Oldies But Goodies: Untold Tales Of Spider-Man #-1 (Juillet 1997)

25 octobre 2008 Non Par Comic Box

[FRENCH] L’épisode que nous allons explorer cette semaine ne remonte pas aux années 40 et son titre n’a rien d’une série méconnue. Il y a donc une bonne chance que beaucoup d’entre vous l’aient lu lors de sa parution il y a quelques années. Cependant Untold Tales Of Spider-Man #-1 vaut la peine d’être relu… Certains secrets de l’univers Marvel s’y cachent en effet…

Peter Parker/Spider-Man a été directement créé orphelin, comme de nombreux héros de fiction (Superman, Batman, Luke Skywalker…) mais dans son cas l’absence de parents naturels est restée relativement inexpliquée pendant des années. Il n’y avait pas d’histoire de vengeance, pas de « raison » liée à l’existence de Spider-Man. Les parents Parker semblaient être morts dans un accident d’avion un point c’est tout. Il fallut attendre Amazing Spider-Man Annual #5 (Novembre 1968) pour découvrir que Richard et Mary Parker étaient en fait officiellement considérés comme des traitres par les USA et qu’ils étaient morts en disgrâce. En fait, les deux parents de Peter n’étaient pas du tout des traitres mais en réalité des agents secrets qui avaient infiltré l’organisation du Red Skull et qui avaient trouvé la mort de manière héroïque.

Cet ajout dans la mythologie de Spider-Man ne fut pas sans créer de problème. D’abord parce que Stan Lee, fidèle à sa réputation de grand étourdi, avait complètement oublié qu’à l’époque le Red Skull était supposé être en hibernation (il fallut plus tard expliquer que le Red Skull avait été remplacé par un imposteur communiste). Ensuite il y a une question de thématique qui se pose : avec des parents considérés comme des traitres à la nation, comment le jeune Peter Parker pouvait-il passer pour un adolescent normal même avant de se faire piquer par une araignée radioactive ? Stan Lee avait tenté de botter en touche en expliquant que la vieille Tante May avait caché tout ça à Peter. Au point de toucher au ridicule: dans une page Peter tombait sur une photo de ses parents et, lisant leur nom, se disait « pas étonnant qu’il me ressemble, c’est mon père !!! » En gros le jeune Peter, orphelin, n’avait jamais eu l’idée de demander à sa tante à quoi ressemblaient ses parents… Mais c’était comme ca : désormais les parents de Parker, jamais mentionnés auparavant, étaient des agents secrets. L’annuel avait sans doute au moins autant d’inconvénients que d’avantages (ne serait-ce que pour les problèmes chronologiques soulevés) et Marvel préféra ne plus revenir sur la question pendant près de 20 ans. Jusqu’au jour où l’éditeur en ait à nouveau besoin…

En 1997 Marvel avait trouvé intéressant de demander à ses auteurs de plancher sur « Flashback »: autrement dit pendant un mois toutes les séries reculaient dans le passé de l’univers Marvel lors de numéros « moins un ».  Selon les cas ces spéciaux remontaient quelques semaines/mois avant le premier épisode de la série concernée tandis que d’autres préféraient plonger de dix ou quinze ans. Problème: dans le cas d’Untold Tales of Spider-Man, il s’agissait déjà d’une « série flashback » qui racontait la vie de l’Homme-Araignée dans les semaines suivant ses débuts. Pour aller au fond du concept, il fallait donc que l’épisode -1 remonte encore plus dans le passé. Comme un Peter Parker nourrisson n’aurait pas intéressé grand monde, l’idée fut de ressortir les parents Parker de la naphtaline et de raconter de manière posthume une autre de leur mission.

Après tout, s’ils avaient affronté un simili-Red Skull dans leur aventure finale, quelques autres citoyens célèbres de l’univers Marvel avaient-ils pu croiser ? Tel qu’écrit par Roger Stern, Untold Tales Of Spider-Man #-1 allait permettre de répondre à la question. Stern a souvent manifesté un intérêt pour les histoires se déroulant avant la création de la génération actuelle de super-héros (sa série Marvel Universe ou sa contribution à Marvel: The Lost Generation ne sont que quelques exemples de ce penchant). Qui est plus est pour l’occasion Marvel avait demandé à John Romita Senior de reprendre les crayons (et c’est d’autant plus remarquable qu’une partie des numéros « flashback » furent loin d’avoir un dessinateur si remarquable). L’histoire commence donc bien des années avant que Peter Parker ne devienne Spider-Man, à bord du bateau de la Baronne Adelicia Von Krupp qui fait halte dans le secteur de la Riviera italienne. Mais une silhouette masquée s’introduit sur le bateau. Malheureusement pour lui, cet inconnu est bien vite remarqué. Qu’importe, il n’est pas venu désarmé : ses bracelets (qui ressemblent énormément aux bracelets lance-toiles de Spider-Man) lancent un gaz et il réussit à s’échapper.

