Oldies But Goodies: Adventure Comics #259 (Avr. 1959)

15 août 2009 Non Par Comic Box

Oldies But Goodies: Adventure Comics #259 (Avr. 1959)[FRENCH] Green Arrow n’est pas aussi bien achalandé que Batman, Superman ou Flash en termes d’adversaires charismatiques. Spider-Man a Venom. Iron Man a le Iron Monger. Mais Green Arrow ? Quel est sa version maléfique ? Son opposé ? Pas évident de le déterminer (à moins de se satisfaire du morne archer Merlyn qu’il combat à l’occasion).. Pourtant, un jour, un ennemi d’Oliver Queen a bien détourné ses méthodes au service du crime. Dans « The Green Arrow’s Mystery Pupil », faisons connaissance avec le Crimson Archer, sorte de « Flèche Rouge » opposé à la « Flèche Verte » qu’est Green Arrow mais qui est pourtant… son élève ?

Green Arrow face au Crimson Archer dans la page d'ouverture tirée d'un reprint paru dans World's Finest 154En lisant le journal, Oliver Queen (alias le héros-archer Green Arrow) découvre une petite annonce qui lui demande de prendre contact rapidement avec un milliardaire, Hector Vance, qui lui demande de lui apprendre tous les secrets du tir-à-l’arc. En échange de quoi l’homme richissime s’engage à verser un million de dollars à une œuvre de charité que choisira Green Arrow. L’archer masqué et son fidèle compagnon, Speedy, sont deux passionnés des arcs et des flèches. Transmettre leur passion les intéresse donc toujours. Et si en plus c’est pour une bonne œuvre.. Du coup la réponse de Green Arrow est immédiate. Il accepte sans hésitation. Très rapidement, il passe aux explications pratiques, démontrant au milliardaire comment et pourquoi ses flèches sont composées de telle ou telle manière… Il lui explique aussi comment prendre en compte la distance, le vent et même l’ombre pour toujours faire mouche.

Et ça marche ! Bien vite, l’autre homme commence à tirer des flèches qui vont droit au centre de la cible. Mais pour un million de dollars, il a bien entendu droit à bien plus de choses qu’un cours standard de tir-à-l’arc. Green Arrow montre tout, même la manière dont fonctionne ses célèbres flèches à gadgets telles que la flèche-à-filet ou en encore la flèche-ballon-gonflable. La flèche-de-pluie sert à éteindre les incendies. Une autre émet de la fumée. Enfin la flèche-soleil qui illumine quand le besoin s’en fait sentir. Enfin, Green Arrow explique aussi un de ses secrets : il prend toujours soin de tourner le dos au soleil pour ne jamais être ébloui. Après ce tour d’horizon, Vance est devenu un archer émérite mais avant de le quitter, Green Arrow lui donne un dernier avertissement: il n’a jamais utilisé et n’utilisera ses flèches pour tuer quelqu’un. Bon en fait c’est faux, même si Green Arrow est de bonne foi : dans les années 70, Green Arrow tuera par accident quelqu’un et ce sera le début d’une sorte de crise existentielle. Mais nous n’en sommes pas là. De toute façon Vance promet de suivre ce conseil. Rassuré, Oliver Queen et son jeune élève, Roy Harper (Speedy) peuvent retourner à la vie civile. Oliver lit tranquillement le journal en fumant sa pipe (une attitude cosy qu’on retrouve chez de nombreux super-héros de la jet-set) tandis que Roy lui regarde la TV.

Green Arrow enseigne tous ses secrets...Ils sont loin de se douter de l’actualité qui se trame ailleurs, au même moment. Des convoyeurs de fonds suffoquent dans une fumée à l’allure familière. Ils titubent, échappent leurs sacs de billets… qui sont repris au vol par une silhouette rouge. Ce qui est en train de se dérouler, c’est un hold-up mené par un archer assez similaire à Green Arrow mais vêtu dans une tenue écarlate: le Crimson Archer. Sur cette couleur rouge, un petit détour s’impose. D’une part le choix de la couleur s’explique assez logiquement parce que le rouge est la couleur complémentaire du vert, celle qui assure un certain contraste. Mais il y a aussi une autre chose intéressante à noter, c’est que cet épisode de Green Arrow est dessiné par Lee Elias (le scénariste, lui, n’est pas crédité). Quelques années auparavant Lee Elias dessinait pour un autre éditeur, Harvey Comics, en particulier pour la revue Black Cat Comics. Or, vers la fin des années 40 il se trouve qu’un des héros secondaires apparaissant dans Black Cat Comics avait pour nom… Le Scarlet Arrow. Ce dernier, bien qu’il soit également écarlate, n’avait pas l’air d’un Robin des Bois peint en rouge et ressemblait plutôt à une sorte de mousquetaire (avec la barbiche à la D’Artagnan, ce qui fait qu’ironiquement le Scarlet Arrow avait des faux airs du Green Arrow des années 70 bien avant l’heure). Impossible, bien sûr, de savoir si le Scarlet Arrow a influé formellement sur la couleur du Crimson Archer, s’il s’agit d’un simple hasard (parce qu’il n’existe pas non plus un nombre infini de couleurs d’imprimeries, comme le prouve le costume de Speedy, également rouge) ou si Lee Elias avait gardé une trace subconsciente du personnage d’Harvey. En définitive, ce qui est sûr, c’est qu’en inventant un Crimson Archer ennemi de Green Arrow, le mécanisme est proche de ce qui sera plus tard l’opposition visuelle entre Flash et son opposé, le Reverse-Flash (alias le Professeur Zoom) ou encore du rapport Captain Marvel/Black Adam

