Batman : Ashes To Ashes

12 juin 2009 Non Par Comic Box

Batman : Ashes To Ashes[FRENCH] Ces dernières années, après que des réalisateurs comme Sandy Collora (« Batman: Dead End ») aient relancés le genre, les fanfilms sur les super-héros se sont multipliés. Au point que – parfois – on a un peu l’impression de découvrir la parodie de la semaine où l’essai plus ou moins adroit de quelqu’un bien plus fan qu’inspiré. Et un jour on voit passer un lien avec une image sombre de Gotham, sur un fond d’un rouge crépusculaire et on tombe, sans s’y attendre, sur « Batman: Ashes To Ashes » court-métrage que deux tourangeaux (Julien Mokrani & Samuel Bodin) ont mis sur pied comme un pari un peu fou.

Ce film d’une quinzaine de minutes est visible depuis quelques jours sur Dailymotion et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il cultive les influences comics. Oui, bien sûr, on sait, avec Batman dedans, il aurait été idiot de s’attendre à des références sur la culture des roses en Ardèche. Mais force est de constater qu’au fur et à mesure que les plans se succèdent on reconnait des clins d’œil appuyés à des auteurs comme Frank Miller ou Bill Sienkiewicz. Et ça, c’est juste pour commencer. « Batman: Ashes To Ashes » est aussi halluciné qu’hallucinant, c’est beau, c’est trash, c’est provo et, forcément, nous avons voulu en savoir plus. D’où quelques questions aux auteurs (une fois que vous aurez visionné le film ci-dessous)…

Comment en êtes-vous venus à tourner un film sur Batman ?

Julien Mokrani: A l’origine… voilà comment ça s’est passé… Samuel et moi, nous passions une passe un peu compliquée professionnellement. On entrait dans l’été et on n’avait aucune perspective sur les mois à venir. Et ce n’est pas au mois de juillet que tu vas trouver du taff pour le mois d’août. Donc on s’est dis que pour s’occuper la tête, il fallait qu’on se lance dans un truc de fou. Et qu’est-ce qu’il y a de plus fou que s’imaginer aux commandes d’un film de Batman ? Samuel avait écrit un projet de film long métrage qui se passait à Gotham. Mais ça le spectateur ne le découvrait qu’au bout d’une heure. Bien sûr, c’était un film impossible à faire dans l’état mais ça nous a donné un point de départ. Et puis c’était fou dans le sens ou tourner des scènes à Tours et donner l’impression qu’on est à Gotham, ce n’est pas franchement ce qu’il y a de plus évident. Mais voilà, quand tu es jeune tu as des prétentions, tu ouvre ta gueule sur comment les choses seraient si on te laissait faire… A un moment il faut passer à l’acte pour voir si tout ça  n’était pas du flan. Alors nous nous sommes dis « faisons-le ».

Samuel Bodin: Nous sommes des autodidactes. Nous n’avons pas du tout fait d’études dans l’audiovisuel. Je suis comédien mais on va dire que j’étais plus dirigé vers le théâtre. Julien avait plus touché à des choses relatives à la post-production ou la photographie. C’était aussi un défi en ce sens. C’était aussi un défi d’utiliser un fond vert pour les décors. Personnellement je n’étais pas très fan de cette technique… Mais on va dire qu’un tel projet, ça fait digérer les techniques (rires).

Utiliser Batman, c’est utiliser un personnage qui appartient à DC Comics et donc à Warner, ca n’a posé de problème pour mener à bien votre projet ?

Julien Mokrani: Batman, Warner et DC ca ne pose pas de problème… dans le sens où rien n’est négociable. Nous ne sommes pas les premiers à faire un fanfilm et ce n’est pas un projet commercial. On n’a pas fait ça pour gagner de l’argent. Je dirais même au contraire qu’on a tous dépensé de l’argent là-dedans, même les techniciens. Pour manger, il fallait qu’ils mettent la main au porte feuille. Mais on a réunit des gens qui avaient envie de s’investir dans ce projet, entre autre chose parce qu’ils étaient fans de Batman ». On n’a piégé personne (rires).

Samuel Bodin: Il faut dire aussi qu’à un moment nous avions travaillé sur un projet qui faisait 25 minutes. On a du finalement ramener ça à 15 minutes pour des questions de temps et d’argent.

Le Batman que vous vouliez représenter, c’était plus le Batman d’Hollywood ou bien celui des comics ?

Samuel Bodin: A la base, ce qui nous intéressait c’était un angle totalement différent. Ce que nous voulions représenter, ce sont trois petits gangsters qui sont poursuivis par une ombre meurtrière qui avait pété les plombs. Notre Batman à nous, il hurle, il est bestial… On a même sans doute été un peu trop loin des fois. Mais on s’est énormément inspiré de certaines références visuelles comme le Gotham by Gaslight de Mike Mignola. Et puis par endroit on s’est rapproché de Tim Sale ou bien sur de l’univers graphique de Frank Miller.

