Review : Thunderbolts*
29 avril 2025Depuis quelque temps, l’univers cinématographique Marvel semblait en perte de vitesse. Entre la fatigue des super-héros, les critiques mitigées sur certaines séries et la valse des projets annoncés puis repoussés, l’empire bâti depuis Iron Man donnait l’impression de tourner à vide. Mais après le succès attendu de Deadpool & Wolverine, Marvel revient avec Thunderbolts*, un film plus discret sur le papier, mais qui s’impose comme une véritable bouffée d’air dans le paysage saturé des blockbusters de super-héros.
Héros ou menace(s) ?
Thunderbolts* n’est pas un film comme les autres dans le MCU. Il s’agit d’un anti-Avengers, un groupe de personnages secondaires issus de précédentes productions Marvel, souvent relégués aux marges des intrigues principales, et qui trouvent ici une nouvelle raison d’être. Le film suit ces mercenaires, engagés par Valentina Allegra de Fontaine (interprétée par Julia Louis-Dreyfus, toujours aussi ambiguë) pour mener des missions trop « black-ops » pour qu’elle puisse rester en poste. On retrouve Yelena Belova (Florence Pugh), la soeur de Natasha Romanov alias Black Widow ; John Walker / U.S. Agent (Wyatt Russell), le super-soldat bancal introduit dans Falcon et le Soldat de l’Hiver sur Disney + ; le Fantôme (Hannah John-Kamen), voleuse aperçue dans Ant-Man & la Guêpe ; et Taskmaster (Olga Kurylenko), machine de combat sans identité claire depuis Black Widow. Envoyés dans une base d’opérations par Valeria, ils vont devoir effacer toutes traces de ses activités secrètes. Et si eux-mêmes faisaient partis de ces secrets ? Et qui est le mystérieux Bob, lui aussi enfermé dans ce repaire ultra-confidentiel ? Bucky Barnes / Le Soldat de l’Hiver (Sebastian Stan), vétéran traumatisé en quête de rédemption ainsi que Red Guardian (David Harbour), père adoptif de Yelena, aussi pathétique que touchant viendront leur prêter mains forte.
Renouer vers le succès…
La sortie de Deadpool & Wolverine a incontestablement redonné de l’élan au MCU en 2024. Ce film irrévérencieux et ancré dans la pop culture, a su séduire un public lassé de l’uniformité Marvel. Dans ce contexte, Thunderbolts* arrive comme un contre-pied intelligent : il ne cherche pas à surfer sur le même ton provocateur, mais propose un mélange de drame humain, d’humour noir et d’action maîtrisée, plus proche dans l’esprit d’un The Suicide Squad que d’un Guardians of the Galaxy.
Pour Marvel, c’est aussi un pari stratégique. Offrir une seconde vie à des personnages déjà existants, mais pas forcément exploités à leur plein potentiel, permet de capitaliser sur le connu sans sombrer dans la redite. La tonalité plus sombre, presque mélancolique du film, tranche avec les productions récentes. Le film se positionne comme une relance plus mature de l’univers, en misant sur la caractérisation plutôt que l’esbroufe, et en osant parler de traumatismes, de loyauté, de manipulation politique, et d’identité.
En ce sens, Thunderbolts* joue un rôle clé dans la phase 6 du MCU (qui commencera en juillet avec Fantastic Four) : il annonce un renouveau narratif en recentrant l’attention sur des personnages et non plus uniquement sur des menaces cosmiques, trop souvent désincarnées.
De figures secondaires à héros de cœur
C’est sans doute la plus grande réussite de Thunderbolts* : faire aimer, vraiment, des personnages que le spectateur avait vus sans jamais les voir complètement. En effet, à l’exception de Bucky, il s’agit de héros ou vilains que vous aurez vu en rôle secondaire dans un film ou une série TV du MCU.
