattraper mais le manque de peu… Heureusement que Roy est bien entraîné : il se recroqueville de manière à former une boule et diminue en grande partie la violence de l’impact. Green Arrow est inquiet mais son assistant le rassure. Non, il n’a rien de cassé… Mais c’était juste ! Roy n’est pas passé loin d’aller jouer de la harpe avec les anges ! Songeur, Green Arrow inspecte la flèche fautive… Le bois était pourri… C’est sans doute pour cela qu’elle s’est détaché. Speedy est perplexe. Intérieurement il pense : « Je me demande si ce n’est pas plutôt Green Arrow qui n’a pas tiré assez fort cette flèche… Et de toute façon il n’est pas arrivé non plus à me rattraper pendant que je tombais !« .

Mais bientôt Green Arrow et Speedy ont d’autres sujets de préoccupation puisqu’ils voient au loin les gangsters (Bronco Bates et son gang) qui tentent de s’enfuir. Speedy les montre du doigt tandis que son mentor s’empare de son arc et tire une lacrymo-flèche qui devrait calmer tous les fuyards. Sauf que la flèche en question s’écrase piteusement à quelques mètres des criminels. Pas assez loin ! Et forcément le gang en profite pour prendre la poudre d’escampette. Green Arrow enrage : « Ils ne se seraient pas échappés sans ce vent brusque qui est venu gâcher mon tir !« . Et une nouvelle fois Speedy garde ses doutes pour lui : « Maintenant il dit que c’est la faute du vent… Mais est-ce que Green Arrow est en train de perdre la main ?« .

Cette nuit, Roy Harper peine à dormir. D’ailleurs l’image ne manque pas de sel car selon ce que vous voulez y voir, vous pouvez penser que Roy et Oliver dorment dans la même chambre mais (peut-être) dans deux lits séparés. A moins que ce soit dans un seul et même lit ? L’angle de vue laisse planer de doute. Tandis qu’Oliver dort, Roy est taraudé par l’angoisse : « Comment pourrais-je dormir alors que je ne cesse de me souvenir que… Green Arrow dans sa jeunesse n’aurait jamais fait ce genre d’erreurs !« . Au point que Roy se lève et va faire les cents pas. Il est horrifié. Il vient de réaliser qu’un jour, bientôt, Oliver sera trop vieux. Il aura besoin d’un successeur ! Mais comment l’élève pourrait-il dire à son mentor qu’il a fait son temps ? En fait, la question va se poser plus vite et plus directement que Roy l’espérait.

Oliver a remarqué que son pupille n’arrivait pas à dormir, qu’il n’était pas tranquille : « Quelque chose te dérange, Kid ? Tu as creusé comme une tranchée dans la moquette ! Allez, pas de secrets entre nous, tu te souviens ?« . Surpris, Roy se voit donc dans l’obligation de se confier : « Je dois te dire, Green Arrow ! Tu as manqué trois fois ton coup la nuit dernière ! Ca ne peut pas continuer comme ça ! Et… et…« . Oliver demande alors avec inquiétude ce que son sidekick a tant de mal à lui dire… « Oh je vois ! Tu veux dire que je deviens vieux ! Que je deviens lent ! Et que si la carrière de Green Arrow doit continuer, quelqu’un d’autre doit me remplacer, c’est ça ?« . Dans un pleurnichement, le jeune Roy acquiesce… Oliver, abattu, concède : « Peut-être que tu est dans le vrai ! Peut-être que je ne suis plus le tireur que j’ai été ! Peut-être que je ne suis plus qu’un has-been ! Mais écoute, Roy… Il ne doit jamais y avoir un autre Green Arrow !« .

