Review: Spider-Man : No Way Home
14 décembre 2021Cela fait longtemps qu’on l’attendait ce dernier épisode de Spider-Man réalisé par Jon Watts. La Covid étant passée par là, la sortie du film a été maintes fois repoussée. Voilà donc plus de deux ans qu’on avait laissé le Tisseur et sa bande dans le MCU. Présenté comme un « Endgame » pour Spidey, No Way Home repose sur le fan service et la nostalgie. Mais est-ce que cela suffit à en faire un bon film ? La review qui suit ne contient pas de spoilers (dans la mesure où vous avez déjà vu les bandes-annonces ou les posters du film).
On avait laissé Peter Parker (Tom Holland) bien mal en point, à la fin de Far From Home. J. Jonah Jameson (JK Simmons), rédacteur en chef de TheDailyBugle.net révélait l’identité secrète de Spider-Man au monde entier, tout en l’accusant du meurtre de Mysterio (Jake Gyllenhaal). L’action reprend juste après cette annonce et Peter doit faire face à la réaction des new-yorkais… et des forces de l’ordre. Heureusement, tête-de-toile a des amis puissants et il décide de s’adresser au Docteur Strange pour effacer son identité au monde entier. Les choses ne se passent pas comme prévu et de nouvelles menaces interdimensionnelles débarquent. Spidey aura besoin de toute l’aide possible pour en venir à bout !
NOSTALGIIIIIIE (air connu)
Ce n’est pas un secret de révéler que No Way Home joue beaucoup avec le passé cinématographique de Spider-Man. Pour preuve, les principaux vilains sont issus des Spider-Man de Sam Raimi et des deux Amazing Spider-Man, comme l’ont montré les différentes bandes-annonces. Et pourquoi pas, me direz-vous ? Le MCU a récemment dévoilé le concept du multiverse dans Loki (et reviendra dans Doctor Strange in the Multiverse of Madness). C’est un bon moyen pour Kevin Feige et ses troupes d’intégrer d’anciens concepts/films/séries TV au sein de leur propre franchise créé il y a plus de dix ans. On retrouve donc avec plaisir Alfred Molina en Doctor Octopus, Willem Dafoe en Bouffon Vert ou encore Jaimie Foxx en Electro. Jon Watts n’a qu’à utiliser ce qui fonctionnait dans les précédentes franchises, sans avoir besoin de faire face à d’éventuelles critiques s’il les avaient réinventés. Malheureusement, le réalisateur continue d’injecter ses codes dans une quête un peu bancale. Ainsi, quasi chaque scène est ponctuée d’une blague (plus ou moins marrante) pour dédramatiser l’ensemble. OK, les films du MCU aiment mêler action et humour, souvent équilibrés selon le film. Et Spider-Man lui-même est connu pour être un plaisantin quand il affronte les méchants dans les comics. Cependant, dans NWH, on perd souvent l’enjeux et les moments épiques retombent vite à cause de cette humour « bon enfant ».
DERNIÈRE TOILE ?
À l’heure où nous écrivons ces lignes, l’avenir de Spider-Man au cinéma n’est pas encore gravé dans le marbre. Si il y a peu, Amy Pascal, productrice de Sony en charge de la franchise, affirmait qu’une nouvelle trilogie avec Tom Holland était prévue, on apprend que rien n’est défini et que No Way Home sera un bon moyen de sonder le public. Et s’il y a bien une chose qu’on ne peut réfuter dans NWH, c’est que Tom Holland est une très bonne incarnation de Peter Parker, différent de ses prédécesseurs Tobey Maguire et Andrew Garfield. L’acteur a grandi avec la franchise. Dans ce film, on n’a aucun mal à croire que Peter vient de terminer le lycée et va s’envoler vers la fac. Émotionnellement, l’acteur est le plus crédible à l’écran. Face à lui, Willem Dafoe par exemple cabotine ou Jaimie Foxx n’est pas meilleur que dans une pub pour une célèbre marque de PC (à noter quand même que le personnage d’Electro est bien réhabilité). Alfred Molina reste un Octopus crédible et menaçant. On aimerait le revoir dans le rôle… Benedict Cumberbatch montre également une nouvelle fois qu’il est parfait pour le rôle de Stephen Strange et on a hâte de le revoir dans la suite de Doctor Strange. D’ailleurs, on n’avait jamais vu autant de personnages costumés créés par Stan Lee et Steve Ditko réunis au grand écran dans un seul film !
