Oldies But Goodies: Batman #67 (Oct. 1951)

19 juin 2010 Non Par Comic Box

[FRENCH] Après avoir rendu visite au Batman de l’an 3000 la semaine dernière, la suite logique ne peut qu’impliquer un Bat-personnage assez largement oublié ces cinquante dernières années, vaguement mentionné mais sans être identifié (lui aussi) dans les pages de Batman#700. Un personnage de la Bat-Family qui aurait normalement sa place dans la plupart des crossovers cosmiques de DC: le Batman de l’an… 3051 !

On ne peut pas vraiment dire que les années 50 aient été une période lumineuse pour Batman, qui commençait à entrer dans une ère pour le moins baroque, rencontrant des personnages aussi hauts en couleurs que le Bat-Singe, le Bat-Mite, le Bat-Chien ou même le Bat-Perroquet, le plus souvent pour combattre des criminels pathétiques ou des extra-terrestres aux faux airs de kaléidoscope vivant. Batman dans les années 50, c’est déjà un peu une certaine forme de psychédélisme avant l’heure et il serait assez tentant de décider qu’il n’y a rien (ou vraiment pas grand-chose) de récupérable dans cette ère de la série. Et pourtant, comme nous l’avons déjà vu par le passé, il existe quelques personnages qui, comme le Batman Junior de 1956, ont un potentiel sérieux (comprenez un potentiel qui s’exprime au delà de la comédie et de la pantomime). Tant est si bien que ni Robin (qui est le personnage de référence dans cette histoire) ni les lecteurs contemporains ne savent vraiment à quoi s’attendre quand, dans Batman #67, en 1951, on leur promet la « Légion perdue de l’espace » (ou, dans le texte originel, « The Lost Legion of Space »)… Un soir Robin (le jeune Dick Grayson) est resté à étudier dans la Batcave tandis que Batman est parti (sans doute en patrouille). Dick étudie un ballon piégé et apprend à détecter qu’il est en fait empli de poison. On en déduira que l’auxiliaire de Batman est occupé par ce qu’on pourrait qualifier de « devoirs à la maison pour un héros en phase d’apprentissage ». Mais, alors qu’il est livré à lui-même et que normalement rien d’autre ne devrait faire de bruit dans la grotte, il est soudain dérangé par une sorte de bourdonnement qui semble venir de nulle part. En fait, c’est le cas : l’objet qui produit ce bruit particulier est en train de se matérialiser, comme s’il s’agissait d’une photo en surimpression : un grand globe de métal d’où sort… Batman ! Robin, forcément, est étonné et demande à son mentor s’il est en train d’essayer une sorte de tour de magie… Il est cependant loin d’être au bout de ses surprises. Car l’adulte l’interrompt. Non seulement cela n’a rien à voir avec de la magie mais en plus il n’est pas LE Batman qu’on croit ! C’est en fait le Batman de l’an 3051, qui vient de voyager jusqu’au vingtième siècle en utilisant une machine temporelle qu’il a lui-même inventé.

