French Collection #82

28 décembre 2010 Non Par Comic Box

[French] Aujourd’hui nous laissons dernière nous le golden age (même si nous pourrons y refaire quelques incursions) pour rentrer pleinement dans le silver age français avec le personnage qui est le plus communément associé au début de cette période aux Etats-Unis. Après 1949, presqu’aucun super-héros n’aura survécu. Seuls les Big Three de DC Comics (Superman, Batman & Wonder Woman) ont continués d’avoir leurs magazines abritant pour l’occasion quelques autres personnages mineurs (Aquaman & Green Arrow notamment).

Timely / Atlas / Marvel se lancera dans une nouvelle publication de ses propres Big Three (The Human Torch, The Sub-Mariner & Captain America) pendant quelques mois entre 1953 & 1954 mais sans succès. Par ailleurs, quelques personnages originaux sont mêmes cités comme des précurseurs du silver age. Il s’agit notamment de The Avenger (de Magazine Enterprise) ou bien de Captain Comet & Martian Manhunter de DC Comics.

Et c’est bien de ce dernier éditeur que renaîtra le genre super-héroïque dans ce qui est communément appelé le silver age. En octobre 1956, le #4 de Showcase (un titre expérimental de DC Comics) publie la première apparition de Flash [Barry Allen]. Sous l’impulsion de l’éditeur Julius « Julie » Schwartz, Robert Kanigher livre une réinterprétation du personnage historique de Flash [Jay Garrick] adapté au monde moderne tandis que c’est Carmine Infantino qui livre la nouvelle identité graphique du personnage.

Barry Allen est un policier scientifique fiancé à la charmante journaliste Iris West. Cette dernière est extrêmement dynamique et reproche à Barry son éternelle nonchalance et ses retards à répétition à leurs rendez-vous. Barry est en fait un peu rêveur et aime bien prendre son temps notamment en lisant les aventures de Flash [Jay Garrick], son héros de comic préféré (nous reviendrons très bientôt sur cet aspect de la série). Un soir d’orage, un éclair vient frapper une armoire de produit chimique. Tous les flacons explosent sous l’impact et Barry est assommé en même temps que recouvert des différents substances. Visiblement il n’y a pas d’acide et il est même à se demander comment il a survécu alors que la foudre est tombée à quelques centimètres de lui.

Alors qu’il essaye de rentrer chez lui, Barry découvre qu’il possède les mêmes pouvoirs que son idole de papier. Il met alors au point un costume écarlate qu’il dissimule sous une forme compressée (comme Superman le fera également dans une des poches de sa cape) dans le chaton d’une bague spécialement adaptée. Lorsqu’il presse un bouton, la bague éjecte le costume et celui-ci chimiquement traité se gonfle tout seul à l’air libre. Flash [Barry Allen] se déplace tellement rapidement qu’il est invisible à l’œil nu, ce qui lui permet d’enfiler le costume sans problème.

Barry découvrant tout juste ses pouvoirs se posa alors la question d’adopté un masque ou non sur son costume. C’est en faisant un rêve où il est gêné par une célébrité naissante liée à ses exploits qu’il décide de protéger son identité secrète en agissant masqué. Flash [Jay Garrick] ne portait pourtant pas de masque. Dans un premier temps, il apparaissait des épisodes qu’il ne possédait pas vraiment d’identité secrète. Puis, avec le temps cette partie de son personnage fut réécrite. En fait, Flash [Jay Garrick] vibre en permanence troublant ses traits de manière à ne pas être reconnu.

Cet aspect masqué va poser des problèmes au personnage lors de son introduction en France. Car Flash [Barry Allen] ouvre également la période du silver age en France. En effet, en janvier 1962, l’éditeur nordiste Artima change d’orientation une de ses publications historiques. Le petit format Flash, qui racontait les aventures d’un journaliste, devient au numéro 33 le magazine quasiment attitré du super-héros éponyme. Il ne s’agit de la deuxième fois qu’un magazine prend en France le nom d’un super-héros (même si au cas d’espèce il s’agit plutôt d’un « raccord »). L’unique exemple avait jusqu’alors été la collection de Récits Complets Capitaine Marvel de la S.A.GE.. (cf. French Collection #47).

