Oldies But Goodies: Lightning Comics V.2 #1 (Juin 1941)

5 juin 2010 Non Par Comic Box

[FRENCH] Peu de X-Men peuvent se targuer d’avoir été publiés pour la première fois il y a près de 70 ans. Ou disons plutôt que le Doctor Nemesis tel que lancé en 1941 dans les revues d’Ace Magazines était loin de se douter qu’il serait considéré un jour non seulement comme un mutant mais aussi comme le co-inventeur de l’androïde Human Torch. Son truc à lui, à la base, était bien plus basique : le crime était une maladie qu’il fallait éradiquer. Et quoi de mieux qu’un super-héros médecin, avec un doigt d’ambiance « pulp », pour prescrire le remède qui s’imposait ?

Ces derniers mois les lecteurs de la série Uncanny X-Men ont pu assister au retour d’un mutant que personne n’attendait. D’abord parce qu’il aurait déjà fallu savoir qu’il s’agissait d’un mutant à la base mais en plus parce que peu de lecteurs, sans doute, se souvenaient de lui. Il faut dire qu’à la base il ne s’agit même pas d’un héros de Marvel et qu’en prime sa précédente apparition marvellienne lui avait donné le rôle d’un sympathisant nazi ayant joué un rôle dans l’invention d’Human Torch. Scientifique de haut vol, mutant à la longévité hors norme, expert en androïdes et passé fasciste… Voici un CV pour le moins corsé pour un personnage qui avait cependant débuté selon une formule très différente dans Lightning Comics #6 (Avril 1941), chez Ace Magazines. L’éditeur nous résume d’ailleurs les tenants et les aboutissants du personnage dans Lightning Comics V.2 #1 (l’épisode qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui): « Le jeune docteur Jim Bradley, interne des hôpitaux, a découvert un sérum de vérité qui, quand il est injecté à quelqu’un, force à répondre par la vérité absolue à toute question posée. Quand les effets du sérum s’estompent, le patient n’a aucun souvenir de l’interlude. De peur que son sérum de vérité tombe entre des mains criminelles, le docteur Bradley garde sa découverte secrète. Mais il utilise le sérum comme une arme quand il agit, incognito, sous l’identité du Doctor Nemesis pour combattre les forces du mal ». Sachant qu’en 1941 le concept de sérum de vérité n’était déjà plus une nouveauté, on en déduira que la version de Bradley est sans doute bien plus puissante que les autres sérums connus et qu’elle est, d’une certaine manière, l’équivalent chimique du lasso magique de Wonder Woman. A moins qu’on doive prendre au sens littéral le terme de « vérité absolue », ce qui voudrait dire que la victime répondrait vrai à toutes les questions, même les plus métaphysiques (genre : « quelle est l’origine de l’univers ? »). Mais cette dernière interprétation est sans doute bien trop « psychédélique » et complexe par rapport à la simplicité scénaristique de 1941. On s’en tiendra donc au fait que Bradley a inventé un énième sérum de vérité et que celui-ci, pour une raison floue, doit rester secret… Nous verrons dans quelques lignes comment cette invention peut devenir une véritable méthode de travail…