En se démasquant pour prouver ses dires, ce Batman explique : « J’ai étudié des microfilms de vos exploits, à Batman et à toi, qui étaient stockés dans nos musées. Et je me suis entraîné avec mon jeune neveu pour apprendre à les dupliquer. Ainsi un autre tandem Batman & Robin est né au 31ème siècle ! ». Dès lors il serait assez tentant de penser que ce Batman-là n’est autre que le héros de l’an 3000 que nous avions étudié dans le Oldies But Goodies précédant. Lui aussi apprenait les méthodes du premier Batman en trouvant des microfilms. Et après tout, on peut bien imaginer qu’avec la science du 31ème siècle un héros en activité en l’an 3000 serait encore assez en forme, grâce à la médecine de son époque, pour défendre la loi et l’ordre 51 ans plus tard. Au pire, l’exemple de plusieurs membres de la Justice Society of America démontre qu’il est possible d’être un héros « en forme » sur au moins sept décennies et ceci sans attendre le 31ème siècle. Mais plusieurs choses nous montre qu’il ne s’agit pas du Batman/Brane de l’an 3000. D’abord le Batman que Robin rencontre est blond, avec une coupe de cheveux très distincte, là où Brane était le portrait craché de Bruce Wayne. Ensuite Batman version 3051 s’y connaît assez en science pour inventer une machine temporelle quand le besoin s’en fait sentir. Et Brane n’avait pas trouvé les microfilms du Batman originel dans un musée mais bien dans une « time capsule » enterrée dans le sol en 1939. Pourtant le sentiment qui va plusieurs fois se dégager au fil de l’histoire (écrite par Bill Finger, le co-créateur de Batman) est que le personnage de 3051 est lourdement inspiré de celui de 3000, sans que la référence soit officialisée. Ce qui est intéressant de noter, c’est que si l’identité du scénariste créateur de Brane est sujette à caution, on reconnaît dans les deux cas le style très distinctif du dessinateur Dick Sprang. En cette époque où il n’y avait pas réellement d’archives chez les éditeurs ou de véritable notion de continuité, il est très possible que ce soit Dick Sprang qui ait joué le fil rouge et qui ait transmis de manière orale l’existence d’un Batman du 4ème millénaire. D’où les ressemblances mais aussi, dans le même temps, les contradictions…

Intrigué, Robin ne manque pas de demander à cet autre Batman ce qu’il est venu faire dans la Batcave de 1951. Le héros de 3051 explique que dans son ère d’origine vit un dangereux criminel nommé Yerxa. Pendant qu’ils luttaient contre la bande de Yerxa, le Robin de 3051 s’est cassé la jambe… Et il comme il n’avait pas le temps d’entraîner un autre Robin, le Batman du futur a trouvé plus pratique de remonter le temps pour demander de l’aide au premier Robin. Dick Grayson poursuit : « Tu veux que moi, le Robin de 1951, j’agisse comme remplaçant de mon imitateur, le Batman de 3051 ? Hmm… Si je n’aidais pas, ce serait comme si je me laissais tomber moi-même ! Très bien, j’accepte ! “. Et Dick embarque à bord de la machine temporelle, en direction du 31ème siècle sans que personne ne se dise qu’après tout ils pourraient attendre Bruce Wayne, le Batman originel, pour qu’il prête lui aussi un coup de main. Et d’ailleurs, pendant qu’on y est, on peut trouver la logique du Batman de 3051 un brin fumeuse. Qu’est-ce que c’est que ces histoires de « ne pas avoir le temps d’entraîner un autre Robin » alors qu’il a une machine à voyager dans le temps à sa disposition ? Le Robin de 3051 aurait aussi bien pu aller passer six mois dans une autre époque, guérir tranquillement et revenir en forme pour lutter contre Yerxa ! Ou bien ce Batman aurait pu entraîner un nouveau Robin en jouant sur le même type de paradoxe temporel. Rien n’explique, non plus, pourquoi le Robin de 1951 devrait absolument se faire passer pour celui de 3051. En quoi devrait-il cacher sa provenance ? L’histoire du Batman de 3051 est d’emblée cousue de fils blancs ou de défauts logiques. Mais, bien sûr, nous y reviendrons dans un moment…