À GRANDS POUVOIRS…
Difficile d’écrire cette review sans tomber dans les spoilers… mais on va s’y tenir ! On en parlait plus haut, le ton toujours léger de No Way Home enlève quelques enjeux dramatiques, nécessaire à captiver l’attention du spectateur. Cependant, tout n’est pas que rigolade et le Tisseur embarque dans un ascenseur émotionnel tout au long de ses presque deux heures et demie. Et il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec la récente relance de la franchise Ghostbusters tant il s’agissait, là aussi, de chercher à satisfaire deux générations de public en utilisant des personnages venus de la vague précédente de films. Et forcément, le registre de la nostagie et les besoins de faire avancer une intrigue contemporaine font que, parfois, on a la sensation d’un grand écart qui, certes, coche un certain nombre de bonnes cases mais tout en laissant par endroits l’impression que tout n’est pas forcément maitrisé. Se voulant comme la fin d’une trilogie, NWH essaie de combler certains manques à la mythologie du héros. Mais, il loupe parfois le coche avec des choses évidentes. Par exemple, le mantra de Spidey « à grands pouvoirs, grandes responsabilités » tombe comme un cheveu sur la soupe au beau milieu du film… Sans vraiment d’explication, alors qu’il aurait si facile de le rattacher à une figure mythique du monde de Peter (même si par la suite, on tente de le justifier). Les clins d’oeil aux fans sont légion. S’adressant aux aficionados de Marvel, ces moments « WOW » parleront aux plus anciens mais pas forcément aux plus jeunes. Même si la vue de certaines scènes mettront des étoiles dans les yeux de tous.
TABLE RASE
Devons-nous bouder notre plaisir un nouvel opus de Spider-Man ? Non, certainement pas. Ni une totale réussite, ni un gâchis complet, No Way Home a le mérite de conclure biens des intrigues laissées en suspens ou mal gérées par le passé. La trilogie de Jon Watts et Tom Holland aura permis au public de voir le héros grandir et murir, pour finalement, donner un Spider-Man plus en phase avec sa version de papier. Tout comme One More Day, une saga très controversée des comics Spider-Man, tout n’est pas à mettre à la poubelle. Cela permet de redéfinir le héros pour de futures aventures… que l’on espère plus adultes avec (seulement) une pointe d’humour, comme peuvent l’être parfois nos histoires préférées de Spidey.
Spider-Man: No Way Home – Réalisé par Jon Watts – Avec Tom Holland, Zendaya, , Jacob Batalon, Benedict Cumberbatch, Marisa Tomei, Jaimie Foxx, Alfred Molina, Willem Dafoe et J.K. Simmons. Sony Pictures Entertainment/Marvel Studios – Sortie au cinéma le 15 décembre 2021
Spider-Man : More Ways to do.
C’est une question qui n’aura pas été posée par les analystes depuis 20 ans, et au delà, à savoir : que faire quand la métaphore sur le difficile passage à l’âge adulte est complètement résolue au bout de un ou deux films ? Alors que des tas de péripéties en stock peuvent être enc utilisées (comprendre : de vilains à affronter et d’argent à cumuler) ?
Même avec le comic Amazing Fantasy 15, tout était déjà clair et net, pas besoin d’en rajouter en fin de compte…
Il faut accepter ce fait, que Peter Parker/Spider-Man est finalement lui aussi une machine à histoires rocambolesques et sisyphéennes, avec une nette tendance pour les gaffes et les catastrophes (en chaînes). On ne peut s’arrêter à une poignée d’aventures avec lui, tout en n’ayant qu’un choix restreint de limites à pouvoir dépasser sans trop le trahir (et sans donc le faire ressembler à un autre type de héros).
Cela implique d’avoir à chaque fois un ou des arcs narratifs à raconter en plus, pour ne pas juste se limiter à cette métaphore de l’âge adulte…
En plus de la sempiternelle histoire d’amour compliquée, on peut évidemment y associer la recherche de mentors, la quête des parents et des origines, trouver sa place dans le monde…
Cette dernière voie est la plus dense car elle suppose dans ce cas de se confronter à ses pairs pas seulement les plus ordinaires, avec qui Peter Parker s’emploiera à créer une petite « brigade de surdoués »… Mais aussi avec des pairs qui représentent quelque chose d’exceptionnel.
Tout ça en n’oubliant pas de vivre dans son époque, plus interconnectée, plus diverse, plus consciente et ironique encore, où même être un peu geek n’est plus synonyme de solitude totale – mais il y a d’autres façons d’arriver à ça.
Faire l’impasse sur la normalisation des super-héros (c’est à dire qu’ils font aussi largement partie du paysage, il n’y a plus de rareté) était impossible, les possibilités associées étaient trop évidentes.
Cela amène ainsi à des films qui n’ont plus besoin de faire des choix précis en fonction de la mise en scène qu’on veut y créer… Mais plutôt l’inverse, faire des films dont la mise en scène doit être le plus possible au service des personnages et de leur cheminement. Pas à l’égo du réalisateur, dont la petite modestie est à l’opposé du nombrilisme ambiant.
La comparaison avec « Avengers Endgame » – faire un gros film conclusif réunissant plusieurs films en un, incluant thématiquement l’Animé « Spider-Verse » – semble à propos tant Jon Watts comme les frères Russo a surtout à se concentrer sur les interactions naturelles des personnages (il a pour ça l’expérience de ses films pré Spider-Man), et à utiliser tous les moyens accordés pour faire liant, tout en s’amusant à foison au passage.