Plutôt bien traité, tant du point de vue de la qualité des reproductions que de la traduction, le rapide écarlate connaît pourtant dès sa première publication une particularité. Dans cette aventure, Flash [Barry Allen] combat des créatures nuageuses. Son problème est que ne volant pas il est incapable de les atteindre. Il cherche donc pendant tout l’épisode le moyen d’atteindre l’altitude des nuages. Il y parvient en utilisant la technique du ricochet. En sautant d’une falaise il progresse par bonds en sautant de nuage en nuage.

Le lecteur de l’époque a tout de même dû être surpris par cette technique puisque tout au long de l’aventure Flash [Barry Allen] apparaît avec des réacteurs dans le dos (un peu comme Adam Strange qui était publié à la même époque dans Sidéral 1ère série) très maladroitement redessinés. Il faut sans doute rechercher la solution de cette énigme dans la crainte d’un avis défavorable de publication du personnage pour cause « d’extravagance ». En effet, Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse n’aime pas les héros masqué car ils font, selon les censeurs, l’apologie de la lâcheté (en fait la loi est un moyen de protection corporatiste mis en place notamment par les associations familiales chrétiennes et le Parti Communiste Français).

De plus, toujours pour les censeurs, leurs exploits n’avaient aucun sens et était corrupteurs pour l’esprit des jeunes.

Flash [Barry Allen] pouvait courir sur les murs et jouer à saute mouton sur les nuages alors que son adversaire The Trickster (traduit par Le Tricheur) par exemple pouvait marcher dans les airs. C’est sans doute pourquoi l’éditeur commença à exécuter des retouches en couvertures pour expliquer que les personnages volaient (la comparaison de la couverture du Big Boss 1ère série n° 66 et du cahier intérieur est très révélatrice).

Le fait de voler comme un oiseau posait visiblement beaucoup de problème à la commission. Les exploits de Superman en son temps avaient de la même manière été qualifiés d’inepties par le corps enseignant. Sans doute qu’Artima naviguait un peu à vue et avait retouché l’épisode « préventivement » pour éviter tout problème.

Mais comme la couverture de Big Boss 1ère série n° 66 le montre, le fait de voler n’était pas le seul problème. Les masques en étaient un autre et de loin (rappelons nous que les autorités d’occupation nazies avaient exactement le même problème vis-à-vis de Batman en 1940). . Les premiers épisodes ne comportent pourtant pas de corrections des masques.

Le masque de Flash [Barry Allen], mais également de ses ennemis, allait petit à petit disparaître tout d’abord des couvertures. Puis, dès juillet 1962, les retouches contaminent l’intérieur des publications et Flash [Barry Allen] perd son masque au profit de retouches malheureusement extrêmement laides qui laissent même à penser qu’il porte une sorte de masque de tragédie vénitienne.

Mais peu importe, non seulement le personnage perdurera, avec toute la complexité que nous allons explorer dans d’autres chroniques, mais il connaîtra un tel succès qu’il s’affranchira de l’avis de la commission de surveillance pour retrouver son masque. Car le personnage deviendra l’une des vedettes de l’éditeur Artima / Arédit à tel point que des collections entière porteront son nom.

Il est alors d’autant plus étonnant de se rendre compte que son origine sera publiée pour la première fois en France par un concurrent d’Artima. C’est en effet Sagédition (ancêtre de la S.A.G.E.) qui publie les aventures de Superman et Batman qui consacre une couverture (et une partie de l’intérieur) d’un de ses magazines au rapide écarlate.

Le renouveau des super-héros en France inauguré par Flash [Barry Allen] n’allait plus connaître d’arrêt jusqu’à nos jours. Il est à remarquer que comme pour la période du golden age français que nous avons étudié précédemment c’est l’éditeur DC Comics qui apportera énormément de matière bien avant l’arrivée de Marvel Comics près de sept ans après ce numéro de janvier 1962.

[Jean-Michel Ferragatti]