Dick Grayson et le Batman du Futur sont emportés à travers les époques par la grande sphère de métal et se rematérialisent en gros d’une énorme tour d’où Robin peut apercevoir une ville énorme. Il s’extasie alors de pouvoir contempler le futur mais son allié lui explique alors où il se trouve : « Vous avez votre Batcave mais parce que dans le futur nous vivons tant dans le ciel, c’est dans cet immeuble que je possède que j’ai construit mon Bat-beffroi secret ». Quand à savoir comment, dans un âge où les gratte-ciels sont la norme, le Batman du futur peut entrer et sortir sans qu’on l’observe des constructions voisines, mystère et boule de gomme… Batman entraîne Dick à l’intérieur du bâtiment, dans un grand salon où il peut lui présenter son homologue de 3051 (un Robin blond) assis dans un canapé, avec une jambe dans le plâtre bien en évidence. Puis le jeune héros du 20ème siècle a droit à un véritable tour du propriétaire, y compris la salle des trophées où trônent d’improbables objets comme la Machine-Taupe utilisée par les Pirates Nains de Mercure ou encore un anneau à bord tranchant appartenant à un tueur vénusien. On se souviendra, justement, que l’autre Batman du futur, Brane, était devenu un héros masqué pour repousser, lui aussi, des adversaires vénusiens. Mais là aussi les ressemblances sont à la hauteur des différences. Dick ne tarde pas à apprendre que le Batman de 3051 a pour alter-ego un homme richissime qui passe pour un oisif irrécupérable pour mieux cacher son identité, un certain… Brane Taylor. Brane ? Il n’en a pas fallu plus pour que de nombreux archivistes considèrent que le Batman de 3000 et celui de 3051 sont un seul et même homme « puisqu’ils portent le même nom ». En fait non puisque Batman #26, épisode de la première apparition du héros de l’an 3000, s’achevait sur la révélation que son véritable nom était Bruce Wayne (descendant de l’original) et que les gens de son époque avaient simplement pris l’habitude de contracter leur prénom et leur nom en un nom composite (d’où Brane en lieu et place de Bruce et Wayne). « Brane » n’est qu’un surnom pour le héros de l’an 3000 et il son nom de famille est Wayne, pas Taylor. Qui plus est, sans parler des nombreuses différences physiques, Brane finissait par se démasquer devant la race humaine pour lui montrer que même un homme normal pouvait lutter contre les Vénusiens et, à partir de là, n’entretenait plus d’identité particulièrement secrète. Par contre si on veut faire fonctionner les deux personnages dans une même chronologie, on peut tout à fait imaginer qu’après avoir été le héros qui a permis à la Terre d’échapper à l’occupation des Vénusiens « Brane » est devenu un héros mondial et qu’il a été à partir de là très courant de donner son nom à un bébé. Brane Taylor aurait donc ce prénom en hommage à un autre Batman précédant. Peut-être même que les microfilms dont parlait Taylor plus tôt (ceux qui l’ont aidé à s’entraîner) sont les mêmes que ceux découverts 51 ans plus tard par le Batman de l’an 3000. Du coup, après leur découverte il parait logique qu’ils auraient été conservés dans un musée où, plus tard, Taylor aurait pu les consulter…

Puis Dick et le tandem Batman & Robin de l’an 3051 visionnent la fiche de Yerxa, le « bandit du système solaire. Taylor explique alors à Dick leur précédente bataille avec le criminel, alors qu’à bord du Batship (sorte de jeu de mots sur « Battleship » ou « vaisseau de combat »), équivalent futuriste de la Batmobile, ils tentaient d’attaquer la base de Yerxa. Avec une sorte de miroir émettant des rayons, les forces de Yerxa sont arrivés à désintégrer une partie du Batship, obligeant les deux héros à sauter de trop haut. Le Robin de l’an 3051 s’étant mal réceptionné, c’est à ce moment qu’il s’est cassé la jambe. Mais surtout Taylor a compris, en voyant cette arme mystérieuse, que Yerxa a mis la main sur de la Vulcanite… Un nouvel élément qu’on ne peut trouver que sur l’astéroïde Vulcan (l’épisode étant écrit bien avant l’invention de Star Trek, aucun rapport mister Spock). Quand la Vulcanite est combinée avec du verre, elle concentre la chaleur du soleil jusqu’à un degré incroyable. Ce pourrait être une arme terrible ! Tellement terrible que le gouvernement terrestre détient toute la Vulcanite qu’on peut trouver sur Terre. Mais si Yerxa a de la Vulcanite alors qu’il ne pouvait la voler sur Terre, il la tient forcément de sa source : l’astéroïde Vulcan. Aussi c’est la raison qui pousse Taylor à informer Dick qu’ils vont devoir rejoindre les rangs de la Légion Perdue sur Vulcan. Et comme vous, sans doute, le Robin originel ne peut s’empêcher de demander ce qu’est la Légion Perdue.