Peu importe qui dans le public ne voudra y retenir que les gags qui cassent volontairement le rythme pour ne pas rester sur un ton uniforme, la majorité sait faire la part et passer outre pendant que le film continue (avec ses multiples caractéristiques à démêler ensuite).
Car les comics d’origine ne sont généralement pas des descriptions littéraires ou des tableaux, mais bien plus des vignettes qui s’enchaînent à grande vitesse.
2 films en un dans les deux précédents volets, à savoir celui sur un Peter Parker jonglant entre ses responsabilités et sa vie d’adolescent léger et naïf.
Et celui, introduit à travers l’arc narratif au long cours sur l’héritage de Tony Stark, axé sur le jugement porté sur ses erreurs par des personnages du MCU.
3 films ici, avec la plus grande concentration de co-créations de Stan Lee et Steve Ditko jamais vue :
L’un (plutôt court) qui raconte la pression médiatique et son tribunal, dans un monde où les menteurs et les charlatans se plaisent à dresser des « camps » les uns contre les autres. Hystérie traumatisante, surtout pour des jeunes gens aux perspectives d’avenir brisées, comme on a pu le voir plusieures fois dans l’Actualité du Réel… il y aurait de quoi faire un film entier là dessus (même avec des super-héros).
Mais en le traitant vraiment à fond, ça aurait été énormément grave et cafardeux, pas du tout adapté à l’optimisme à peine chancelant de Parker. Laissons ça à un quelqu’un d’autre…
Le deuxième film est une classique association/confrontation de héros, pas vraiment dans l’ordre habituel. Mais qui, en montrant une autre chasse à l’homme, place surtout les diverses pièces du troisième film…
Celui-ci est le plus long, le plus explosif, le plus dramatique. Jouant sur la symbolique cinématographique de l’Araignée, plus que « Spider-Verse » (qui n’avait que des personnages inédits), son Fan-service y est preste avec de rapides caméos, ou bien étendu… attendu et plutôt prévisible… utilisant tout l’Historique connu avec plus ou moins de limites :
on voit très bien quels acteurs étaient difficilement disponibles, que des contraintes contextuelles (et secrètes, à rendre fou Tom Holland) sont bien là. Et que même une préparation et une durée plus longue n’empêche pas des approximations visuelles ou scénaristiques, des oublis, des incohérences légères (le nom de famille définitif de MJ) et autres absences familiales cruciales, dûes aussi à des décisions longtemps repoussées.
Mais cela fonctionne, grâce évidemment à un effet nostalgique jamais entièrement gratuit, prétexte à de jolis moments faisant automatiquement monter des acclamations et des larmes aux yeux à beaucoup de spectateurs.
Transcendant le Fan-service grâce à une conscience poussée des comics et des films (à part quelques détails faute de place), et surtout à une grande générosité à laisser la majorité des acteurs faire exister leurs personnages, même s’ils ne sont pas le point central à l’intrigue :
Tom Holland a toute une large gamme d’émotions en plus de sa prestance et de son énergie, et Zendaya lui tient la dragée haute…
Les habitués du MCU sont fidèles à leurs archétypes et font le job….
Les interactions entre les vilains, toutes en instabilités égotiques, ramènent aux heures les plus amusantes des comics…
Les autres « invités » prennent du plaisir car ils sont là sans pression sur les épaules (l’un se détend plus, l’autre retient une émotion prête à déborder).
Et si les femmes dans la Saga de films n’ont pas un rôle plus actif (faute de Spider-Women), Marisa Tomei prend sur ses épaules toute la symbolique dramatique d’une manière inespérée – serait-elle le double de la productrice Amy Pascal ?
Bref, il s’agit d’une sorte de suite générale, permettant d’aller plus loin que ce dans quoi nos revenants étaient circonscrits avant, avec également des décisions radicales et violentes en ligne de mire.
Mais aussi une obsession de complémentarité scénaristique tout à fait geek, verbalisée dans le film de manière un peu ambiguë en tant que « Rectification ». Avec comme parti pris l’analyse des actes et manques passés dans les anciens films (dont le problème de l’identité pas toujours assez secrète de Peter), sous le prisme d’une moralité et d’un humanisme plus concret, réaffirmant de façon encore plus forte à quel point Peter Parker a bel et bien un très grand cœur même si ça ne lui porte pas toujours chance – à moins qu’il ne s’agisse d’un comportement obsessionnel de sa part ?
Également sous le prisme d’une écriture moderne ayant accumulée les détails, les expériences ainsi que les interrogations – pour mieux en laisser de nouvelles, à la fin.
Car chaques solutions dans ces films entraînent continuellement des conséquences futures.
Sisyphéen, toujours.
Les moments terribles sont toujours présents, imprimants une amertume qui reste une constance régulière dans l’identité de Spider-Man.
Cela laissera aussi l’impression d’avoir tourné autour du MCU pendant 5 ans, pour mieux revenir aux bases dramatiques et modestes, comme si ça avait été jusque-là une longue Origin Story.
Et ça a été du bon divertissement, de la joie, de l’émotion, de la gravité, sans être pesant.
Attachement et Fidélité renouvelées avec Plaisir ! ️️