En sautant à l’eau, il est blessé à l’épaule et l’homme a alors l’occasion de se dire que la fameuse veine Parker (ou plutôt l’absence de chance) a encore frappé. Oui, au cas où les bracelets « ressemblants » ne vous avaient pas déjà mis sur la voie, cet homme c’est Richard Parker, le futur père de Peter. Richard est recueilli par Mary, son épouse et partenaire et, de la côte, ils voient un hélicoptère récupérer Adelicia Von Krupp avant que le bateau n’explose…

Les Parker font alors leur rapport à l’ambassadeur américain qui est très surpris d’apprendre qu’Adelicia (une néo-nazie recherchée par toutes les polices) est en Europe. Lui la croyait à Buenos Aires. Plus important, les Parker ont réussit à surprendre des conversations tournant autour d’un homme qu’Adelicia tient prisonnier, un certain Agent 10. L’ambassadeur leur explique alors que cet agent travaille pour une puissance amie, qu’il a disparu en Inde depuis quelques jours et qu’il faut absolument le sauver. S’il craquait, les secrets qu’il détient pourraient être meurtriers dans des mains ennemies. Les Parker partent alors à nouveau en mission pour libérer l’agent 10. Dans une case qui ressemble un peu à un passage classique d’un James Bond, les deux époux sont équipés par un responsable du matériel qui a un peu la fonction de « Q » chez Bond. Et comme de bien entendu la couverture de Richard Parker consiste essentiellement en un appareil photo de touriste, esquissant ainsi l’activité professionnelle qu’aura son fils quelques années plus tard. Mary, elle, a droit à un bracelet d’apparat qui ressemble au bracelet lance-gaz qu’a utilisé Richard quelques pages plus tôt.

Pendant qu’ils prennent l’avion pour l’Inde, les deux époux ont tout le temps de réfléchir à la vie qu’ils mènent. Richard, en particulier, se souvient avoir été recruté dans les services secrets par Nick Fury lui-même. C’est là qu’il a rencontré Mary, qui travaillait comme traductrice. Par services secrets entendons-nous. L’agence pour laquelle ils travaillaient n’était pas précisée dans Amazing Spider-Man Annual #5 mais Untold Tales Of Spider-Man #-1 clame sur la couverture qu’ils sont des agents du S.H.I.E.L.D. En fait il semble que Fury ait recruté Richard dans la CIA (où l’on sait que Fury opérait avant d’arriver au S.H.I.E.L.D. dans Strange Tales) et que de là Richard et Mary aient obtenu une mutation vers le S.H.I.E.L.D. pas encore dirigé par Fury. Mary, elle, pense à son père, « Wild Will » Fitzpatrick, qui était un agent de l’OSS. Y a pas à dire, chez les Parker on a un sacré CV en termes  de contre-espionnage…

En Inde, les Parker ont de la chance. Ils finissent par tomber sur Adelicia Von Krupp qui se promène dans la foule. Mais c’est trop beau pour être vrai et Richard soupçonne un piège. En fait il a raison. Adelicia sait qu’elle est suivie et elle les mène vers ses hommes. Richard a le temps d’utiliser son appareil photo (qui émet un gaz, comme ses bracelets précédents) mais finalement lui et Mary sont capturés et assommés. Quand ils reviennent à eux, ils sont dans la salle où on torture l’Agent 10. Un agent très familier puisqu’il s’agit d’un canadien poilu, les cheveux en pointe, dont le prénom est… Logan bien sûr. Les Parker ont  devant eux le futur Wolverine des X-Men. Agent 10 était un indice car, des années avant Grant Morrison, Roger Stern faisait ainsi allusion au fait que le « X » de Weapon X pouvait se comprendre comme un 10. Difficile d’être sûr que Stern ait été le premier à faire le rapprochement (il me faudrait me taper toutes les apparitions de Wolverine et vous comprendrez que je n’en ai ni le temps ni l’envie) mais s’il n’est pas le premier, il ne doit pas être loin derrière. Et en tout état de cause l’histoire de Stern arrive bien avant les révélations de Morrison…

Logan est malmené par un tortionnaire masqué, le Supreme One, qui porte au poignet le bracelet de Mary. Visiblement leurs adversaires ont gardé les Parker en vie parce qu’ils se demandent quels sont les secrets de leur équipement. Mais Mary Parker n’est pas la jeune femme placide qu’on pourrait croire. Elle profite d’un effet de surprise pour attaquer le Supreme One et dans la cohue une bagarre générale éclate. Le bracelet de Mary tire des dards-fléchettes (un peu comme le fera plus tard le Scarlet Spider, clone de son fils). Touchée par un de ces dards, Adelicia Von Krupp tire par erreur sur des machines, ce qui déclenche un incendie. Profitant de la confusion, Mary, Richard Parker et Logan s’enfuient. Mary est bizarrement inconsciente… Dans un égout, Adelicia et le Supreme One se cache. Ce dernier enlève sa cagoule en hurlant qu’il finira par se venger de ses adversaires : on s’aperçoit alors qu’il s’agit du Baron Von Strucker. Ce que les Parker et Logan viennent d’affronter, c’était Hydra incognito… Ici, il y a une petite erreur chronologique car dans la scène de capture le Supreme One expliquait que tout ce qu’il avait pu apprendre de Logan en une semaine de torture, c’était son prénom. Or, le Baron Von Strucker compte Logan parmi ses ennemis depuis 1941 (comme expliqué dans Uncanny X-Men #268 et plus récemment dans Wolverine: Origins). Il devrait donc non seulement avoir reconnu le mutant canadien mais devrait savoir également son prénom. Disons qu’avec plusieurs décennies d’écart le Baron a sans doute du mal à croire qu’il s’agit du même Logan et qu’il a gardé ses doutes pour lui-même…