L’histoire, elle, commence sans que Bradley soit présent : Sur un chantier de construction, un certain Mike Johnson surveille, juché sur un échafaudage, la progression des travaux quand soudainement il est frappé à la tête par une lourde brique. Johnson, inconscient, s’écroule et tombe d’une hauteur équivalente à plusieurs étages. Autant dire qu’entre la brique et la chute, il est mal en point quand il touche le sol. Néanmoins il est encore en vie et ses collègues se dépêchent d’appeler les premiers secours. Non loin de là, dans un hôpital, c’est au tour du docteur Bradley d’être de corvée d’ambulance. Il monte sur le siège du passager tandis que Jake, son conducteur, l’informe de l’accident qui vient de se produire au chantier. Là-bas, la police est déjà arrivée sur les lieux et un officier prend les dépositions des témoins. Mike Johnson, toujours à terre, articule avec difficulté mais à le temps de dire qu’il ne s’agissait pas d’un accident. Quelqu’un a volontairement fait tomber cette brique sur lui pour l’empêcher de parler. On avait peur qu’il démasque le responsable… Le policier est interloqué mais deux hommes s’interposent. Max McNulty et Al Mirch, les deux associés de la firme qui supervisent les travaux insistent sur le fait qu’il ne s’agit que de divagations d’un homme délirant à cause de sa blessure. D’ailleurs Al Mirch va jusqu’à dire qu’il se trouvait à l’étage au dessus de Mike Johnson, en train de faire une tournée d’inspection, et qu’il aurait vu tout élément suspect… Mais qu’il n’y a rien à en dire… Le policier ne sait plus trop quoi en penser mais le lecteur, lui, aura tôt fait d’en déduire que Mirch était du coup bien placé pour balancer une brique sur Johnson…

La discussion est interrompue par l’arrivée de l’ambulance. Bradley s’en extirpe et s’élance au secours de l’homme à terre. Ce qui est loin de faire le bonheur des deux associés. Mirch ordonne à McNulty d’avoir « une petite discussion » avec le docteur. Alors que le blessé vient d’être transporté dans l’ambulance, McNulty entraîne Bradley à l’écart et lui propose une liasse de billets : « Prend ça et achète toi un cigare et… euh… à propos… Ne fait pas attention si Johnson se met à délirer sur cet accident« . Mais Bradley est incorruptible et refuse sans hésitation l’argent. McNulty ne peut donc que regarder l’ambulance s’éloigner en murmurant pour lui-même : « Il ferait mieux de pas essayer de se mêler de cette affaire« . Forcément, au contraire, il n’en fallait pas plus que la tentative de pot-de-vin de McNulty pour mettre la puce à l’oreille de Bradley. D’autant qu’à l’intérieur de l’ambulance Johnson est déjà en train de tout raconter : « Ils ont essayé de me tuer parce que j’allais les dénoncer…« . Hum… Mais les dénoncer à propos de quoi ? L’instinct de limier de Bradley prend la suite : « Il y a quelque chose de bizarre… Si je lui donne une dose de sérum de vérité, je devrais en apprendre plus« . Et aussitôt Bradley plonge la main dans sa trousse pour en ressortir une seringue pleine de son invention. Il injecte cette dernière au blessé. On en déduira que la mixture de Bradley ne présente aucun danger quand on l’administre à un homme qui est pratiquement mourant mais la pratique semble quand même un peu « olé olé » et fait de toute façon passer la recherche de vérité avant la santé du patient (Bradley semble plus pressé de « savoir » que d’administrer des soins réels).

Sous l’influence du sérum, Johnson se met à parler, le regard fixe : « McNulty et Mirch utilisent des matériaux de mauvaise qualité pour leurs constructions de manière à faire de gros profits. Les immeubles seront dangereux, capable de s’effondrer. J’ai protesté mais ils n’y ont prêté aucune attention. Alors j’ai menacé de les dénoncer… Et ils m’ont fait ça ». Convaincu que Johnson a raison, Bradley promet alors d’intervenir. Encore que le scénario ne s’interroge pas sur une problématique possible liée au sérum. Et si Johnson avait réellement été dans un état délirant ? Il raconterait alors de bonne foi ce qu’il croit être vrai… mais ce n’est pas pour autant que ce serait exact. Cette possibilité n’est à aucun moment abordée. Bradley fait sans doute trop confiance à son sérum pour penser qu’il révèle autre chose que la « vérité absolue »…

