Oldies But Goodies: Reg’lar Fellers Heroic Comics #1 (1940)

Oldies But Goodies: Reg’lar Fellers Heroic Comics #1 (1940)

17 décembre 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] Créateur de Namor le Sub-Mariner en 1939, Bill Everett n’avait pas d’accord d’exclusivité avec Marvel et travaillait donc à l’occasion pour la concurrence. Et Everett était conscient de ce qui avait causé le succès de son héros amphibie chez Marvel. Aussi, pour Eastern Color Printing, il allait créer un autre héros aquatique : Hydroman, lointain ancêtre de la Fathom de Michael Turner. Car à la différence de Namor, Hydroman ne se contentait pas de respirer sous l’eau : Il se transformait lui-même en liquide !

Société méconnue de nos jours, Eastern Color Printing, fondée en 1928, joua un rôle essentiel dans l’histoire des comics américains. D’abord imprimeur Eastern fabriqua, entre 1928 et 1930 le contenu de The Funnies une anthologie de BD tirées de la presse (et éditée par Dell). Le format, en noir et blanc, était différent des comics qui allaient venir, plus proche finalement des périodiques pour la jeunesse qui allaient aussi éclore en Europe. Mais Eastern allait bientôt induire une mutation énorme dans la presse américaine en devenant le premier imprimeur dont les machines permettaient… de mettre de la couleur sur les pages ! Si les comics que vous pouvez voir de nos jours sont en couleurs, si la cape de Superman est rouge et le Bat-Signal est jaune, si Hulk est vert… c’est parce qu’Eastern est passé par là. Oh, bien sûr, si ce n’était pas Eastern qui avait mis en place ce procédé quelqu’un d’autre serait passé par là. L’impression en couleurs existait par ailleurs, il suffisait juste de l’appliquer à la fabrication des comics. Mais la réalité est là, l’arrivée de la couleur dans les comics est passé par Eastern Color Printing… Mais avec le savoir-faire de l’impression de The Funnies et la plus-value de cette couleur, Eastern réalisa bientôt qu’elle pouvait fabriquer ses propres comics sans forcément être le prestataire d’un client externe. En 1933 le pas fut franchi en publiant des fascicules qui se composaient alors de réimpressions de strips déjà parus dans la presse quotidienne. Certaines revues d’Eastern étaient d’ailleurs gratuites : des « plus produits » vendus à des chaînes de stations d’essences qui les offraient alors en cadeau aux enfants de leurs clients. Dès 1934 Eastern commença en prime à faire des « panachés » qui contenaient aussi bien des réimpressions que des histoires inédites.

Côté strips de presse, Eastern récupéra le droit de republier les Reg’Lar Fellers de Gene Byrnes, sorte de « Petites Canailles ». Publiés à partir de 1917, ces lointains précurseurs de la Newsboy Legion ou des Young Allies avaient la particularité de « parler » avec un accent new-yorkais assumé. D’où le titre qui transformait « Regular » en « Reg’Lar ». Le succès des Reg’lar Fellers fut énorme, générant en plus de la BD des émissions de radio, des dessins animés ou encore un film. En Août 1940 Eastern lança donc un comic-book à leur nom, qui réimprimait leurs aventures. Mais l’éditeur se méfia à deux niveaux. D’abord il était dépendant de la licence, qu’il pouvait perdre un jour. Plutôt que de vraiment titrer le magazine « Reg’lar Fellers », Eastern décida de l’étendre à « Reg’lar Fellers Heroic Comics », histoire de pouvoir avoir un plan B. Si on lui retirait les « Reg’lar Fellers », il pourrait toujours continuer son anthologie sous le nom d’Heroic Comics (c’est d’ailleurs ce qui se passa en 1943 quand le magazine continua sous ce titre).

L’autre niveau d’intérêt pour Eastern c’est que les petites fripouilles des strips avaient beau avoir un certain public il y avait aussi l’émergence des « mystery men », ces personnages plus axés action et superpouvoirs. Ce n’est sans doute pas par hasard si on avait choisi ce terme d’Heroic Comics. Dans le bouquet qui allait composer la revue on prit donc le soin d’ajouter des personnages fantastiques, principalement le Hydroman de Bill Everett mais aussi le Purple Zombie de Tarpe Mills (nous reparlerons sans doute du Purple Zombie une autre fois).