Ce n’est que lorsque que Mary, Richard et Logan arrivent à un hôpital fiable qu’ils peuvent enfin se reposer. Logan remercie Richard en lui disant qu’il lui « en doit une » mais Parker se doute des compétences de son interlocuteur et explique que Logan n’avait sans doute besoin que d’une simple diversion, qu’ils ont fournis. Puis le docteur les informe alors de l’état de Mary, qui n’a rien de grave : elle est tout simplement enceinte (le futur bébé étant bien sûr Peter Parker). Bien sûr l’histoire de Stern insiste par endroit un peu trop sur des signes avant-coureurs qui lient Richard et Mary à leur futur enfant. Je pense en particulier au bracelet-cartouche. Cela dit je me demande si ce n’est pas quelque chose que Roger Stern avait en projet de développer par la suite dans un support comme Marvel Universe, si la série avait vécue. D’autre part on peut aussi trouver une explication assez logique à la ressemblance entre les deux gadgets. Il est possible que le jeune Peter, quand il a inventé ses lanceurs de toile, a « cannibalisé » un bracelet existant trouvé dans la remise des Parker. Bracelet qui aurait son origine dans cet épisode et qui aurait été conservé comme un souvenir.

L’épisode est intéressant à plus d’un égard parce qu’il « peuple » un peu le S.H.I.E.L.D. d’avant Fury. Mais il instaure aussi une amitié entre les parents de Spider-Man et Wolverine, alors que ces deux héros sont aujourd’hui co-équipiers dans la même équipe (les New Avengers, au cas où certains ne suivraient pas). Qui plus est, Untold Tales Of Spider-Man #-1 révèle aussi que Richard Parker connaissait Nick Fury et qu’il a travaillé sous ses ordres. C’est intéressant car comme je le relevais il un ou deux ans dans Comic Box, la composition originale des New Avengers est peuplée de gens qu’on peut connecter alternativement au projet Super-Soldat ou à une variante (Captain America, Sentry, Wolverine, Power Man, Sentry…) ou bien à des personnages liés au S.H.I.E.L.D. (Iron Man en était l’armurier attitré dès Strange Tales, bien avant d’en être le directeur). Le fait que Spider-Man puisse être à son tour indirectement connecté au S.H.I.E.L.D. et que ses parents connaissaient aussi bien Wolverine que Nick Fury tisse comme une toile de fond dans l’équipe. Un peu comme si quelqu’un avait manipulé la constitution de l’équipe pour y réunir que des gens qu’on peut lier par une trame commune. L’épisode laisse donc la porte ouverte à bien des choses. Soit les New Avengers actuels pourraient être liés tous par un dénominateur commun soit il pourrait y avoir une sorte d’histoire à la Illuminati à raconter, une sorte de « Proto-Avengers » qui comprendrait aussi bien Nick Fury que Mary & Richard Parker, Wolverine et quelques autres personnages (je pense en particulier à Carol Danvers, dont on sait qu’elle a travaillé avec Fury et Logan, encore que je ne suis pas sûr du tout que chronologiquement elle puisse avoir rencontré Richard Parker). Mais il y aurait matière à une minisérie de type S.H.I.E.L.D. Year One (ou de Secret War avant l’heure) potentiellement très intéressante. De là à les imaginer croisant le fer avec d’autres espions de la même époque (par exemple Black Widow et/ou le Winter Soldier)… Vu que Brian Michael Bendis, le scribe des New Avengers, vient de passer des années à établir une relation du même type (mais différente, bien qu’impliquant aussi des gens comme Logan, Fury et d’autres) dans l’univers Ultimate, ce ne serait pas impossible. En tout cas il y a bien des choses à faire à partir de cette base de départ dans l’univers Marvel et le scénariste de New Avengers a toutes les cartes en main sans avoir besoin de les inventer… Cet épisode d’Untold Tales est paru en France dans Marvel #23 (décembre 1998) et je vous encourage à y jeter un nouveau coup d’œil en prenant en compte l’évolution des relations Wolverine, Fury & Spider-Man depuis…

[Xavier Fournier]