Tout ça s’est passé pendant le transport du patient vers l’. Quelques temps plus tard Bradley interroge le chirurgien qui vient de s’occuper de Johnson en salle d’opération. Le problème, c’est que le blessé a perdu beaucoup de sang. Et l’ n’a pas de stock correspondant à son type sanguin. Bradley insiste alors pour qu’on teste son sang à lui et… il s’avère qu’il est compatible. Vu que la détermination de Bradley est grande à faire le test, on a l’impression qu’il le savait d’avance (mais dans ce cas pourquoi faire un test ? Et est-ce qu’un interne n’aurait pas depuis longtemps fait ce genre de test pour connaître son propre groupe sanguin) ou encore qu’il est donneur universel. Mais la scène permet de dissiper l’impression malsaine du passage à l’intérieur de l’ambulance, quand Bradley avait l’air seulement intéressé par l’enquête et pas par la santé de Johnson.

Non, visiblement le docteur est bien un bon samaritain et se soumet rapidement à une transfusion sanguine pour sauver l’homme : « J’espère que cela lui permettra de s’en tirer » dit alors le héros au chirurgien, ce dernier répondant « S’il ne s’en tire pas, ce ne sera pas par votre faute, Bradley« . Après le processus, deux infirmières se précipitent pour aider Bradley (rendu faible par la perte de sang) à marcher. Le docteur s’excuse : « Cela me fait l’effet d’être une femmelette d’avoir besoin d’aide comme ça« . Mais les infirmières, visiblement toutes contentes d’avoir un interne à leur bras, lui explique (mais est-ce bien nécessaire d’expliquer ça à un docteur) qu’il est au contraire naturel de se sentir faible après une transfusion… Enfin… sauf qu’on imagine mal l’histoire s’arrêter là, parce que le héros serait trop patraque pour continuer. Alors que Bradley et les infirmières marchent dans le couloir, ils croisent des ambulanciers. C’est la panique : un immeuble résidentiel vient de s’écrouler et toutes les ambulances ainsi que tous les docteurs disponibles sont appelés. « Dommage que tu ne puisse participer » lance un des hommes à Bradley. Piqué au vif, ce dernier sent ses forces revenir : « Qu’est-ce qu’il veut dire par là, je ne peux pas participer ? Bien sur que je viens« . Et Bradley s’élance en courant dans le couloir, au grand dam des infirmières. L’effet semble miraculeux ? Oui et non : Le docteur Bradley pense pour lui-même « Je me sens faible, d’accord, mais quand même pas si faible et pour une catastrophe de ce genre ils ont besoin de toute l’aide disponible« . Alors que la dernière ambulance part quitte l’enceinte de l’ sans l’attendre, Bradley saute sur le marchepied et s’accroche à la carrosserie. Là aussi le conducteur proteste. Le docteur vient de participer à une transfusion ! Mais Bradley, accroché comme un sapeur-pompier à la voiture, rétorque « Qu’est-ce que la perte d’un peu de sang… Allons-y« . On sent de plus en plus l’homme d’action qui transparaît…