Oliver explique le fond de sa pensée. Green Arrow, c’est lui. Bien sûr, s’il a fait son temps, il doit passer la main. Mais son successeur ne doit pas porter ses couleurs : « Il peut y avoir un Blue Arrow, un White Arrow ou encore un Red Arrow. Mon successeur pourra porter une de ces couleurs. Mais qu’aucun homme ne porte mon costume. Que la carrière de Green Arrow se termine. Même si sa tradition est poursuivie par quelqu’un qui portera un autre nom. C’est tout ce que je te demande, mon garçon !« . On remarquera que la dynamique traditionnelle du tandem adulte/sidekick est ici inversée. D’habitude, dans les aventures de Batman et Robin, c’était le jeune (Robin) qui tremblait à l’idée d’être remplacé. L’adulte (Batman), détenait les commandes et pouvait remettre en doute la place du jeune. D’ailleurs ça ne manquait pas. La position de Robin était régulièrement objet de doute, le héros juvénile se demandant avec effroi si son mentor ne projetait pas de le remplacer. Le seul élément qu’on ne pouvait pas remettre en question était l’adulte. Ici, la chose fonctionne donc dans l’autre sens. C’est le sidekick qui se demande si l’adulte de référence n’est pas dépassé. Non seulement Green Arrow est remis en question mais il ne peut que concéder la chose, demandant tout au plus que son remplaçant ne perpétue pas son identité. Et là aussi c’est une inversion des choses car chez Batman il ne faisait guère de doute que quand Bruce Wayne deviendrait trop vieux Robin, plus âgé, serait en mesure de lui succéder, de perpétuer l’identité masquée. Là, ce qu’Oliver Queen explique à Roy joue sur deux niveaux simultanés. D’abord il ne se précipite pas sur le garçon en lui disant qu’il est son successeur naturel (Roy est de toute manière trop jeune pour ça). Oliver part du principe qu’il s’agira d’une tierce personne, externe au tandem. Mais surtout l’adulte réclame qu’il n’y ait pas de Green Arrow après lui, ce qui détruit une bonne partie de la notion de « succession » inhérente au sidekick.

Pour l’heure Roy a d’autres préoccupations. Il est désolé de mettre son mentor sur la touche. Mais Oliver est bon joueur. Il a même une idée pour trouver la relève. Il va organiser un concours d’archers et ils choisiront les trois meilleurs hommes. Le jour suivant un tournoi secret est donc organisé parmi les meilleurs archers et trois d’entre eux se distinguent lors de l’épreuve finale. Il ne s’agit pas seulement de tirer dans le centre de la cible mais d’être capable de le faire à trois reprises, détruisant les deux premières flèches plantées. Les trois challengers sont confirmés et Green Arrow explique alors à ses trois successeurs potentiels le reste de la marche à suivre. Chacun d’entre eux va porter une tenue différente et partir en patrouille avec Speedy. C’est lui qui décidera lequel des trois sera le meilleur…

La nuit suivante Speedy prend donc place à bord de la Arrow-Car (équivalent de la Batmobile) en compagnie du premier des trois candidats… Red Arrow (« Flèche Rouge ») ! Roy en est tout chose et explique à l’homme qui l’accompagne que cela lui fera tout bizarre de dire « Red Arrow » en lieu et place de Green Arrow. L’autre lui explique alors que ce serait une fierté pour lui de remplacer le héros. Mais très vite le nouveau tandem entend un appel à l’aide. Quelque chose se passe dans un appartement situé quelques étages plus haut. Heureusement les deux héros peuvent utiliser la fonction « catapulte » de la voiture, qui les expédie comme deux flèches (c’est toute l’idée) à la hauteur de l’étage concerné. Speedy est inquiet. L’usage de la catapulte peut-il faire peur à Red Arrow ? L’autre tempère… Après tous les essais qu’ils ont fait avant la patrouille, il est totalement prêt ! En entrant par la fenêtre, Speedy et Red Arrow découvrent alors un cambriolage en cours, avec une victime qui clairement a été assommée (ou tuée ?) affalée sur le sol. Deux malfrats sont encore là. Speedy étant le plus expérimenté des deux, il conseille : « Vise leurs flingues en premier, Red Arrow !« . Mais là aussi l’adulte est déjà sûr de lui : « Je sais ! C’est toujours la première chose à faire !« . Rapidement les deux gangsters sont neutralisés, l’un d’entre eux se lamentant : « Comme si ce n’était déjà pas assez d’avoir Green Arrow qui s’acharne sur nous… Maintenant il y aussi un Red Arrow !!!« .

Mais justement le gangster profiter d’un moment d’inattention pour jeter une table dans le passage des héros. Les deux voleurs peuvent alors tenter de s’échapper. Ils sont d’ailleurs pratiquement au bout du couloir quand Red Arrow les vise avec une « flèche à Bolas ». Speedy le prévient pourtant qu’à une telle distance ce genre de tir est impossible. Red Arrow ne se démonte pas : « Impossible ? Ce mot n’existe pas !« . Red Arrow tire donc et son projectile va frapper les jambes des fuyards, les piégeant de manière à stopper leur fuite. Les gangsters sont sidérés : « Ce Red Arrow est même encore meilleur que Green Arrow !« . Et même si Speedy est surpris d’en arriver à la même conclusion, intérieurement il constate : « C’était un tir que Green Arrow aurait pu faire à l’époque de sa grande forme. Ce Red Arrow est bon !« .

