Avant-Première VO: Review The Big Lie #1

11 septembre 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] A l’occasion du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, Rick Veitch (Swamp Thing, Army@Love…) revisite la tragédie dans un « comic-book parabole ». En 2011, une femme qui vient de découvrir le moyen de voyager dans le temps se matérialise 10 ans plus tôt, une heure avant que le World Trade Center soit touché. Objectif ? Sauver la vie de son mari…

The Big Lie #1 [Image Comics] Scénario de Rick Veitch
Dessins de Rick Veitch & Gary Erskine
Parution aux USA le mercredi 7 septembre 2011

Imaginez. Une heure avant que le premier avion s’écrase sur une des tours, une femme arrive, prétend venir du futur et prévient du danger imminent. Le cours du temps en est-il pour autant changé ? Non, parce que personne ne la croit. Et même plus : Non contents de ne pas la croire ses interlocuteurs ont des contre-arguments pour lui prouver que les tours ne peuvent pas s’effondrer comme elle le prétend. Car « The Big Lie » (« Le Grand Mensonge ») n’est pas simplement une redite émue des événements, qui jouerait sur la corde sensible à l’occasion du dixième anniversaire des attentats du World Trade Center. Rick Veitch, partant du principe que la vérité n’a pas été établie, s’intéresse aux incohérences des événements. Personnellement je ne suis pas spécialement fan des « théories du complot » dans la mesure où bien souvent la chose se borne à nous expliquer que les médias nous ont manipulé et que la vérité est sur internet. Du coup, on peut vivre parfois des scènes délirantes lors de soirée où quelqu’un qui n’a absolument aucune compétence en architecture vous explique, avec force et vigueur, comment les tours n’ont pu tomber aussi « facilement » parce qu’il ou elle l’a lu et (à moitié compris) sur Internet. L’hypothèse qu’on nous ait tout dit sur le 11 septembre me parait aussi ridicule que l’extrème inverse : les théories abracadabrantes de certains où on vous raconte presque qu’aucun avion ne s’est écrasé et que les passagers sont probablement cachés sur je ne sais quelle île. C’est du Lost, du Grand Guignol. Aucun des deux extrèmes n’est satisfaisant.

Mais, là, Rick Veitch fait preuve d’un peu plus de doigté (sans renoncer à un peu d’acidité) en permettant aux arguments et aux objections de cohabiter dans une même histoire. L’héroïne arrive avec ce qu’elle sait de la tragédie, ses notes indexées sur un iPad (ce qui donne d’ailleurs une scène drôle quand les gens de 2001 s’aperçoivent qu’elle est équipée en Apple, firme alors relativement au creux de la vague). Elle raconte son histoire et ses interlocuteurs, eux, ont d’autres arguments pour ne pas la croire. Même si Veitch part du principe que la chute des tours a été « aidée » par des éléments extérieurs aux avions, il ne tire pas des conclusions définitives et, en un sens, s’intéresse surtout à poser des questions. Ce qui dérange finalement dans cet épisode unique ce n’est pas le raisonnement mais le caractère un peu vieillot des graphismes, de la mise en couleurs et des lettrages. Mais peut-être s’agit-il d’un effet « rétro » volontaire pour symboliser le bond dans le temps.

Au final la dernière page tranche pour une certaine version des faits mais il me semble que l’auteur a la sagesse de laisser chacun se faire sa propre opinion. La moralité est finalement à double niveau : si on nous avait dit, le matin du 11 septembre, qu’on assisterait à de telles scènes quelques heures plus tard, personne n’y aurait cru. Et que ce soit dans le passé ou dans le présent, mieux vaut garder l’esprit curieux et ne se pas contenter des versions des uns et des autres. En un sens, Veitch ne s’improvise pas en expert ou en prophète auto-déclaré. Le lecteur choisit. Et c’est appréciable.

[Xavier Fournier]