Arrivé sur les lieux de la catastrophe Bradley, en questionnant les blessés, s’aperçoit de quelque chose qui n’étonnera aucun lecteur : l’immeuble qui s’est effondré a été construit par la société de McNulty et Mirch. Les locataires se sont bien plein de fissures dans les murs mais les constructeurs prétendaient que cela n’avait aucune importance, qu’il s’agissait juste de l’immeuble qui se « tassait ». Bradley observe, aussi, des enfants qui se retrouvent seuls après que leur mère ait été blessée dans la catastrophe. Le docteur fini par avoir une vue d’ensemble de la situation : « Ces constructeurs se moquent de ce qui peut arriver à des femmes ou à des enfants tant qu’ils se font beaucoup d’argent« … Arrivé à ce stade, il est temps de faire appel… au Doctor Nemesis ! La nuit venue, Jim Bradley enfile un masque de chirurgie qui cache son visage. Il devient Doctor Nemesis. Avec un chapeau marron et un imperméable bleu (par la suite son costume deviendra intégralement blanc, comme ce qu’on peut voir de nos jours dans Uncanny X-Men), Doctor Nemesis fait écho aux justiciers à tendance « pulp » tels que le Phantom Detective ou le premier Sandman mais surtout (et c’est encore plus apparent quand on voit Nemesis dans un costume en couleur, pas dans sa version blanche) au très populaire Green Hornet. Bien avant le Sandman, le Green Hornet utilisait depuis 1936 un pistolet qui servait à endormir ses victimes. Bien que l’image télévisuelle du Frelon Vert (avec un masque qui lui cachait le haut du visage) soit dans tous les esprits, le Green Hornet du Golden Age avait un design différent et utilisait quelque chose qui pourrait passer pour un masque chirurgical (avec un frelon dessiné dessus) et qui dissimulait le bas de sa tête. En gros, le sérum de vérité de Bradley remplace le gaz somnifère de son modèle et à partir de là Doctor Nemesis est surtout et avant tout une sorte de version « médicalisée » du Green Hornet. L’absence d’un équivalent de Kato (le chauffeur du Green Hornet) étant la différence majeure dans le schéma (on imagine ce qu’aurait donné un sidekick surnommé « l’Infirmier »)…

Doctor Nemesis fonce chez Mirch, tout en constatant que ce dernier possède une belle demeure (comprenez : qu’il a du s’engraisser en sabotant bien des chantiers). A l’intérieur Mirch est non seulement au courant de la catastrophe mais… il en rit, en buvant avec un complice, en expliquant que lui et McNulty ont fait le ménage quand ils ont construits l’immeuble. Ils sont sans doute intouchables… Mais Doctor Nemesis surgit dans la pièce, expliquant qu’il va faire coffrer McNulty pour ses pratiques meurtrières (puisque ce genre de construction ne peut mener qu’à des morts). Loin de se démonter, Mirch réalise qu’ils sont deux contre Nemesis qui est venu seul. De plus le héros masqué s’est introduit dans une propriété privée et n’a pas le droit d’être là. Mais deux contre un, cela ne suffit pas pour égaler Doctor Nemesis. Bradley arrive à les battre (à se demander si le docteur ne se dope pas un peu avec des substances de sa fabrication, ce qui expliquerait aussi qu’il se soit remis si miraculeusement de la transfusion, un peu plus tôt dans la journée). Nemesis menace alors Mirch en lui ordonnant de dire à la police tout ce qu’il sait. L’autre refuse… permettant au héros de passer aux choses sérieuses. Il sort une seringue porteuse du sérum de vérité version Bradley… et n’a plus qu’à téléphoner à la police pendant que Mirch raconte par le menu tous les crimes et les malversations qu’il a commis. Pour les confessions et les aveux, la méthode du Doctor Nemesis est imparrable !

Le cas de Mirch est réglé. Mais quid de McNulty ? Il se trouve qu’au même moment l’autre associé arrive à l’entrée de la maison et surprend Mirch en train de raconter au téléphone comment, ensemble, ils ont tenté de tuer Johnson. Doctor Nemesis se retourne vers le nouvel arrivant : « Ton partenaire vient de se confesser à la police, McNulty, ton petit jeu est terminé« . Mais McNulty se tenant sur le seuil de la porte, il a tôt fait de tourner les talons et de s’enfuir. Avant de le suivre, Doctor Nemesis assomme Mirch pour être sûr qu’il sera encore là à l’arrivée de la police. Puis le médecin masqué peut alors sauter dans sa voiture pour prendre en chasse le véhicule de McNulty. En désespoir de cause, le criminel tente alors de semer le héros en s’aventurant dans un de ses chantiers puis en lui lançant des briques du haut d’un échafaudage. Sans grand résultat : McNulty ne vise pas très juste (et c’est sans doute pour ça qu’il n’est pas arrivé à tuer Johnson plus tôt dans la journée). Pris au pièce au bout d’une poutre, McNulty fait mine de sauter et Doctor Nemesis est stupéfait. Il ne s’attendait pas à ce que son adversaire fasse preuve d’une telle détermination. En fait McNulty n’a sauté que parce qu’il savait qu’il pourrait se raccrocher à un tuyau. Mais le tuyau ne tient pas. Sous le poids de l’homme il cède et McNulty tombe vers sa mort…