Les cambrioleurs dûment coffrés, Speedy s’en va la nuit suivante en compagnie du deuxième candidat, White Arrow (aucun lien de famille avec le plus tardif Archer Blanc de François Corteggiani et Jean-Yves Mitton, bien que l’Archer Blanc a sans doute été au moins en partie inspiré par Green Arrow). En prenant place dans la Arrow-car, Roy prévient cependant ce « Flèche Blanche » que Red Arrow a été exceptionnel. Faisant preuve de la même confiance que Red Arrow, White Arrow répond alors simplement qu’il lui faudra faire mieux.

Mais il ne se passe pas grand chose dans la ville. Il n’y aucun crime à arrêter. Les deux héros décident donc d’emprunter le pont pour patrouiller dans la banlieue proche. Mais sur le pont ils tombent sur un hold-up en train de se dérouler. Des bandits viennent d’arrêter un fourgon de banque et sont en train de le dévaliser sous la menace. A nouveau les archers utilisent la fonction « catapulte » pour se projeter sur les lieux. Les voleurs pensent d’abord qu’il s’agit de Green Arrow et Speedy mais le héros en blanc est prompt à les reprendre : « Correction, s’il vous plait ! Le nom est White Arrow !« .

Le gang n’attend cependant pas pour prendre des notes. Ils se sont déjà engouffrés dans leur automobile et prennent la fuite. Speedy s’exclame qu’il va falloir faire demi-tour et retourner jusqu’à la Arrow-Car s’ils veulent les prendre en chase. Mais White Arrow a une autre idée : « Attends ! Et si je tirais la flèche-sirène au dessus de leur voiture ?« . En fait le héros adulte ne veut pas toucher la cible mais bien utiliser la ruse. Et ça marche : La flèche arrive en hurlant à la hauteur du véhicule. Les voleurs, en écoutant le bruit, pensent qu’il s’agit d’une sirène de police et qu’un fourgon est en train d’arriver à leur rencontre. Se croyant pris au piège, le gang décide de faire demi-tour pour tenter d’écraser les deux archers, ce qui semble être leur meilleure chance de fuir… Bien sûr, White Arrow et Speedy comptaient là dessus. Quand la voiture revient vers eux, les deux héros tirent leurs flèches dans les roues de l’automobile. Une nouvelle fois Speedy est impressionné : « Le coup de la sirène de White Arrow était digne de Green Arrow lui-même quand il était bon !« . Mais se sentant piégé, un des gangsters saute par dessus le rebord du pont. Il préfère risquer la mort plutôt que la prison, pensant qu’il a une petite chance de s’en tirer en sautant de l’eau. Speedy s’exclame : « L’idiot ! Personne ne peut faire ce saut et survivre !« . Là encore White Arrow se distingue par son sang-froid : « Ceci nécessite la flèche Boomerang !« . Et effectivement l’archer vêtu de blanc tire une flèche qui, reliée à un câble, s’enroule autour du désespéré et stoppe sa chute. Une fois encore Roy est admiratif : « Wow ! White Arrow est sensationnel ! Blue Arrow va avoir du mal à faire aussi bien demain !« .

Le lendemain le caïd local Bronco Bates est en train de lire le journal. Il est excédé. Bates était le chef de la bande que Green Arrow a tenté d’arrêter en début d’histoire mais on comprend à mots couverts qu’il était aussi le cerveau derrière les vols arrêtés depuis par Speedy et les deux héros-candidats. Bates tempête : « Green Arrow ! Red Arrow ! White Arrow ! Ne me dîtes pas qu’ils vont en plus lancer un Blue Arrow ? ». Mais il est interpellé depuis la le seuil de la pièce : « Et pourquoi pas ?« . Blue Arrow, un personnage brun et au costume bleu, est appuyé de manière détendue contre la porte, accompagné, bien sûr, par Speedy. Il semble évident qu’ils sont arrivés à remonter la piste du gang (ou qu’un des prisonniers des deux soirées précédentes a parlé). Bates croit devenir fou « Non… NON! Ca doit venir de mes yeux !« . Mais un de ses hommes de main lui confirme : « C’est un Blue Arrow !« . Sans perdre de temps les deux archers tirent leurs flèches de manière à éjecter hors de portée les revolvers des bandits. Blue Arrow utilise la flèche lasso pour capturer les derniers membres du gang mais Bronco Bates, lui, s’enfuit par la porte du fond.