Batman-Taylor explique alors que l’astéroïde Vulcan est un endroit plus chaud encore que le désert du Sahara, parce que son orbite est très proche du Soleil. Les conditions de vie y sont si terribles que les criminels, quand ils sont condamnés à perpétuité, ont le choix entre passer le reste de leur existence en prison sur Terre ou une libération après cinq ans passés à travailler dans les mines de Vulcan. On appelle ces prisonniers la « Légion perdue ». Et ça marche plutôt bien dans le contexte du multivers DC, si on veut inscrire Brane Taylor dans la même ligne temporelle que la Légion des Super-Héros qui opérait, elle, vers l’an 3010 et qui avait pour ennemie la Légion des Super-Villains. On peut très bien imaginer que Vulcan aurait été le dernier bagne de la LSV, d’où ce surnom de Légion Perdue. Mais revenons à nos moutons : Pour apprendre comment Yerxa obtient la Vulcanite, Taylor s’est arrangé pour que la police terrestre les arrête Dick et lui. C’est dangereux et Taylor demande une dernière fois à l’enfant s’il est toujours d’accord pour aide. Le premier Robin insiste : « Je ne suis jamais revenu sur ma parole ».

Quelques heures plus tard le vaisseau-fusée 25 se pose sur l’astéroïde Vulcan, déposant Batman et Robin… dans leur costume de super-héros. Autant dire qu’ils sont vite repérés par les bagnards de l’espace. Ca pour passer inaperçu, c’est loupé… Les forçats reconnaissent immédiatement les deux héros qui les ont arrêtés et c’est bientôt l’émeute… Jusqu’à ce qu’un policier du 31ème siècle les sépare. L’homme leur explique alors que ce ne sont pas les vrais Batman & Robin mais des imposteurs qui justement ont été arrêtés parce qu’ils se faisaient passer pour les héros. Le policier continue en précisant que le jury a décrété que les deux coupables étaient de plus condamnés à porter leur costume pendant tout le temps de leur incarcération, histoire de leur rappeler de ne plus jamais se faire passer pour Batman & Robin. Intérieurement les deux héros ruminent : c’était la seule manière pour eux de continuer à porter leur masque dans la prison, de manière à protéger leur identité secrète. Après… On peut quand même se demander ce que l’identité secrète de Dick Grayson risque en 3051. Qui plus est le garçon, en 1951, est, avec son mentor, un expert en déguisement. Et on peine à croire qu’en 3051 les techniques de déguisement aient reculées. Bref, il existait bien d’autres manières plus discrètes pour le duo de s’infiltrer « en civil » et la ficelle est un peu grosse. Sans doute que la chaleur de Vulcan ramollit le cerveau des prisonniers. Ils sont totalement dupes et s’excusent auprès des « faux-imposteurs ». Un forçat leur demande, du coup, quel est leur vrai nom… Batman-Taylor se présente comme étant un certain Muscles McCoy et prétend que Robin est son petit frère Midge. Puis les deux nouveaux bagnards sont emmenés aux baraques des prisonniers. Un policier leur présente Greenie (qu’on traduira par « Verdâtre »), un bandit dont la peau est devenue verte après qu’il ait attrapé la fièvre des marais dans les jungles de Vénus. Ironiquement, ce personnage tout vert a un pantalon violet qui ferait croire à un clin d’œil à Hulk… sauf que Hulk ne sera inventé qu’onze ans plus tard. Les criminels sont une vraie foire aux monstres. Il y a Willie The Whittler, qui est toujours en train de sculpter d’étranges figurines représentant les bêtes qu’il a vu sur d’autres mondes. Le « Jongleur », lui, s’occupe en jouant avec des balles qui ressemblent à des planètes. Il pense vraiment qu’il est un géant en train de jongle avec le système solaire. Le casier judiciaire des autres est moins pittoresque mais plus funeste. Un des bagnards a tué six policiers terrestres avec une seule décharge de son arme. Un autre pillait la banque de Jupiter quand il s’est fait arrêter (il faudra lui dire que Jupiter étant une planète gazeuse, il était sur le point de cambrioler un pet cosmique). Un troisième larron a pris part au casse de la Lune… Passé les présentations, le lendemain, tout ce beau monde va travailler dans la mine de Vulcan, sous un soleil de plomb. Les hommes, torse nus, ruissellent de sueur. On imagine le calvaire pour Batman et Robin, obligés de porter leurs tenues, capes comprises…