Il est intéressant de voir que si Doctor Nemesis doit beaucoup au Green Hornet ou au Sandman, la case qui suit, elle, préfigure beaucoup de choses pour d’autres justiciers qui viendront par la suite. Du haut de l’échafaudage Doctor Nemesis commente : « Et bien… C’est la fin pour McNulty. Si le ciment avait été de meilleure qualité le tuyau n’aurait pas cédé… Sa mort a été provoquée par sa propre malfaisance« . C’est précisément le genre d’ironie qu’un autre héros portant chapeau et masque utilisera quelques décennies plus tard chez Charlton. Sur le plan scénaristique, on croirait lire une case du Question de Steve Ditko (et, par extension, du Rorschach des Watchmen) avec ce ton très particulier où le héros énigmatique se réjouit de l’ironie du sort. La toute dernière image montre le docteur Bradley reprenant le travail le lendemain à l’ comme si de rien n’était, sous le regard admiratif des infirmières qui le trouvent beau… mais trop timide et trop fragile. « Un peu d’excitation le tuerait probablement » conclue l’une d’entre elle (sans doute pour nous montrer qu’aucun des contemporains du héros ne soupçonne son identité secrète)…

En définitive, donc, le Doctor Nemesis n’est à la base qu’un simple docteur masqué armé d’une seringue de sérum de vérité, sans autre aptitude particulière. Sauf, bien sûr, si on considère que certains de ses exploits effectués sans effort apparent (par exemple tenir tête à deux hommes sans la moindre difficulté) est le signe que Nemesis utilisait d’autres techniques pour augmenter sa force (mais peut-être, tout simplement, est-il un expert en techniques de combats). Un public peu au fait de son itinéraire se demandera donc comment on peut retrouver le même personnage, de nos jours, en mutant semi-immortel dans les pages des Uncanny X-Men… En fait le Docteur Nemesis connu une période d’activité honorable pendant les années 40 avant de disparaître au même titre que la plupart des héros masqués de cette époque. Ace Magazines cessant par la suite ses opérations, le personnage était non seulement tombé dans les limbes mais il n’avait plus de propriétaire sur le plan légal (même l’identité exacte de ses créateurs est inconnue à ce jour).

