Oldies But Goodies: Showcase #63 (Juil. 1966)

11 octobre 2008 Non Par Comic Box

[FRENCH] Le ridicule ne tue pas. Encore que. Les Inferior Five comptent parmi les personnages les plus ridicules de l’univers DC. C’est leur marque de fabrique donc jusque-là pas de problème. Mais quand ils sont pris en chasse par une équipe ressemblant étrangement aux Avengers et qu’en prime un monstre vert très familier débarque pour les menacer…. Seraient-ils tombés chez Marvel ?

A la base, j’avais prévu de vous parler d’un comic book totalement différent. Seulement voilà, mercredi matin, en allant en bureau, je suis passé devant une affiche du film House Bunny (qui par le mystère des traductions se trouve en France rebaptisé « Super Blonde »). Anna Faris, ex-égérie des Scary Movies, y trônait déguisée en bunny échappée d’un Playboy, oreilles de lapin à l’appui, avec une expression volontairement stupide lui barrant le visage. Et là, d’un seul coup il devenait évident que j’étais en face de l’incarnation même de la super-héroïne Dumb Bunny et que le moment parfait était arrivé de vous parler des Inferior Five (vous l’avez échappé belle. Imaginez que je sois tombé en arrêt devant l’affiche de « la Famille Suricate »…).

Les Inferior Five sont apparus chez DC en 1966, dans la revue Showcase, et sont en quelque sorte les premiers super-héros vraiment générationnels de DC. Leur histoire se base sur le fait que 20 ans auparavant leurs parents étaient membres de la Freedom Brigade (une « célèbre » super-équipe créé pour l’occasion, pour justifier l’existence des « I5 »), les défenseurs de Megalopolis (pastiche évident de Metropolis). Pour faire court, tandis que la Freedom Brigade était composée des héros les plus valeureux de leur époque, leurs enfants sont… nuls. « Incompétents » serait un faible mot pour décrire le taux de démence de ces personnages qui se désignent eux-mêmes comme les « Cinq Inférieurs ». Merryman, le leader du groupe, est le plus « focalisé » de la bande. Mais il n’a aucun charisme et le choix de son costume (une panoplie de fou du roi, grelots compris) y est sans doute pour quelque chose. Blimp est un héros (obèse) qui a le pouvoir de voler mais qui ne peut se diriger. Il dérive donc comme un dirigeable sans moteur (et sans grande utilité). Awkwardman a de faux-airs d’un Batman qui aurait trop traîné sous la pluie. Il est plus costaud que la normale mais a surtout une maladresse titanesque (le fait d’avoir des palmes en guise de semelles n’arrange pas la situation). White Feather est, lui, un archer façon Green Arrow. L’ennui c’est qu’il s’agit d’un froussard compulsif et qu’il est en gros incapable de faire quoi que ce soit, ayant une phobie pour tout. Reste, pour clore le bal, la femme de l’équipe, celle à qui vous devez indirectement cette chronique: Dumb Bunny (fille de Princess Power) est une sculpturale blonde déguisée en lapin et… totalement idiote (vous me direz que c’est un peu le cas des quatre autres, chacun à sa manière). Les Inferior Five, ce sont un peu les Mystery Men avant l’heure (d’ailleurs une filiation n’est pas exclure) et c’était aussi un moyen pour DC de se moquer de Marvel (les Inferior Five étant une sorte de pied de nez au titre Fantastic Four).

Dans leur deuxième épisode, paru dans Showcase #63, les « attaques » anti-Marvel des Inferior Five prennent toute leur dimension. Car vingt ans plus tard, les ennemis jurés de la Freedom Brigade sont de retour et ils veulent se venger. Problème : comme la Brigade n’existe plus depuis belle lurette, il n’y a plus personne sur qui ils peuvent se venger. Mais attardons nous d’abord sur ces ennemis car vous allez vite voir qu’ils ont comme un air de famille avec d’autres personnages. D’abord il y a le Sparrow (le Moineau), un archer qui s’entraîne au moment où il est rejoint par un de ses équipiers, Speed Demon, un personnage super rapide. Ils ne sont pas vraiment en forme puisque vingt ans se sont écoulés depuis leur heure de gloire et leurs pouvoirs ne fonctionnent plus vraiment. Mais arrive un troisième larron, Masked Swastika, à travers lequel vous allez peut-être commencer à comprendre ce qui se passe. Il s’agit d’un personnage en armure et bien qu’il ne soit pas en rouge et jaune et que son torse s’orne d’une croix gammée, il est certain qu’il s’agit d’un pastiche d’Iron Man. Tout comme Sparrow et Speed Demon sont respectivement des parodies de Œil-de-Faucon et Vif Argent. Et quand arrive le quatrième et dernier membre de l’équipe, ne cherchez plus : Silver Sorceress est à l’évidence dérivée de la Sorcière Rouge. Le groupe (nommé « Vendetta ») est calqué sur les Vengeurs !

