Avant-Première VF: Review Conan le Cimmérien – La fille du géant du gel

Avant-Première VF: Review Conan le Cimmérien – La fille du géant du gel

7 décembre 2018 Non Par Xavier Fournier

Mercredi prochain, Glénat publiera un nouveau tome de son interprétation de Conan le Cimmérien, le célèbre personnage de Rober E. Howard. Cette fois c’est le scénariste/dessinateur Robin Recht qui s’active aux manettes pour mettre en image l’une des nouvelles les plus marquantes du héros barbare. Une sortie qui tombe à pic pour l’hiver…

Conan le Cimmérien - La fille du géant du gelConan le Cimmérien – La fille du géant du gel [Glénat]
Scénario de Robin Recht (d’après Robert E. Howard)
Dessins de Robin Recht
Parution en France le mercredi 12 décembre 2018

« La fille du géant du gel », ce n’est pas n’importe quelle saga de Conan. Non seulement pour les fans d’Howard de la première heure mais aussi pour ceux qui ont abordé le barbare via ses premières adaptations en comics. A comparer, le texte d’origine de « Au-delà de la Rivière Noire » (thème du précédent volume) éveille sans doute des choses beaucoup moins distinctes auprès du public. La fille du géant de gel, on l’a déjà vu représentée au début des années 70 sous le crayon de Barry Windsor-Smith (dans Conan The Barbarian #16, 1972). Plus près de nous, Kurt Busiek et Cary Nord en ont donné leur propre version il y a une quinzaine d’années, chez Dark Horse. Cette fille venue du froid n’a sans doute pas la renommée des « clous rouges », mais elle n’est pas loin derrière (l’ironie étant qu’elle n’a jamais été publiée sous sa forme « conanesque » du vivant du romancier, l’histoire ayant d’abord été refusée par Weird Tales). Autant dire que la tâche qui incombe à Robin Recht n’est pas mince. Peut-être encore plus puisque l’artiste occupe la double casquette d’adaptateur du scénario et de la mise en image. Pourtant, il y a dans le récit d’Howard la mise en scène d’une fascination que le jeune Conan éprouve pour cette femme envoutante. C’est une véritable sirène des glaces, que les guerriers peuvent poursuivre jusqu’à se perdre, à jamais, dans le baiser du froid. Et c’est cette fascination que l’artiste français sait exprimer à merveille en donnant au cadre, au contexte, la grandeur des forces de la nature.

« Regarde autour de toi, guerrier ! »

Le Conan de Recht? Il est là. Il est massif. Il fait le job. Il a même un casque à cornes, encore qu’il tienne plus du « Death God » de Frazetta que de la version de Windsor-Smith. Face à lui, la rousse incendiaire, au corps blafard, installe un contraste saisissant. Mais la force de la version de Recht est de saisir qu’il y a, dans le récit, un discours à deux niveaux. Il y a les pérégrinations de Conan face à l’une des femmes les plus marquantes de l’œuvre d’Howard. Mais la fille du géant du gel, c’est aussi l’homme face à l’immensité et à l’amoralité de la nature. L’artiste installe de véritables respirations graphiques. Au-delà de la confrontation des personnages, il y a des pages entières et des doubles pages qui montrent l’homme égaré, silhouette, ombre ou même point microscopique dans des pentes enneigées, tout seul face à la Montagne, à l’Hiver. Niveau dialogues, Recht est adepte d’un ton plus soutenu, plus direct, plus « vert ». Ses barbares le sont vraiment, ses guerriers ne donnent pas dans la dentelle. Ça jure et ça pisse. Comme ça le devrait, d’ailleurs. Au carrefour des influences, l’auteur lorgne aussi bien sur des recettes américaines que sur la fantasy européenne ou, par petites touches, un voisinage avec le manga. Le seul *petit* reproche qu’on pourrait lui faire, c’est une mise en forme qui tire justement vers certaines bd asiatiques. Ce qui n’est pas un mal en soi mais, tout simplement, en reprenant le principe de larges bulles éclatées quand les personnages crient ou haussent le ton il en vient parfois à prendre une place un peu trop large sur un dessin qui gagne à respirer. C’est toute sa force, en définitive: « La fille du géant du gel » de Recht, c’est un Conan brutal comme il se doit, qui erre dans un univers qui respire comme rarement.

[Xavier Fournier]