Les premiers faits d'armes du Crimson Archer...Entretemps Green Arrow et Speedy en avaient sans doute marre de respectivement fumer la pipe et regarder la télévision. Ils se sont lancés dans une patrouille à bord de leur Arrowcar (à l’époque les méthodes de Green Arrow étaient considérablement pompées sur celles de son collègue Batman). Les voici donc qui arrivent sur les lieux avant que le Crimson Archer n’ait le temps de s’éloigner. Un combat s’engage. Mais les deux héros ne sont pas au bout de leurs surprises. Chacune de leurs manœuvres est contrée par le Crimson Archer. Quand Green Arrow sort une flèche-gant-de-boxe, le gadget est bloqué… par une flèche-gant-de-boxe tirée par l’adversaire. Puis le Crimson Archer s’enfuit à l’aide d’une flèche-ballon-gonflable elle aussi très reconnaissable. Green Arrow et Speedy sont consternés : le criminel utilise toutes leurs méthodes ! Très vite, les deux archers se posent la question évidente. Ce Crimson Archer, ce ne serait pas le milliardaire Vance par hasard ? Il faut dire que le scénariste ne s’est pas spécialement fatigué à nous fournir d’autres suspects potentiels dans l’histoire. Mais en même temps Green Arrow ne peut s’empêcher de se demander pourquoi un homme richissime aurait besoin de faire un hold-up.

Les vraies motivations du Crimson Archer...En fait l’explication ne va pas tarder. Dans la demeure de Vance, le Crimson Archer jubile. A une époque il n’était que le gangster Herb Vraney, avant que Green Arrow l’arrête et mette sa bande sous les verrous. A sa sortie de prison, Vraney a subit une opération de chirurgie esthétique pour ne pas être reconnu et il a utilisé tout le magot qu’il avait pu planquer avant de se faire prendre, de manière à créer sa « fortune ». Son but ? Il a juré de briser Green Arrow en utilisant ses propres méthodes… Et il paraît bien en passe de réussir. Dans les jours qui suivent le Crimson Archer continue sa vague de crime sans être réellement inquiété. Finalement Green Arrow et Speedy arrivent à le pister là où le Crimson Archer le voulait, c’est à dire Glenville, l’endroit où les deux héros archers avaient arrêtés Herb Vraney. Mais à nouveau Green Arrow est déstabilisé : le Crimson Archer s’est mis dans une position où il tourne le dos au soleil. Ce qui veut dire que l’archer vert, lui, est ébloui par l’astre solaire. Crâneur et sur de vaincre, le Crimson Archer annonce qu’il va se faire la main en tirant d’abord quelques flèches à côté du héros, pour le fatiguer avant de l’achever. Car il le souligne : si Green Arrow ne tue pas, lui n’a pas la même limite !

Une arme du Crimson Archer que Green Arrow n'a pas : les flèches-pistolets, qui tirent des balles..Perdu, Green Arrow ? Non, il contre-attaque en utilisant sa flèche à fumée. Elle lui permet de créer une sorte de brouillard qui cache le soleil et règle le problème de l’éblouissement. Mais pendant ce temps le Crimson Archer a eu le temps de lancer des flèches enflammées. Un incendie encercle le héros. Ce dernier ne se déconcentre pas et utilise alors sa flèche-de-pluie. Il pleut sur les flammes. L’incendie est donc éteint en un rien de temps. Mais le Crimson Archer a une arme que son « modèle » n’a pas : des flèches-pistolets, qui tirent des balles. Sur le plan logique, c’est bien sûr complètement crétin et on pourrait se demander pourquoi le Crimson Archer ne dégaine pas un vrai révolver plutôt que de passer par un tel gadget alambiqué. Mais rappelez-vous que le bonhomme est obsédé par l’idée de retourner les méthodes de Green Arrow contre lui. Il lui faut donc passer par des flèches plutôt que des armes à feu traditionnelles. Finalement Green Arrow arrive cependant à retourner la situation en lançant sa propre flèche-soleil. Elle joue le rôle de soleil artificiel et c’est au tour du Crimson Archer d’être aveuglé. Green Arrow et Speedy n’ont plus qu’à utiliser une flèche-à-corde pour immobiliser le criminel. L’histoire se termine par les deux héros retournés à leur appartement. Cette fois, tandis qu’Oliver Queen fume à nouveau, c’est au tour de Speedy de lire le journal du matin et découvrir qu’Hector Vance était en fait Herb Vraney. Ses empreintes digitales ont permis de l’identifier. Mieux : non seulement on a retrouvé l’argent dérobé par le Crimson Archer mais en plus le fait que la fortune de Vance était en fait le butin de Vraney a été établi. Du coup Vraney/Vance est retourné en prison pour un long moment. Oliver Queen conclue même, satisfait, que son élève maléfique ne tirera plus jamais la moindre flèche. Ce qui paraît un peu optimiste dans le contexte de l’univers DC où bon nombre de super-criminels séjournent peu de temps en prison. Pourtant, on ne reverra pas spécialement le Crimson Archer (je ne garantis pas qu’il ne se cache pas dans une scène de foule, quelque part dans les dizaines de milliers de comics publiés depuis par DC mais il ne fera pas de retour tonitruant). Ce qui est une occasion gâchée d’une certaine manière car non seulement, comme écrit plus tôt, la liste des ennemis reconnaissables de Green Arrow n’est pas longue mais le fait d’être un archer du mal, formé par Green Arrow, donnerait un certain cachet à Vraney s’il lui fallait reprendre du service, par exemple au sein d’une version maléfique de la Justice League. Aux côtés de gens comme le Reverse-Flash, le Crimson Archer pourrait former un groupe de « reflets criminels » assez intéressants… Si la carrière du Crimson Archer se limite en gros à cette histoire, les choses ne s’arrêtent pourtant pas là.

