Oldies But Goodies: Batman #167 (Nov. 1964)

19 juillet 2008 Non Par Comic Box

[FRENCH] L’organisation criminelle internationale Hydra vient d’abattre un agent d’Interpol. Mais oui voyons, Hydra, le groupuscule que personne ne peut arrêter car, comme dans la mythologie grecque, quand on lui coupe une tête, il en repousse une autre… Heureusement que Batman est là ! Heu… Batman ? Mais attendez, Hydra est une création Marvel, non ?

Novembre 1964. Batman et Robin attendent un mystérieux informateur à l’aéroport de Gotham. Manque de chance pour eux, l’homme est abattu dès son arrivée. Quelques instants plus tard, le Commissaire Gordon informe la presse que la victime – qui faisait partie d’Interpol – a sans doute été assassinée par les forces d’Hydra. « Hydra ? » s’étonnent les reporters ? Oui, il s’agit bien du cartel international que personne ne peut arrêter car, comme dans les légendaires travaux d’Hercule, « à chaque fois qu’on décapite Hydra une autre tête lui pousse ». En écoutant l’exposé, Batman décide de devenir un homologue moderne d’Hercule: puisqu’il le faut, il traversera le monde pour détruire Hydra. Il n’avait visiblement jamais entendu parler d’Hydra auparavant car le terrain d’action de l’organisation est plutôt l’Europe. Alors c’est là-bas qu’il va se rendre…

Mais en fait, après avoir arrêté la branche hollandaise d’Hydra, Batman et Robin disparaissent. Ce qu’ils ont caché à la presse c’est que l’agent d’Interpol a réussit à leur glisser quelques mots avant de mourir. L’homme leur a dit qu’Hydra préparait un mauvais coup en Asie, où le groupuscule veut déclencher une guerre entre deux pays afin de faire plonger le monde dans le chaos. Batman passe d’abord par Singapour pour s’attaquer aux intérêts d’Hydra là-bas puis retourne en Europe où il s’attaque aux différentes branches pays après pays. En fait les activités européennes ne sont qu’une diversion tandis que leur objectif réel est l’Asie. Batman arrive à les tromper en agissant très publiquement en Europe tout en agissant de façon plus discrète en Asie. Grace à son Batplane, il arrive à être présent en alternance sur les deux continents. Du coup, les gens d’Hydra s’imaginent que leur plan fonctionne. Ils ne se rendent pas compte que Batman est en train de les attaquer sur deux fronts en même temps.

Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtraient très bien l’univers Marvel, Hydra est l’organisation ennemie du SHIELD. Respectivement les deux organisations sont un peu comme le SPECTRE et le service de James Bond, intégrés à un univers partagé où les super-héros. La Hydra de Marvel a d’ailleurs pratiquement la même devise que celle de DC: dans le cas des ennemis du SHIELD, il s’agit de dire « que quand on coupe un membre d’Hydra il en repousse plusieurs » là où la version de DC préfère parler de « tête coupée qui repousse » mais la finalité est là même. La principale différence est que la Hydra de Marvel utilise de préférence des uniformes verts et jaunes, là où les adversaires de Batman, eux, opèrent en civil. Alors quoi ? Le scénariste de DC (dans le cas présent Bill Finger, le co-créateur de Batman) se serait mis en tête de copier Marvel ? Pas vraiment. En fait cet épisode de Batman est paru un an avant les débuts du SHIELD et d’Hydra chez Marvel. S’il y en a un qui a copié sur l’autre, c’est forcément dans l’autre sens que les choses ont pu se passer.

Mais sur la notion de copie il faut s’entendre: Pourquoi Stan Lee et Jack Kirby auraient-ils pris la peine de singer un groupe interchangeable que DC n’a d’ailleurs jamais jugé utile de ramener par la suite ? Il parait probable que l’influence est indirecte. Dans un premier cas de figure on peut penser que Lee et Kirby surveillaient les publications de la concurrence et qu’il en est resté quelque chose à un niveau inconscient (alors que si la copie avait été consciente ils auraient au moins pris la peine de changer le nom du groupe). Mais la seconde solution est encore plus simple: il y a de fortes chances que les deux « hydres » sont en bonne partie basées sur la Piovra (« La Pieuvre »), variante sicilienne de la Mafia (et, par extension, surnom généralisé de la Mafia).

Mais même en faisant abstraction du nom commun, il reste des similitudes. Par exemple dans le cas de Batman #167 comme dans Strange Tales #135 (la première apparition de Hydra façon Marvel), la seule femme présente fait un rappel visuel basé sur une multiplication des membres faron déesse hindoue. Dans le cas de Batman, il s’agit d’une danseuse (travaillant pour Interpol undercover) qui utilise ses bras comme un sémaphore pour communiquer avec le héros. Ses bras bougent tellement vite qu’elle semble en avoir plus de deux. Dans Strange Tales, le seul agent féminin aperçu se lance dans un effet d’optique rituel (avec d’autres agents derrière elle) qui fait croire qu’elle a, elle aussi, de nombreux bras. La Hydra opposée à Batman utilise piège des statues antiques pour s’attaquer au héros ? L’ennemie du SHIELD en fait de même (Strange Tales #151) et d’une manière générale la quête de Batman chassant Hydra à travers le monde évoque à plusieurs égards celle de Nick Fury, le leader du SHIELD, aux alentours de Strange Tales #150.

La différence majeure vient de la science de Kirby a inventer des gadgets fous, absents de la version de Batman (en dehors des Bat-gadgets habituels). Bref, malgré l’absence de costumes verts, Hydra telle que définie par Marvel est apparue un an auparavant chez le concurrent DC. Visiblement Batman a fait tellement peur à ces malfrats qu’ils ont préféré s’installer dans un autre univers, où ils sont devenus plus célèbres…

[Xavier Fournier]