Oldies But Goodies: Justice League Of America Vol.1 #1 (Nov. 1960)

31 mai 2008 Non Par Comic Box

[FRENCH] Justice League of America #1 est un classique, bien sûr, parce pour la première fois la JLA (apparue quelques temps plus tôt dans Brave & The Bold) vivait ses aventures dans son propre titre. Et puis, c’est sûr, c’est aussi la première apparition du terrible Despero. Mais même les marvelophiles devraient s’y intéresser, en raison d’un certain signe annonciateur…

Ils sentaient encore le neuf les héros du Silver Age. Cela ne faisait que quelques mois qu’ils avaient pris l’habitude de se rencontrer au sein de la Justice League et beaucoup de choses restaient encore à inventer. Le scénariste Gardner Fox et le dessinateur Mike Sekowsky avaient les coudées franches pour raconter ce qu’ils voulaient, avec un pied encore ancré dans la naïveté du Golden Age et le regard portant, lui, vers les grandes lignes qui allaient définir cette deuxième époque des comics. Dans Justice League of America #1, c’est Flash (Barry Allen) qui tombe sur les premiers indices de la menace du mois. Par pur hasard il tombe sur deux êtres (le savant Jasonar et sa fille Saranna) venus d’une autre dimension pour échapper aux griffes d’un tyran nommé Despero. Ils se sont réfugiés sur Terre où ils espèrent créer les armes qui leur serviront à renverser le dictateur. Mais Flash a une autre idée: puisque la JLA a promis de défendre la démocracie et la liberté, pourquoi les héros ne mettraient-ils pas leurs ressources au service de cet autre monde dans le besoin. Aussitôt, il envoit un signal à tous les autres membres de son équipe…

Suivent plusieurs pages où l’on voit des héros comme le Martian Manhunter, Batman, Green Lantern ou Aquaman recevoir ce fameux signal. La prime de la scène la plus kitsch revient sans problème à Wonder Woman: quand elle reçoit le signal, elle est juchée sur son avion invisible, en train de soulever la Statue de la Liberté. Elle se félicite de la rapidité de son véhicule aérien, qui lui a permis de bouger la statue avant qu’un éclair (montré dans la vignette) ne vienne la frapper et la détruise. Toute la désuétude du Golden Age est encore présente dans ce passage. Pour que la scène fonctionne il faudrait non seulement que la Statue de la Liberté puisse être détruite par la foudre et que, de plus, les autorités n’aient jamais pensé à installer le moindre paratonnerre à proximité. Un poète, William Chapman, avait même écrit en son temps un texte en l’honneur de la statue, ventant son impassibilité en y allant d’une strophe qui disait « la foudre à beau tonner »… Mais surtout ce sont les propos de Wonder Woman qui n’ont pas de sens. Pour que la rapidité de l’avion soit en jeu, il faudrait qu’elle ait d’abord vu la foudre se former et que, avant que cette dernière ne frappe, elle ait eu le temps de se rendre en avion vers la statue et de la soulever pour éviter l’éclair… Il est clair que cette scène aurait du mal à être prise au sérieux de nos jours…

Pendant ce temps les affaires de Flash et Jasonar ne s’arrangent pas. Saranna a été téléportée de force jusqu’à son monde d’origine et les deux personnages restant, plus désespérés qu’avant, se ruent donc au QG de la JLA. Mais là une mauvaise surprise les attends. Despero y est arrivé avant eux et à placé tous les membres présents de la JLA sous son emprise mentale. Du coup les héros sont paralysés… Mais comme Despero clâme avoir l’esprit sportif, il propose à Flash de jouer: il dispose des pièces d’échecs à l’image de chaque membre paralysé de la JLA. Flash doit les bouger sur l’échiquier selont une variante de la bataille navale: chaque pion à une seule case sur laquelle il ne peut se trouver. Si Flash le place sur cette case, le héros correspondant sera banni dans une autre dimension. Au demeurant, cela paraît facile car statistiquement Flash a peu de chances de tomber sur la mauvaise case. Mais il va vite déchanter: a chaque fois qu’il avanc un pion la case se révèle être la mauvaise, Despero lui montrant le numéro de la case sur une fiche. En fait, ce que Barry Allen ignore, c’est que Despero utilise ses pouvoirs mentaux pour lui faire voir ce qu’il veut sur les fiches. Peu importe ce que Flash fait, il est toujours convaincu d’avoir perdu… Le jeu est donc truqué mais Flash l’ignore… Un par un les membres de la JLA disparaissent donc vers d’autres mondes…