Seulement comme ils sont nouveaux, ils ignorent les astuces de la récolte de Vulcanite. Un bagnard leur explique qu’il ne faut pas confondre les rochers verts (la Vulcanite) avec les rochers oranges qui, eux, n’ont rien de spécial. Ces derniers sont juste bons à être abandonnés aux Gobblers. Les Gobblers ? Robin se fait alors expliquer qu’il s’agit de créatures qui se nourrissent de pierres (sauf la Vulcanite qui leur donne des indigestions). D’ailleurs elles ne tardent pas arriver et à se ruer sur les cailloux oranges. Finalement la nuit tombe et les hommes rentrent aux baraques… où ils découvrent un mutant nommé Dome, reconnaissable à son crâne hypertrophié, qui vient de sortir de l’infirmerie. Dome est télépathe. Il peut d’ailleurs détecter lequel des autres hommes regrette qu’il ne soit pas mort pendant qu’il était hospitalisé. Batman comprend tout de suite le problème : Si le Dome capte leurs pensées, il découvrira instantanément qu’ils ne sont pas Muscles McCoy et Midge mais d’authentiques super-héros. Il leur faut absolument se faire transférer ailleurs avant que le Dome les sonde. Batman et Robin font alors semblant d’en venir aux mains. Ils sont immédiatement transférés au « mitard », en quartier d’isolation, loin du Dome… mais en même temps ils ne peuvent plus enquêter là où ils se trouvent… Pour avancer, il faut qu’ils s’évadent. Heureusement ils ne sont surveillés que par un simple garde-robot. Avec une pierre et un ressort de matelas, Robin arrive à confectionner une sorte de lance-pierre et activer à distance le bouton de commande vocale du robot. A partir de là la machine les relâche et les deux héros s’échappent dans la nuit et retournent inspecter le secteur où on ramasse les rochers de Vulcanite, en passant devant une cabane qui est en train d’être repeinte en orange. Mais il n’y a là que des Gobblers qui errent à la recherche de leur nourriture minérale. Mais Robin a une idée. Si les Gobblers sont supposés se nourrir de toutes les roches sauf de la Vulcanite verte, pourquoi les créatures rejettent certains cailloux oranges ? Une inspection plus poussée leur révèle que les rochers rejetés sont en fait de la Vulcanite que quelqu’un a peint en orange. Ils commencent à se douter de comment la Vulcanite est sortie sous le nez des gardes. Quelques instants plus tard, alors qu’ils se sont cachés, leurs soupçons sont confirmés : le vaisseau de Yerxa se pose et les brigands n’ont qu’à se servir en ramassant les rochers que les Gobblers ont laissé de côté. Et son complice sur Vulcan n’est autre que Dome, le mutant télépathe !