Speedy s’exclame « Cette porte mène au balcon ! » et les deux héros s’élancent comme un seul homme. Si ce n’est qu’il n’y a pas de balcon mais un mince rebord sur lequel Bronco a trouvé refuge. Derrière la maison il n’y a qu’une grande falaise. Si on arrive en courant (comme le font les deux archers) on est emporté par l’élan et on tombe dans le vide ! Voici un curieux détail architectural (pourquoi Bates aurait-il équipé d’une porte qui mène ainsi sur une falaise ?) qui fait quand même le bonheur du gangster. Blue Arrow et Speedy tombent donc sans moyen de se rattraper. Même Speedy voit la mort approcher : « Gulp ! Nous sommes finis !« . Mais là aussi le troisième candidat a un peu plus la tête sur les épaules : « Ne parle jamais de mourir, Kid ! Prions juste pour que cette flèche-crochet trouve prise sur la falaise !« . Blue Arrow tire… et ce nouveau gadget leur permet de s’accrocher à un câble. Et Blue Arrow fanfaronne : « Je n’aime pas me vanter, Speedy, mais ceci dépasse tout ce que Green Arrow a pu faire !« . Grimpant via le câble jusqu’à la maison de Bates, les deux archers ont tôt fait de prendre par surprise le gang (qui se voyait déjà libre) et de boucler l’affaire.

Il ne reste donc plus qu’à rentrer à la « Salle des trophées » (équivalent de la Batcave, bien que Green Arrow ait aussi eut une Arrow-Cave, forcément. La « Salle des trophées » est donc sans doute une partie de la Arrow-Cave). Speedy va devoir choisir. Encore que. On peut se demander pourquoi il devrait choisir. S’il existe trois archers du même calibre qu’un Green Arrow au sommet de son art, pourquoi faudrait-il s’en tenir au meilleur ? Est-ce que la justice ne serait pas mieux servie avec tout un groupe d’archers pour patrouiller dans la ville ? La pensée ne semble pas effleurer les deux hommes. Une nouvelle fois Blue Arrow se vante : « J’imagine que je suis le successeur de Green Arrow ! J’ai dépassé tout ce que Red Arrow ou White Arrow avaient pu faire pendant leurs tests !« . Mais Speedy sort son arc et le vise. Blue Arrow est passablement surpris. Speedy explique : « Il te reste un test… Celui du courage !« . Speedy tire alors une dizaine de flèches qui viennent se planter dans le mur à quelques millimètres de la peau de Blue Arrow : « Si un de tes muscles tressaute, tu seras égratigné par ces flèches ! Seul un vrai égal de Green Arrow aura des nerfs d’acier pour subir ce test !« .

Forcément, les flèches sont tirées si près que, sans blesser Blue Arrow, elles déchirent en partie sa tenue… Et révèle alors un tissu vert. Speedy n’est pas spécialement surpris : « Bien… il y avait un costume vert sous le bleu !« . Blue Arrow pose alors sa perruque brune, révélant qu’il est… Green Arrow : « Ainsi tu t’en doutais !« . Blue Arrow était donc Oliver Queen. Et contrairement à ce que vous pourriez penser « Blue Arrow » n’a pas gagné le test parce qu’il était supérieur aux deux autres archers. Il était TOUS ces archers tour à tour : « Oui ! Je me suis déguisé en Red, White et Blue Arrow pour te prouver que tu avait seulement imaginé que je baissais ! Mais quand as tu deviné ?« . Le sidekick explique qu’il a tout réalisé seulement quelques minutes auparavant : « Je me suis dis qu’aucun débutant ne pouvait utiliser des flèches comme celle des bolas ou du lasso avec une telle maîtrise et dans un temps si cours. Mais alors qui étaient les archers originaux ?« . Roy veut parler de ceux qui ont participé au concours et qui sont apparus tous au même endroit et au même moment. Oliver Queen explique : « C’étaient des amis, membre de mon club de tir à l’arc, qui étaient dans la confidence. Le reste du temps des perruques et du maquillage m’ont permis de faire illusion…« . Bien sûr rien n’explique vraiment pourquoi après s’être donné la peine de se faire passer pour Blue Arrow Oliver se serait embêté à porter sa tenue de Green Arrow sous le costume bleu. C’est le même genre de raccourci scénaristique qui a pourvu Bronco Bates d’une maison donnant sur le vide. Mais l’important est la conclusion. Oliver l’assène enfin à son compagnon : « Et bien, Speedy, j’espère que tu ne douteras plus jamais de Green Arrow ! ». Et l’autre de conclure : « J’ai appris ma leçon et j’écrirais ça… noir sur blanc !« .