Silver Sorceress a une solution à leurs problèmes de forme : elle a concocté un filtre qui leur rend leur jeunesse (et leurs pouvoirs) d’antan. Ils peuvent désormais se venger. Mais de qui ? La Freedom Brigade n’étant plus là, les quatre criminels décident de s’attaquer à leurs enfants et donc aux Inferior Five. D’autant que Masked Swastika a mis au point une arme terrifiante : une grenade qui émet des rayons Phi, Beta et Kappa (on n’est pas passé loin des rayons gammas…). « Bon, d’accord » disent les trois autres mais pourquoi devrait-ce être Masked Swastika le leader ? L’homme en armure éclate alors en pleurs et se roule par terre jusqu’à ce que les autres, de guerre lasse, cèdent…

Très vite le commissariat de Megalopolis découvre un indice pour un crime et demande de l’aide aux Inferior Five en leur téléphonant. S’en suit une scène (ironisant sans doute sur les passages du feuilleton TV Batman de l’époque, quand le Commissaire Gordon téléphonait à Batman & Robin) où l’on découvre les endroits (forcément idiots) où les Inferior Five ont caché leurs téléphones. Si Merryman a planqué le sien au fond d’un tiroir, Blimp l’a rangé… dans le frigo. Et Awkwardman l’a caché… sous en une pierre, par terre, en se disant que personne ne viendrait le chercher là. Ils se rendent ensemble au commissariat où l’indice se trouve être une simple photo d’un homme avec des allumettes. Par une logique bien à lui, Merryman en déduit que quelque chose se trame au combat de boxe qui se tient le soir même. Les Inferior Five s’y précipitent… A l’entrée de la salle, ils tombent sur Masked Swastika qui essaie dérober la recette. D’ailleurs au passage c’est l’occasion pour nous de voir que Masked Swastika porte un bouclier circulaire (avec, forcément, un motif de croix gammée). Masked Swastika est donc non seulement une caricature d’Iron Man mais aussi, un peu, de Captain America. Dépassé par le nombre, l’homme en armure appelle alors ses hommes à l’aide: « Vendetta! Together! » (Variation du « Avengers Assemble! » des Vengeurs).

La bataille tourne vite à l’avantage des membres de Vendetta. Speed Demon court en cercle, créant une tornade dans laquelle Blimp, flottant en l’air, ne peut rien. White Feather est cloué au mur par les flèches de Sparrow. Dumb Bunny est ensorcelée par Silver Sorceress… Il ne reste guère qu’Awkwardman et Merryman, impuissants, tandis que Masked Swastika s’apprête à lancer son arme secrète, sa grenade « Phi, Beta, Kappa ». Mais Awkwardman, fidèle à sa maladresse, trébuche à cet instant et l’arme vole dans les airs. Elle rebondit sur le ventre de Blimp et disparait par une fenêtre… dans la chambre d’un boxeur qui se reposait. Elle explose là et transforme le sportif… En un monstre vert (on vous avait bien dit que cette arme sentait la bombe gamma). Pendant ce temps les Inferior Five ont (surprise) repris le dessus. White Feather a battu Sparrow un peu par accident tandis que Dumb Bunny a compris que les pouvoirs de Silver Sorceress n’ont pas prise sur elle si elle ferme les yeux. Awkwardman est en train de mettre à mal Masked Swastika. Seraient-ils plus compétents qu’on le pensait où bien leurs adversaires sont-ils encore plus incompétents qu’eux ? Penchons pour la seconde solution. Mais cette bataille en passe d’être gagnée par les Inferior Five devient vite caduque. Le monstre vert surgit en détruisant un mur !