Piègés (mais libérés de l’influence de Despero), Wonder Woman, Batman et les autres vont se retrouver face à différentes menaces. Par exemple la princesse amazone est obligée de repousser un tyrannosaure. Green Lantern et Aquaman sauvent un monde aquatique en danger… Batman et le Martian Manhunter, eux, se retrouvent piégés sur une planète qui sera bientôt détruite par une explosion solaire. Et ils ne peuvent intervenir car Despero a laissé un homme de main que le Martian Manhunter ne peux espérer vaincre: il s’agit d’une créature qui a le pouvoir de s’enflammer. Et comme le Manhunter est allergique, ce n’est pas sans poser problème. Heureusement Flash les retrouve à temps et se sert de sa vitesse pour souffler la flamme de l’ennemi. En définitive les membres de la JLA retournent vite sur Terre, Despero est mis en déroute grâce à Snapper Carr (la mascotte de la Justice League, sorte d’équivalent avant l’heure de Rick Jones). Bon… Mais nous avions promis une pépite aux marvelophiles les plus endurcis. Alors où est-elle ?

Dans le passage où Martian Manhunter se bat contre un être enflammé… Ce qui est intéressant dans ce passage, c’est que la créature de feu est le seul agent identifiable de Despero et pourvu d’une volonté propre (par opposition à des menaces comme le tyranosaure). Mais dans le même temps on ne prends pas la peine de nous expliquer de qui il s’agit, quelles sont ses origines, sa nature ou ses motivations. Et s’il s’agissait… d’Human Torch ? Une petite explication s’impose: fin 1960, il y a encore plusieurs mois avant que Fantastic Four #1 de Marvel ne paraisse. Ce n’est donc absolument pas Johnny Storm. Mais la « Fire Creature » montrée dans cet épisode ressemble énormément au Human Torch androïde que Marvel publiait dans les années 40. Et on aura du mal à croire que les auteurs de JLA ne savaient pas ce qu’ils faisaient. Gardner Fox avait été scénariste freelance pour Marvel/Timely dans les années 40/50 tandis que Mike Sekowsky, lui, avait carrément été le dessinateur d’Human Torch entre 1945 et 1949. Peut-être que le script de Fox n’avait demandé qu’un simple « élementaire du feu ». C’est possible. Mais Sekowsky savait forcément, en dessinat cette « Fire Creature » qu’il ne se contentait pas de représenter un être de feu « lambda ». Il lui donnait l’apparence d’un personnage qu’il avait dessiné quatre ans de suite… Il n’y avait sans doute pas de volonté réelle de s’approprier le personnage alors disparu de Marvel. Sekowsky représentait un être enflammé d’une manière dont il savait qu’elle avait fait ses preuves. Là où les choses prennent un certain relief, c’est quand on rapproche ce passage de la Fire Creature dans Justice League of America #1 et le livre de Stan Lee, Origins of Marvel Comics. Dans cet ouvrage, Lee a toujours raconté comment Martin Goodman – le propriétaire de Marvel – s’était depuis longtemps désintéressé des super-héros. Jusqu’à un jour fatidique, au début des années 60, où Goodman s’en alla jouer au golfe avec l’un des responsables de DC qui n’arrêtait pas de se vanter du succès de la JLA. Enervé par la vantardise de son adversaire de golf, Goodman retourna au bureau en ordonnant à Stan Lee de mettre au point un concurrent de la JLA. Ce qui manque à l’explication de Stan Lee tient sans doute au passage de Martian Manhunter et de la Fire Creature dans Justice League Of America Vol.1 #1. Puisqu’il s’agissait de copier le succès de la JLA, on peut imaginer les responsables de Marvel compulsant ces épisodes du groupe à concurrencer et tombant sur un personnage qui ressemblait trait pour trait au Human Torch qui avait fait leurs beaux jours, dessiné en prime par un artiste qui avait oeuvré chez eux pendant des années. De là à affirmer catégoriquement que Goodman et Lee ont utilisé un nouveau Human Torch dans Fantastic Four pour s’assurer qu’on ne leur piquerait plus le concept, il y a sans doute un pas. Goodman et Kirby sont morts et Stan Lee a notoirement une mémoire plus trouée qu’une passoire. Le fait qu’un ex-artiste d’Human Torch ait cloné le personnage environ six mois avant que Marvel ne décide, d’un coup, d’utiliser à nouveau les mêmes propriétés n’est peut-être qu’un simple hasard… Mais il s’agirait alors d’une coïncidence étonnante.

[Xavier Fournier]