En 1993, pour les besoins de la mini-série Invaders et pour montrer comment, au début de la guerre, une partie de l’opinion américaine n’était pas du bon côté, Roy Thomas avait prévu de créer Battle-Axis, une équipe à partir de personnages oubliés de Timely/Marvel. Cette équipe de sympathisants de l’Allemagne, opposés à l’entrée des USA dans le conflit, devait à la base être composée de gens comme le Captain Terror ou la Black Widow originelle (celle qu’on retrouve dans The Twelve). Sauf que Marvel n’avait pas spécialement envie de transformer une partie de ses vieux héros (même des héros tombés dans l’oubli) en pseudo-nazis. Roy Thomas du revoir sa copie et s’orienta vers une autre solution : Écrire la même histoire mais en composant l’équipe en question d’anciens héros extérieurs à Marvel, ce qui ne poserait pas de problèmes puisqu’il s’agissait de personnages tombés dans le domaine public (comme, par exemple, Spider-Queen). Dans cette nouvelle version (celle finalement parue) on trouvait Doctor Nemesis. Si ce n’est que « Doctor Nemesis » étant entre-temps devenu le nom d’un adversaire mineur d’Ant-Man, Thomas décida de que Jim Bradley serait désormais « Doctor Death ». Pour les besoins du scénario le Jim Bradley de Roy Thomas est très différent sur deux points. D’abord l’histoire nécessitait qu’il soit le leader et l’esprit scientifique de Battle-Axis, tout en justifiant qu’il ait inventé un androïde, Volton, qui faisait également partie de l’équipe. Un simple médecin aurait créé un androïde ? Pour justifier le tout Roy Thomas décida que Bradley avait été un partenaire du Professeur Horton et avait participé à la mise au point du Human Torch artificiel des années 40. D’un seul coup Bradley devenait un as de la robotique et prenait un autre importance dans l’histoire de l’univers Marvel (même si en dehors de la mini-série Invaders aucun flashback n’a jamais montré Bradley en train de travailler avec Horton… A moins qu’on considère que Bradley est un des membres non nommés de la Guilde des Scientifiques qu’on voyait dans Marvel Comics #1). L’autre trait majeur apporté par Roy Thomas était d’en faire sans doute le plus fanatique des membres de Battle-Axis. Le plan de « Doctor Death » impliquait de forcer l’Amérique à se retirer de la Seconde Guerre Mondiale en déclenchant une série de tremblements de terre qui auraient détruit la capacité des USA à produire des armes… Mais aurait sans l’ombre d’un doute provoqué de nombreuses morts. On imagine assez mal que le Jim Bradley pourchassant des promoteurs responsables de l’écroulement d’un immeuble puisse envisager quelques mois plus tard de provoquer des séismes bien plus meurtriers. Mais c’est ainsi que la mini-série fut publiée et Jim Bradley, alias Doctor Death, faisait ainsi son apparition dans l’univers Marvel… comme complice des nazis.

Après 1993, il faudra attendre 2009 pour réentendre parler de Jim Bradley chez Marvel, utilisant cette fois à nouveau son pseudonyme de Doctor Nemesis et faisant sa réapparition à l’ère moderne comme… chasseur de nazis en Amérique du sud. Bien qu’on ne sache pas vraiment ce qui a pu provoquer le revirement, Bradley est donc à nouveau du bon côté de la barrière. Est-ce que Bradley était contrôlé mentalement dans la mini-série Invaders ou bien, plus simplement, aurait-il réalisé ses erreurs ? Il existe une autre possibilité. Dans les années 40 (Lightning Comics Vol.1 #3), Doctor Nemesis (quand il était encore pourvu d’un imper bleu et d’un chapeau marron) avait rencontré un adversaire nommé The Surgeon (le Chirurgien), aux méthodes très proches des siennes. The Surgeon était en fait habillé en chirurgien (et donc tout en blanc) avec un masque cachant le bas de son visage. En gros, The Surgeon ressemble plus au Doctor Death/Doctor Nemesis moderne que le héros version 1941. Qui plus est The Surgeon finissait par être démasqué et on découvrait qu’il s’agissait d’un chirurgien travaillant dans le même de Bradley. De là à penser que le Doctor Death qui apparait dans la mini-série Invaders n’est pas véritablement le Doctor Nemesis classique mais bien le Surgeon qui se ferait passer pour Bradley, histoire de salir sa réputation, il n’y qu’un pas… qu’aucun scénariste n’a franchit pour l’instant. Libre à chacun d’y voir ce qu’il veut. Le plus important c’est que Doctor Nemesis, tel que réapparu ces derniers mois, a ajouté quelques cordes à son arc : pour justifier son intervention dans Uncanny X-Men, le scénariste X-Men a expliqué, en vrac, que Bradley était un mutant et que par ailleurs il « s’était mis à jour » en utilisant son expérience pour se créer des organes artificiels de remplacement. Comme membre des X-Men et du « X-Club », Jim Bradley devient un des principaux scientifiques du Marvel moderne au terme d’un périple qui aura été assez laborieux. Pas mal pour celui qui, à la base, n’était qu’une vague copie du Green Hornet ou un petit interne masqué armé d’une simple seringue…

[Xavier Fournier]