Bill Everett avait déjà à son actif la co-création du héros Amazing Man chez Centaur ou de Sub-Mariner pour Funnies, Inc./Marvel. Par la suite il créerait les éphémères Fin (Marvel) et Conqueror (Victory Comics) et, bien plus tard, serait le co-créateur de Daredevil (Matt Murdock). Everett n’était donc pas un monomaniaque des personnages basés sur l’eau (contrairement à ce que certains chroniqueurs peuvent parfois affirmer) et son champ d’action était bien plus large. Ce qui est certain, par contre, c’est que le thème de l’eau occupa dans sa carrière une place non négligeable. Hydroman, la création qu’il plaça chez Eastern, allait donc être une autre variation aquatique… Une situation tristement ironique quand on sait que Bill Everett se débattait depuis l’adolescence avec des problème d’alcoolisme…

Dès la première page les lecteurs font la connaissance d’Harry Thurston. Le narrateur (Bill Everett, sa signature trônant de manière bien visible) nous explique alors plus précisément qu’on va nous raconter l’historie de la grande découverte d’Harry : Hydroman ! Harry est un jeune chimiste qui consacre tout son temps à des activités d’inventeur. Ses deux amis les plus proches, Joyce Church et Bob Blake, tous les deux « très concernés » par cette histoire. Le lecteur peut d’ailleurs s’en douter au premier coup d’oeil : Harry et Joyce sont en petit, en bas de l’image, tandis que Bob est mis beaucoup plus en évidence. Bob Blake fait preuve des caractéristiques physiques propres aux héros d’Everett : un front et des sourcils très développés qui font que Bob ressemble un peu à un Sub-Mariner qui n’aurait pas les oreilles en pointes et qui se coifferait de manière différente. Bob a le même visage que Daniel Lyons (le Conqueror) ou Peter Noble (le Fin). Pour qui connaît l’oeuvre d’Everett, il ne fait pas de doute que malgré ce que nous raconte le paragraphe d’introduction le héros de l’histoire ne va pas être Harry Thurston mais bien Bob Blake qui a toutes les caractéristiques physiques chères à Everett… qui sont d’ailleurs des exagérations de l’aspect que l’auteur avait à l’époque. Bob Blake est donc aussi le portrait craché de Bill Everett.

D’ailleurs le fait qu’il s’agit là d’un avatar d’Everett est encore plus parlant quand on s’intéresse non plus à l’oeuvre mais à la vie de ce scénariste/dessinateur. Descendant du poète anglais William Blake, le nom civil complet de l’auteur est William Blake Everett. Et il lui arrivait d’ailleurs d’utiliser le nom de Blake comme pseudonyme. Dès lors Bob Blake, l’ami d’Harry, s’impose comme une sorte d’avatar de Bill Everett dans l’histoire. Une sorte de projection de l’auteur dans le contexte de la fiction. On ne peut pas exclure qu’Harry et Joyce soient également basés sur des membres de l’entourage d’Everett.

Pour l’instant jouons cependant le jeu d’Everett et concentrons nous sur Harry Thurston, en train de se livrer à des expériences dans son labo. Un avertissement cependant : les aspects de chimie évoqués dans cette histoire ne résistent pas à deux sous de logique. Là, Harry est en train de mélanger le contenu de deux éprouvettes. Son assistant lui crie de faire attention car « ce truc est dangereux ! ». Harry est plus tranquille : « Ne te fait pas de souci, c’est seulement de l’alcool et de l’eau avec un peu d’acide sulfurique… Regardons ce qui va arriver ! ». Et là on peut tiquer une première fois car le mélange d’alcool, d’eau et d’acide sulfurique n’est pas spécialement une expérience inédite. Ce n’est spécialement le genre d’activités qui distinguerait un « inventeur ». Mais qu’importe. Harry fait son mélange et là, le résultat est d’abord de déclencher une sorte d’explosion mais surtout de « muter » la main du scientifique. Elle se retrouve alors transformée en eau. L’événement est assez incroyable mais à partir de là on pourrait imaginer deux situations. Soit l’eau reste « en place » et continue d’imiter la silhouette d’une main. Soit la masse d’eau tombe au sol et Harry se retrouve avec un poignet à vif. Mais la BD choisit une autre option: le poignet d’Harry ressemble à une véritable canalisation percée qui déverser de l’eau autour de lui.