Red Arrow, White Arrow et Blue Arrow n’étaient donc qu’un seul et même homme, Green Arrow. Les trois couleurs renvoient à celles du drapeau américain mais découlent aussi d’un choix logique. Il ne pouvait guère y avoir de « Yellow Arrow », le jaune étant souvent associé à la traîtrise ou à la couardise. Et « Golden Arrow » (« Flèche Dorée ») était déjà le pseudonyme d’un héros de l’Ouest paraissant depuis des années chez le concurrent Fawcett Comics. Otto Binder, scénariste de cette histoire de Green Arrow (tandis que le dessin était signé George Papp), était un fréquent collaborateur de Fawcett et pouvait d’autant moins ignorer Golden Arrow qu’il avait lui-même écrit les aventures de cet autre archer. Ce qui ressemblerait le plus à une version dorée de Green Arrow apparaîtrait des années plus tard chez Marvel, dans Captain America #179 (1974), quand le héros Hawkeye se déguiserait le temps d’un épisode en « Golden Archer » (une version dorée du costume de Green Arrow) pour approcher Steve Rogers tout en restant incognito. On remarquera que dans les deux cas il s’agit de se faire passer pour un autre archer pour mieux prouver une chose à un allié et Captain America #179 est donc sans doute une référence indirecte à Adventure Comics #133 (par la suite, à partir de 1975, « Golden Archer » deviendrait le pseudonyme et le look de l’ex-Hawkeye du Squadron Supreme).

Pour en rester à Green Arrow, la chose la plus marquante (et finalement la seule authentique) démontrée dans Adventure Comics #133 était qu’Oliver Queen n’envisageait pas que Speedy (ou quiconque) le remplace un jour en utilisant exactement de la même identité costumée. La phrase « Il peut y avoir un Blue Arrow, un White Arrow ou encore un Red Arrow. Mon successeur pourra porter une de ces couleurs » allait planer sur l’héritage de Queen pendant quelques décennies, bien que la plupart des lecteurs n’en soient pas conscients. Car finalement le seul à vraiment porter le nom de Green Arrow après Oliver Queen serait (à partir de 1995) Connor Hawke, le fils naturel de Queen, qu n’était pas là en 1948 pour prendre connaissance du souhait de son père. Les autres auxiliaires d’Oliver s’en tiendraient à la suggestion de leur mentor. C’est ainsi qu’en 1996, dans Kingdom Come (minisérie qui montre ce qui est alors considéré comme futur potentiel de l’univers DC), Roy Harper, devenu adulte, n’est pas devenu le nouveau Green Arrow (alors que la série montre un certain nombre de héros-héritiers qui ont repris le nom d’un personnage antérieur). Le Roy adulte, ex-Speedy, a respecté le choix de son mentor en 1948 et est donc désormais… Red Arrow. Une des identités alternatives suggérées par Oliver Queen des décennies plus tôt. L’idée se fixera et finalement en 2007 (Justice League of America V.02 #4), le Roy Harper « classique » (c’est à dire non alternatif) en viendra à assumer durablement l’identité de Red Arrow. C’est aussi le nom de code utilisé par la seconde Speedy (Mia Dearden) dans l’univers alternatif de Titans Tomorrow. Ce qui laisserait en théorie de la place à d’éventuels Blue Arrow et White Arrow (à moins de les utiliser pour d’autres Terres parallèles ? D’ailleurs un Red Arrow dérivé d’Oliver Queen est vu dans un épisode de Fringe). Car, après tous, les trois archers qui avaient aidé Green Arrow à duper Roy au moment de la compétition étaient capable de toucher leur cible à chaque fois… Bref, si la conclusion d’Adventure Comics #133 tendait à démontrer qu’il n’y avait qu’un Green Arrow et l’épisode reste généralement méconnu, ses retombées (essentiellement la mise en place de Red Arrow) se firent sentir des dizaines d’années plus tard et ouvrirent la porte ouverte à d’autres « successeurs » ou tout au moins simili-archers comme Queen Arrow, Arrowette, le Crimson Archer, les Archers of the World ou les Scarlet Bowmen…

[Xavier Fournier]