L'adversaire battu, Oliver et Roy retournent à leur vie quotidienne...Après sa première parution dans Adventure Comics en 1959, « The Green Arrow’s Mystery Pupil » fut réimprimé également dans World’s Finest #154 (1965). D’ailleurs les images qui accompagnent cet article viennent de la version de 1965, bien plus abordable économiquement. En ouverture de  cette réimpression, on trouvait une curieuse présentation éditoriale de quelques lignes qui expliquait que sur les 200 histoires de Green Arrow publiées entre 1941 et 1965, l’histoire du Crimson Archer avait été désignée par une « table ronde d’éditeurs » comme le meilleur récit consacré à l’archer d’émeraude. C’est un choix plutôt curieux car même si l’épisode est intéressant, on peut sans doute sans trop de difficulté fouiller dans la bibliographie du héros et ramener une pleine brassée d’histoires plus originales (je pense en particulier à l’époque où Jack Kirby s’occupait du personnage). Et si vraiment les têtes pensantes de DC pensaient en 1965 que l’origine du Crimson Archer était la meilleure histoire jamais publiée au sujet de Green Arrow, comment expliquer qu’on ait pas ramené Vraney ? Il semble bien plus probable que cet épisode trainait dans la pile prête à réimprimer et que quelqu’un aura trouvé plus « vendeur » de présenter aux lecteurs cette réimpression comme une sorte de couronnement plutôt que comme une redite. D’où cette explication de « meilleure histoire » de Green Arrow…

Quelques années plus tard, dans Avengers #109, une leçon de tir-à-l'arc très familière, donnée là aussi pour un million...Et pourtant certains lecteurs avaient dû être très impressionnés par l’histoire, que ce soit lors de sa parution initiale en 1959 ou dans la réimpression de 1965. Car on retrouve le scénario transformé de manière à peine voilée dans… Avengers vol.1 #109, en 1973, cette fois signé Steve Englehart et Don Heck. Les Vengeurs sont publiés par le grand concurrent de DC, Marvel Comics, et eux aussi ont un héros archer : Hawkeye (ou Œil-de-Faucon en VF, qui opère actuellement sous le nom de Ronin). Or, dans Avengers #109, Hawkeye est embauché par un milliardaire, Imus Champion, qui lui demande de lui apprendre le tir-à-l’arc en échange… d’un million de dollars qui seront versés à une œuvre de charité. Comme le Crimson Archer avant lui, Champion finira par se retourner contre Hawkeye (et par extension contre le reste des Avengers) en mettant les méthodes apprises au service du crime. La différence de taille (au propre comme au figuré) c’est qu’Imus Champion est une sorte de monstre de la nature faisant dans les trois mètres de haut (sa stature a sans doute été pensée par le scénariste pour lui permettre de mieux tenir tête aux membres les plus forts des Vengeurs). Mais le mécanisme de départ est bien trop similaire (même la somme offerte en échange des cours est la même !) pour être le fruit du hasard. Ironiquement Imus Champion (sans être une super-star où même vraiment un adversaire majeur des Avengers) aura quand même une petite carrière et quelques apparitions. On l’a revu plusieurs fois, entre autres choses en 1998 à l’époque où Kurt Busiek écrivait les Vengeurs. Mais à ce moment-là, qui se souvenait que Champion était la version Marvel d’un super-vilain oublié de DC ? C’est une preuve de plus que même le plus mineur des personnages a parfois des ramifications qui viennent de la concurrence…

[Xavier Fournier]

P.S. : Demain  dimanche, retrouvez également un autre « Oldies But Goodies » !