Oldies But Goodies: Detective Comics #27 (Mai 1939)
8 février 2014[FRENCH] Aujourd’hui 8 février 2014 on fête le centenaire de la naissance de Bill Finger, le co-créateur d’un petit personnage de rien du tout, à peine connu, qui répond au nom de Batman. Pardon. De « The Bat-Man », justicier crépusculaire dont on ne sait pas grand-chose en 1939, si ce n’est qu’il se balance par dessus les toits au bout d’un cable, pourvu d’une cape rigide avec des armatures façon chauve-souris…
La semaine dernière, pour raison de participation au Festival d’Angoulême, vous avez été privé d’Oldies But Goodies. Mais cette fois il était impossible de manquer le rendez-vous, d’autant qu’aujourd’hui il me semblait impossible de faire l’impasse sur le centenaire de Bill Finger, le co-créateur de Batman. Et, dans le cadre de cette chronique, quel meilleur moyen de lui rendre hommage pouvait-on imaginer que de se replonger dans la genèse de son personnage le plus connu ?
Difficile d’imaginer ce qu’un lecteur de 1939 a pu ressentir en apercevant la couverture de Detective Comics #27 qui promettait le début des aventures uniques et étonnantes du… Batman (le tiret entre Bat et Man n’existe que dans les pages intérieures) ! Vu que Batman personne ne connaissait et que la première vague des super-héros était à peine naissante, on aura du mal à se mettre dans la peau d’un acheteur et à comprendre les mécanismes en œuvre. Ce qui est ironique, c’est que la couverture de ce premier numéro où apparait Batman prend le contrepied des codes de celle d’Action Comics #1 (première apparition de Superman, publiée l’année précédente). Superman est un héros capable de bondir dans les airs mais ses auteurs avaient préféré mettre l’accent sur sa force. On le voit donc au sol, soulevant une voiture et regardant vers le sol, à droite. Au premier plan des passants (ou d’autres gangsters, ce n’est pas très clair) font face au lecteur et affichent un visage terrifié. A l’inverse Batman ne peut pas voler mais apparait ici dans le ciel, accroché à un cable (dans une pose empruntée à une case de Flash Gordon, le dessinateur Bob Kane était spécialiste de ce genre de copies). Au lieu de soulever un objet au dessus de lui, il porte sous son bras un gangster qu’il vient de capture. Au premier plan on également des criminels mais ceux-ci tournent le dos au lecteur, faisant mine de tirer sur le héros. Si ce n’est le fait que Batman regarde lui aussi vers le bas, sur sa droite, les deux couvertures semblent être le contraire l’une de l’autre. D’une certaine manière on pourrait dire qu’Action Comics tente de limiter l’exposé des pouvoirs de Superman pour ne pas trop en faire d’un coup. Avec Detective Comics #27, la porte a déjà été enfoncée par Superman qui s’est révélé un succès. Plus besoin de « sous-estimer » le héros. D’ailleurs en un sens la couverture, très spectaculaire, survend les exploits du Bat-Man de l’intérieur.
Pour une meilleure compréhension du contexte, remontons quelques mois avant la parution de ce numéro. Conscient du succès de Superman créé par Siegel et Shuster, le jeune Robert « Bob » Kane avait proposé à la société qui deviendrait par la suite DC Comics un autre personnage costumé qui nous conforte dans cette idée du « contraire ». Kane avait crayonné un personnage blond, lui aussi dérivé de Flash Gordon, qui portait un costume rouge et noir, qui ressemblait un peu à une version négative de celui de Superman. Finalement le seul signe distinctif réel était que cet homme-oiseau portait de grandes ailes noires dans le dos (pour autant qu’on sache, elles ne lui permettaient pas de voler et n’étaient là que pour le décorum). Mais l’éditeur voit clair dans son jeu. La création n’est pas jugée au point. Il semble que le jeune homme lui-même n’a pas une idée très claire des motivations de son personnage ou de ses capacités. On lui dit de revoir sa copie.

Le Bat-Man de Kane vu de manière humoristique par Ty Templeton (http://tytempletonart.wordpress.com/). On verra néanmoins que tout n’est pas blanc et noir…
Quelques temps plus tard il croise William « Bill » Finger, un amateur de science-fiction et un lecteur vorace de pulps. C’est Finger qui, voyant les crayonnés de Kane, lui suggère un certain nombre de modifications importantes, inspirées entre autres par le Phantom de Lee Falks. Sur le conseil de Finger, Kane change grandement le costume en intégrant une cagoule noire en lieu et place du simple « domino » que portait son héros, remplace le rouge par du gris mais conserve le noir (faisant véritablement de Batman une créature de l’ombre) et enfin troque les grandes ailes rigides noires pour quelque chose qui, dans les premiers temps, ressemble plus à une cape avec des armatures. Et Finger a aussi des idées concernant l’origine et les méthodes du personnage. Kane propose alors à Finger de l’embaucher comme scénariste… puis il retourne chez DC Comics qui est cette fois largement plus convaincu du résultat et signe avec lui un contrat. Il faut ici soul