Robin réfléchit alors à un plan pour reprendre l’avantage. Il sort de sa ceinture un des ballons rouges qu’il observait dans la Bat-cave quand Taylor est venu le chercher en 1951. Batman est sidéré : « Les enfants de 3051 ont des jouets plus avancés mais j’ai vu des ballons dans les musées ». Visiblement c’est cependant un objet tombé en désuétude, que peu de gens connaissent. Robin dessine un visage grimaçant sur le ballon, le gonfle et le laisse dériver vers Yerxa et Dome, comme s’il s’agissait de la tête d’une hideuse créature. Et ça marche. Les deux gangsters sont convaincus d’être face à une forme de vie inconnue. Batman et Robin n’avaient besoin que de cette distraction pour, pendant ce temps, pouvoir monter dans le vaisseau de Yerxa et en prendre les commandes. A partir de là il leur est assez simple de capturer toute la bande. Batman pilote le vaisseau tandis que Robin, monté sur une des ailes, attrape tous les criminels grâce à un lasso (encore qu’on se demandera comment un enfant de 12 ans peut capturer au lasso quatre ou cinq hommes sans perdre son équilibre). D’abord Dome est stupéfait de voir que Muscles et Midge McCoy s’opposent à eux mais il comprend bien vite, en lisant leurs pensées, qu’ils sont bien Batman et Robin. Mais s’il a lu leur pensée, ne connaît-il pas leur identité secrète ? Taylor assomme Yerxa et s’apprête à en découdre avec Dome… qui s’effondre, mourant (il faut croire que son passage à l’infirmerie était pour une maladie plus grave qu’il y paraissait). Tandis que Batman et Robin font monter les premiers brigands dans le vaisseau, ils observent de loin Yerxa, menotté, qui se recueille près du corps de Dome.

Quelques heures plus tard Taylor et Dick sont de retour au Bat-Beffroi, où ils retrouvent le Robin de 3051. Brane Taylor explique qu’il doit se changer en civil car il doit témoigner au procès télévisé de Yerxa. Le criminel avait en effet attaqué certains des vaisseaux marchands de Taylor, quelques mois plus tôt. Les deux Robin, eux, pourront regarder le procès sur la télévision murale du Bat-Beffroi. Seulement tout s’écroule. Bien sûr, Yerxa sait que sa carrière criminelle est terminée. Mais, perdu pour perdu, il compte bien entraîner Batman dans sa chute… Et il révèle devant tout le monde, à la télévision, que Batman et Brane Taylor ne font qu’un ! Dome avait vécu quelques instants de plus et réussit à murmurer à Yerxa ce secret ! Les deux Robin sont atterrés ! S’en serait fini de la carrière de Batman ? Non, car quelques minutes plus tard, alors que le juge s’efforce de ramener le calme dans la salle du tribunal, Batman arrive dans la salle. Un Batman qui se tient à côté de Brane Taylor et quoi se moque ouvertement de Yerxa « Alors, maintenant est-tu aussi convaincu que Brane Taylor c’est moi ? ». Yerxa, confus, ne peut plus que murmurer… « J’ai du faire une erreur. Ou bien c’est Dome qui s’est trompé… Je… Je… ». Du coup Taylor peut rentrer chez lui et retrouver non seulement les deux Robin mais aussi… Le Batman du 20ème siècle. Quand Dick Grayson a vu que Brane était en difficulté, il a utilisé la machine temporelle pour retourner chercher le vrai Batman, celui de 1951. Taylor, reconnaissant ne peut que conclure « Il est vraiment étonnant et merveilleux que les Batman et Robin du passé aient sauvés les Batman et Robin du futur ». Puis tout ce petit monde se masse dans la machine temporelle de Brane Taylor pour redéposer les héros du 20ème siècle dans leur période d’origine, en promettant de se revoir un jour (bizarrement c’est Taylor qui demande aux deux autres de leur rendre visite de temps en temps, alors que c’est lui qui a la machine temporelle).

