Trade Paper Box #56: Rocketeer

6 novembre 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] Auteur de notre album de la semaine, Dave Stevens débute sa carrière dans le comic-book en 1975 comme assistant de Russ Manning sur « Tarzan », avant de devenir storyboarder pour les productions animées Hanna-Barbera. A la demande de Steven Spielberg, il participe également au design des « Aventuriers de l’Arche Perdue ». En 1982, il créé ensuite son personnage majeur, « The Rocketeer », qu’il propose dans un premier temps comme un complément aux comics indés « Starslayer » et « Pacific Presents » – chez Pacific/First Comics. Le succès lui permet alors de poursuivre l’expérience du « Rocketeer » dans plusieurs (mais courtes) séries éponymes, publiées successivement chez Eclipse, Comico puis Dark Horse Comics.

Décédé en 2008, l’illustrateur Dave Stevens aura largement influencé de nombreux auteurs de comics-books, à l’image notamment d’Adam Hugues, son « héritier » le plus évident, avec lequel il partage un sens des courbes et un amour tout épicurien pour les pinups. Cet été, les éditions Delcourt ont donc eu l’excellente idée de proposer aux lecteurs hexagonaux le meilleur de cet artiste trop méconnu, avec ces 9 épisodes d’un « Rocketeer » enfin présenté dans un écrin de premier ordre.

East of Angel Town

Los Angeles en 1938. Clifford Secord est un pilote de démonstration aussi intrépide que désargenté. Tombé éperdument amoureux d’une beauté absolue, future étoile hollywoodienne appelée à côtoyer la haute société, « Cliff » doit composer en attendant son heure de gloire. Par un étrange concours de circonstances, il entre en possession d’un moteur dorsal au nom de code tout aussi mystérieux : le Cirrus X-3. Adieu le Cirque de l’Air du vieux Bigelow, se dit-il ! Pour pouvoir rivaliser avec les producteurs libidineux qui gravitent autour de sa belle et lui promettent une vie de faste, Cliff décide de faire du rocketpack qu’il vient de trouver un gagne-pain digne des plus beaux ballets aériens. Hélas !, tout n’est pas si simple, car le moteur en question appartient à l’Armée américaine, et se trouve particulièrement convoité par des agents du régime nazi…

Un concentré d’adrénaline

Tout dans ce volume inspire le plaisir. Dans une ambiance épique, faite de rêves d’altitude, on y croise – pêle-mêle – des magiciens, le milliardaire Howard Hughes et Bettie (presque) Page… Le Shadow, Lamont Cranston, est également présent sous l’identité Jonas (« Tant qu’il restera à New York, je le suivrai comme son ombre ! »), et Doc Savage est présenté comme l’inventeur du rocketpack. Eminemment référentiels, l’esprit et l’esthétique pourraient également rapprocher ce « Rocketeer » de l’œuvre de Will Eisner, par une narration classique proche de celle utilisée pour le « Spirit », ainsi qu’avec un emploi abondant de bulles de pensées. Bref, de l’action, de la gouaille, de belles gueules, des trognes cassées et, surtout, des femmes plantureuses, ce rollercoaster nous emballe durant 120 pages.

Les dessins de Dave Stevens méritent d’être découverts par tous les amoureux d’une BD familiale, affable, rassemblant le meilleur des techniques développées au cours du XXe siècle. Entre cartoon vintage et découpage cinématographique « coup de poing », les séquences s’enchaînent sur un rythme soutenu, les mouvements sont décomposés à la perfection, et les visages sont des plus expressifs.

Pas de doute là-dessus, Dave Stevens était lui aussi un maître de l’Art Séquentiel. Et pour info, sont crédités comme « assistants au dessin », des petits jeunots tels que Art Adams et Geof Darrow… Rien que ça, « siouplé » ! Deux noms qui en disent long sur le respect qu’impose l’œuvre de feu Dave Stevens.

Cette édition française s’appuie sur le matériel rassemblé et « restauré » en 2009 par IDW Publishing, dont la plus remarquable qualité est de proposer des planches intégralement et brillamment re-colorisées par Laura Martin, une artiste qui avait été choisie par Dave Stevens avant son décès. A l’image de ses travaux remarqués sur « Authority », « Planetary » ou « Astonishing X-Men », celle-ci parvient à envelopper le récit dans une délicieuse atmosphère rétro faite de tons chaleureux orangés-bleutés.

Non pas que les couleurs originales de Joe Chiodo, Bruce Timm ou Brent Anderson aient été médiocres, loin s’en faut, puisqu’ils ont même servi de base à cette remise à neuf, mais Laura Martin apporte une unité, une profondeur un chrome supplémentaire aux épisodes. En somme, une patine qui renforce encore l’alchimie opérant sur le lecteur.

Indiana Jones et le jetpack dérobé

Equivalent de papier aux plus belles productions de Steven Spielberg, « Rocketeer » possède ce supplément de souffle aventureux qui vous fait passer un moment excitant, fait de dangers old-school et de belles pépées. Ce TPB, on ne peut plus complet, couvertures originales comprises, sera une superbe addition à votre bibliothèque de rêveur. Il nous ouvre les portes d’un monde de clins d’œil adressés aux pulps de l’entre-deux guerres. Mais plus qu’un hommage aux grandes heures de l’imaginaire nord-américain, « Rocketeer » nous embarque des tarmacs californiens jusqu’aux music-halls de Broadway, avec la puissance d’un rocket… punch !

[Nicolas Lambret]

« Rocketeer », par Dave Stevens (scénario et dessin), Editions Delcourt, août 2011, 126 p.