Florence Pugh continue de briller dans le rôle de Yelena. À la fois drôle, meurtrie, sarcastique et pleine de cœur, elle s’impose définitivement comme le pilier émotionnel du film. Son jeu oscille entre puissance et fragilité, et sa relation avec les autres membres de l’équipe donne au film une chaleur inattendue. Il faut dire que l’actrice est la tête d’affiche du long-métrage. Devenue figure hollywoodienne incontournable depuis Don’t Worry Darling en 2022, elle a enchaîné les films dont Dune 2 (et bientôt 3), Oppenheimer ou encore L’amour au présent. La production lui a donc taillé une part importante de Thunderbolts* et elle porte le film à bout de bras. Elle donne à Yelena une profondeur qui dépasse le simple héritage de Natasha Romanoff, capable de jongler entre action, drame et humour avec une fluidité déconcertante.
Pour l’épauler, elle peut compter sur l’autre star du film, Sebastian Stan. Devenu mondialement célèbre depuis sa performance en Donal Trump dans The Apprentice (qui lui a valu une nomination aux Oscars). Il offre sans doute sa meilleure performance dans le rôle de Bucky. Plus âgé, plus usé, mais toujours en lutte avec son passé, il devient le mentor d’une équipe qui ne veut pas de chefs. Sa relation avec John Walker est une suite naturelle aux événements de Falcon & le Soldat de l’Hiver.
Le film réussit l’exploit de créer de l’affect là où, auparavant, il n’y avait que des silhouettes. Ce groupe disparate fonctionne justement parce qu’il est abîmé, dysfonctionnel, loin de la perfection des Avengers de la grande époque. C’est ce qui en fait toute la richesse : chacun porte ses blessures, ses contradictions et son histoire. Et la petite rengaine sur l’origine du nom « Thunderbolts » est assez amusante.
Bob ne jette pas l’éponge !
L’autre élément majeur de Thunderbolts* est l’introduction d’un nouveau héros au sein du MCU : Bob. Pour ceux qui l’ignoreraient Bob est surnom de Robert Reynolds, alias Sentry. Vêtu d’un costume jaune et d’une cape bleue, Sentry est une sorte de Superman qui aurait de grave problèmes mentaux. Dans les comics, il a même fait oublier son existence à ses camarades justiciers car sa noirceur est tout aussi dévastatrice que son don pour le bien. Dans le film, cette dualité est explorée en long, en large et en travers, pour renforcer le côté psychologique des protagonistes. Cette approche évite les inévitables grosses scènes d’action bourrées de SFX (récemment mal finis). Attention, ne vous méprenez pas, il y a de l’action, mais il s’agit plus de combat au corps-à-corps que de destruction massive. Seul Sentry nous démontre toutes l’étendue de ses super-pouvoirs, sans que cela aie l’air kitsch.
Si le marketing du film a beaucoup joué avec l’astérisque sui se trouve à la fin du titre, c’est pour réaliser une petit pirouette lors du générique de fin. Une nouvelle direction pour l’univers Marvel qui n’est pas sans rappeler une époque des comics écrite par Brian Michael Bendis, avec un line-up différent à l’écran. À noter que deux scènes post-générique viennent conclure cette aventure. Si la première est anecdotique, la seconde nous met l’eau à la bouche sur le devenir des nouveaux héros et l’avenur du MCU.
Ni un reboot, ni une énième origin story, Thunderbolts* est une réussite inattendue. Un film à contre-courant qui vient rappeler que le MCU peut encore surprendre lorsqu’il mise sur l’humain avant tout. Sans prétention cosmique ni bataille intergalactique, il s’impose par la justesse de son écriture, la qualité de son casting et l’émotion sincère qu’il dégage. En choisissant de faire confiance à des personnages de second plan, Marvel fait le pari du cœur — et il gagne.
Marvel’s Thunderbolts* – En salle le 30 avril 2025 – Réalisé par Jake Schreier – Avec Florence Pugh, Sebastian StanLEwis Pullman, David Harbour, Wyatt Russell, Hannah John-Kamen, Julia Louis-Dreyfus, Geraldine Viswanthan, Olga Kurylenko et Wendell Pierce.
[Pierre Bisson]