Masked Swastika explique alors à la brute verte que c’est sa bombe Phi-Beta-Kappa qui a du lui donner ses pouvoirs. Réalisant que c’est cet homme qui lui a donné sa force, le monstre (surnommé « Man-Mountain » prend vite le parti de Vendetta. Contre ses muscles, les Inferior Five ne peuvent rien. Vendetta, désormais renforcée par le pseudo-Hulk, triomphe ! Sans perdre de temps les super-villains courent dévaliser une banque et les Inferior Five, humiliés, se préparent au deuxième round sans trop y croire. D’autant qu’Awkwardman trébuche une nouvelle fois et que la plupart de l’équipe est emmêlée, incapable d’agir. Il ne reste plus que le chétif Merryman pour affronter Man-Mountain. Autrement dit c’est un peu comme si un Peter Parker qui n’avait jamais été piqué par une araignée radioactive affrontait un Hulk à peine puissance. Merryman essaie tout, tente de taper sur le monstre par tous les moyens mais ce dernier ne sent rien. Croyant que Man-Mountain va l’écraser, Merryman se prend la tête dans les mains mais… fait un faux mouvement que le monstre vert n’a pas venir. A la surprise générale, Man-Mountain s’écroule. Il ne reste plus qu’à capturer le reste de Vendetta. Et suivant involontairement l’exemple de Merryman ils vont les coincer par maladresse, sans le faire exprès. Par exemple Silver Sorceress tente d’échapper à Dumb Bunny en lui faisant croire qu’elle a aperçu les Beatles mais DB est tellement ahurie et folle du groupe que son réflexe est de lever les bras bien haut en hurlant (façon Beatlemania). En faisant ce geste elle assomme Silver Sorceress. Speed Demon a le pied collé sur un chewing-gum échappé par Blimp et ainsi de suite. En définitive toute la bande est coffrée mais, bizarrement, non sans que Masked Swastika (démasqué et ressemblant à Napoléon Bonaparte) conseille aux lecteurs de se manifester s’ils veulent suivre la suite des aventures des Inferior Five. Ce sera sans doute le cas puisque les I5 auront droit un peu plus tard à une (courte) série mensuelle.

En apparence les membres de Vendetta auront été vite oubliés. En apparence seulement car en 1969 Roy Thomas « inventera » le concept du Squadron Sinister (parodie criminelle de la Justice League, autrement dit la réponse du berger à la bergère) dans les pages d’Avengers. Un des membres du Squadron Sinister, Whizzer, deviendra avec le temps Speed Demon (tiens tiens, ce nom nous dit quelque chose). En temps utile le Squadron Sinister donnera naissance au Squadron Supreme (l’Escadron Suprême) où on finira par trouver une parodie de héros archer (d’abord nommé Hawkeye) qui prendra pour nom de code « Golden Arrow » avec un costume très similaire à celui de White Feather. De la même manière, dans le Squadron Supreme l’homologue de Wonder Woman est Power Princess, là où la mère de Dumb Bunny était « Princess Power ». En fait, l’apparition du Squadron Supreme faisait partie d’une sorte de « crossover officieux » Marvel/DC organisé par Roy Thomas et son ami Mike Friedrich (alors scénariste de la Justice League) sans que leurs éditeurs en ait connaissance. En réponse au Squadron Supreme, Friedrich inventa donc un « hommage » aux Vengeurs (cette fois moins ridicule que Vendetta), les Champions of Angor. Parmi eux, la parodie de la Sorcière Rouge se nommait… La Silver Sorceress (« what else ? » comme dirait l’autre). Une version de cette Sorceress perdura au point de devenir membre de la Justice League International dans les années 80. Power Princess (ensuite membre des Exiles) donna lieu à une version plus moderne (Zarda) vue dans les séries au Supreme Power de JMS. Et tout ça c’est grâce aux Inferior Five. Ou plutôt en dépit d’eux puisque, comme de coutume pour eux, tout s’est déroulé sans qu’ils le fassent exprès…

[Xavier Fournier]