En général ce genre de promesse de fin d’épisode ne reste qu’un vœu en l’air mais dans le cas de Brane Taylor on le reverra effectivement dans d’autres épisodes. Dans Detective Comics #216 (1955), dans une sorte de juste retour des choses, c’est Bruce Wayne qui est blessé à un bras. Craignant que Vicky Vale aperçoive la même blessure sur Bruce et Batman, le héros demande alors de l’aide à Brane Taylor, qui entre-temps est devenu le « Batman de l’an 3054 », trois ans s’étant écoulés pour lui. Passé 1955, par contre, ce Batman futuriste a été relativement absent… jusqu’à un récent passage dans Batman #700 qui montre, en rafale, l’héritage de Batman dans les époques futures. On voit le Batman de l’an 3000, on voit le Batman de DC One Million et, saucissonné entre ces deux scènes, un Batman futuriste qu’au premier abord on peine à distinguer tant son costume ressemble à celui du héros originel. Mais sa base est désignée comme étant le « Beffroi » et on reconnaît, dans la salle des trophées, la « Machine-Taupe utilisée par les Pirates Nains de Mercure » entrevue en 1951 par Robin ainsi que la sphère servant à voyager dans le temps. Bref, ce Batman non-nommé n’est autre que le Batman de 3051-3054… C’est sans doute cette machine à remonter le temps qui fait de Brane Taylor un personnage totalement fascinant,  qui mériterait d’intervenir dans bien d’autres histoires. D’abord, basiquement, il y a ce que présente cette histoire au premier degré. Voici quelqu’un qui utilise les méthodes de Batman mais qui possède les ressources pour intervenir à n’importe quelle époque ! Ce n’est pas rien et ce seul fait devrait suffire à faire de Brane Taylor un personnage de choix pour intervenir dans les grands crossovers cosmiques de DC comme Crisis. Qui plus est, à l’instant T dans l’univers DC (depuis Final Crisis), Bruce Wayne est naufragé dans le temps. Qui d’autre serait mieux placé pour le sauver que cet autre Batman équipé de sa propre machine temporelle ? Et ça encore c’est si Brane Taylor a dit la vérité…

Car en y regardant de plus près il y a de nombreuses incohérences dans les propos de l’homme de 3051. A commencer par cette histoire d’aller chercher Dick Grayson parce qu’il n’a pas le « temps » d’attendre la guérison de son propre Robin ou même la volonté de cacher – sans raison apparente – l’identité secrète de Grayson au 31ème siècle. Et puis Brane Taylor se présente comme l’inventeur d’une machine temporelle qui ressemblent curieusement aux chronosphères utilisées respectivement par la Legion of Super-Heroes ou Booster Gold dans des époques qui le précédent pourtant (à supposer que Brane Taylor existe bien dans la même lignée chronologique que la Légion des Super-Héros)… Un type de chronosphère qui, dans l’univers DC moderne, est supposé avoir été inventé par Rip Hunter, le maître du temps (vu récemment dans 52 ou dans la série Booster Gold). Or, la méthode courante de Rip Hunter (et par extension celle de Booster Gold) est de mentir quand il voyage dans le temps afin d’une part de ne pas créer de paradoxe temporel ou de ne pas fournir des informations, ne pas laisser des traces dont des adversaires pourraient se servir par la suite. En fait, Brane Taylor ressemble énormément à Booster Gold dans son masque et à partir de là il est vraiment très dur de ne pas se dire que « Brane Taylor » n’est pas Booster Gold (ou un Rip Hunter déguisé) en train de manipuler les vrais Batman et Robin pour les besoins d’une mission temporelle. Mais que le Batman de 3051 soit réellement ou pas Brane Taylor ou un autre voyageur du temps agissant sous couvert, il reste des tonnes de choses à faire avec ce Batman traversant les époques. Tant de choses qu’on se dit que trois apparitions en 59 ans, c’est bien peu et qu’on a fait qu’effleurer les questions qu’il soulève…

[Xavier Fournier]