Julien Mokrani:
Le gros du boulot a été de digérer l’inconscient collectif. Niveau influences visuelles, je dois dire aussi que je n’ai pas m’empêcher de m’imprégner du « Batman Animated ». Il y avait aussi des choses que je voulais mettre en image que je n’avais jamais vraiment trouvé dans les comics. J’avais cette vision personnelle d’un Batman avec de très grandes oreilles, qui lorgnerait sur un style à la Sam Kieth ou ce qu’aurait pu faire Gabriele Dell’Otto sur Batman: Europa (projet qui semble hélas passé à la trappe).

Il y a des moments où on nage un peu un peu dans les effets à la Méliès. On ne sait plus très bien ce qui a été filmé ou ce qui tient du graphisme…

Julien Mokrani: Comme je le disais plus tôt, je suis très intéressé par l’expressionnisme allemand. La barrière entre le vrai et le faux, quand tu arrives à la perdre, ca devient quelque chose de jubilatoire.

Comment travaillez-vous ? L’un est plus scénariste tandis que l’autre est le réalisateur du duo ?


Samuel Bodin:
On se divise la narration. J’écris mais avec lui sur le dos. Sur le plateau, on est ensemble autant techniquement qu’avec les comédiens. Par contre dès qu’on entre dans la post-production et les effets spéciaux, c’est Julien qui mène la danse.

Vous êtes passé par une souscription pour financer en partie votre projet…

Julien Mokrani: Entre le moment où on s’est dit « on le fait » et le moment où on s’est retrouvé sur le plateau, il a du se passer à peine 30 jours. Entretemps il a fallu monter le projet, faire le casting, recruter 25 personnes… On a profité de l’annulation d’un autre tournage dans la région, on a donc profité de l’énergie des gens disponibles. Mais c’est vrai qu’on avait besoin de 3 000 euros pour le premier tournage. Alors on a fait un peu le tour de toutes les bonnes volontés. On a été voir quelques boutiques de comics du coin, on a demandé l’aide de plusieurs fanboys. D’ailleurs là en ce moment on est en train de préparer les DVD qu’on leur avait promis. Mais sur l’ensemble du film la souscription doit représenter 15% du budget global (10 000 euros). Après nous sommes allé voir plusieurs sociétés de prod qui avaient besoin de « plans démo ». Plus tard nous sommes allés à Cannes taper à quelques portes, comme celle d’Olivier Bach, de Bach Films ou Eric Fantone, de Mu Films. En plus des frais de tournage à proprement parler nous avons aussi eu des dépenses pour la post-production qui s’est étalée sur deux ans parce que nous n’étions que deux à travailler dessus (disons qu’en fait elle représente 4 à 5 mois de travail continu alterné avec des périodes de taf alimentaires parce qu’il faut bien manger)…

Finalement le résultat final ressemble à ce que vous imaginiez en vous lançant dans l’aventure ?

Samuel Bodin: Sur certaines petites choses, oui, en particulier des passages qui évoquent des ambiances à la Nosfératu. Je suis très fan des vieux films et du cinéma expressionniste allemands. Des fois nous avons été très agréablement surpris par ce que nous avons obtenu. D’autres fois, ça a été l’inverse. On allait droit dans le mur, ces éléments ne ressemblaient pas du tout à ce que nous voulions. Il a fallu refaire certaines choses…

Julien Mokrani: Il faut dire aussi que quand vous tournez sous un préau d’école primaire, avec la lumière naturelle, en espérant que ça ne se passe pas trop mal, il y a un moment où ça vous rattrape. Avec Fabien Dubois, qui à travaillé à la supervision des effets visuels, on a parfois du trouver des solutions de dernière minute pour maintenir l’homogénéité.

Contents des réactions depuis que le film a été présenté au public ?

Julien Mokrani: La réaction est exactement celle qu’on attendait et qu’on désirait. L’important c’est que cela ne laisse pas indifférent : Il y a des gens qui en sont vraiment très contents. D’autres qui ne sont pas content du tout, mais alors pas du tout. Mais globalement tout ça permet de recevoir beaucoup de critiques qui nous permettent d’avancer. On voit les zones d’ombres qu’on aurait du éclaircir… Cela dit c’est vrai que parfois nous sommes tombés sur des gens super-virulents, qui ont parfois été dérangés par certains plans.

Samuel Bodin: Mais nous voulions vraiment montrer que le Joker était le plus grand psychopathe qui soit. Et Harley Queen, c’est la femme qui a décidé de sortir avec ce psychopathe. Ca ne se fait pas juste comme ça, d’un claquement de doigts. Quand le Joker s’amuse, il est capable de tuer un enfant. C’est forcément trash.

Julien Mokrani: On a énormément travaillé sur cette scène. Doit-elle exister ? Comment ? Est-ce qu’on la garde ? Et pour les raisons qu’a énoncé Sam, nous l’avons gardé. C’est LA scène qui fait naitre Harley.

Samuel Bodin: Globalement ça nous a beaucoup appris et grâce à cette expérience nous avons aujourd’hui beaucoup de projets, y compris des projets de longs métrages mais cette fois pas forcément liés aux Comics.

Julien Mokrani: Même si les comics ne sont jamais bien loin depuis Ashes to Ashes…

[Propos recueillis par Xavier Fournier]

Plus d’infos: http://www.ashestoashes-themovie.com/