Harry et son assistant sont paniqués. Ils décident d’appeler Bob Blake (plutôt que, oh, disons au hasard, un médecin ou des secours quelconques ?). L’assistant téléphone alors à Blake mais c’est Joyce qui décroche. Ce qui suppose l’existence d’une relation déjà assez avancée entre Bob et Joyce (si elle se permet de réponde au téléphone chez lui à sa place), d’autant plus que Blake est tranquillement en train de lire le journal et n’était pas plus occupé que ça. Joyce et Bob comprennent que la main d’Harry a été détruite dans une explosion. Sans en savoir plus ils foncent au laboratoire de leur ami. Dans la voiture Bob Blake fulmine : « Comment diable a t’il pu faire une chose comme ça ? D’habitude il est très prudent. Et bien sûr il faut que ça arrive au moment où je commençais à l’intéresser à l’affaire des envahisseurs orientaux ! ». La réflexion questionne quand aux activités de Bob Blake. Serait-il une sorte d’enquêteur ? Mais alors en quoi de mystérieux envahisseurs orientaux nécessiterait l’intervention d’un savant qui sait tout juste mélanger de l’eau, de l’alcool et de l’acide ?

Quelques minutes plus tard Joyce et Bob arrivent au laboratoire et trouvent… un Harry tranquille : « Je pense que j’ai fait une découverte importante ! Je viens d’inventer une substance chimique qui a transformé ma main en une fontaine d’eau mais sans provoquer la moindre peine. Il faudra que je vérifie ce que contenait l’éprouvette avant ça ! ». Ca oui, car ce n’est très certainement pas les trois substances indiquées qui peuvent transformer le corps humain en eau ! Pour chercher un remède et guérir sa main (toujours réduite à l’état de filet d’eau), Harry demande à son assistant de lui amener le reste de la mixture. Mais dans sa précipitation l’assistant tombe et le contenu du récipient tombe… sur Bob. Cette fois-ci ce n’est pas seulement une main qui disparaît mais le corps entier de Bob Blake (vêtements y compris). A sa place il n’y a plus qu’une énorme fontaîne d’eau qui devient une flaque. Mais une flaque qui, même privée de cordes vocales, parle : « Bon sang Harry ! Mais qu’est-ce que tu m’as fais ? ». Le dit Harry s’écrie « Vite Tom ! Donne lui l’antidote ! ». On peut là aussi se demander pourquoi, s’il y a un antidote tout prêt, Harry est resté ainsi avec sa main transformée en eau. Mais bref. Tom, l’assistant, renverse un autre produit sur la flaque et bientôt Bob apparaît, reconstitué (et ses vêtements aussi). N’allez pas me demander comment l’antidote peut trouver le moyen de réorganiser d’un côté les composants de la colonne vertébrale du héros sans les confondre avec ceux de sa cravate. Ce n’est clairement pas l’origine super-héroïque la plus crédible que Bill Everett ait écrit.

Une fois reconstitué, Bob Blake a une idée de génie : « C’est un chouette truc, Harry ! Supposons que tu essaie de réparer ta main maintenant ! ». Et bien sûr Harry tente le coup. Et bien sûr la main d’Harry se reconstitue sans problème. Mais le savant n’en a pas fini avec son ami : « Je pourrais injecter un peu de ce truc dans ton sang, Bob, si tu es prêt à faire une expérience ! ». Bientôt Bob est torse nu et reçoit une piqûre du produit pourtant si dangereux. Personne ne semble douter que cette fois il arrivera à maîtriser la transformation. Bob lui-même en est certain : « Cela peut faire un camouflage et une protection. Juste ce dont j’ai besoin pour détruire cette mystérieuse ligue qui tente de ravager le pays ! ». Donc Bob Blake a des pouvoirs à moitié testés mais Harry est déjà passé à l’étape suivante : « J’ai des tenues ici. Qui proviennent de costumes de carnaval… » (car tout bon scientifique garde de quoi se déguiser, on ne sait jamais quand une fiesta de folie peut intervenir au milieu d’une expérience). Harry continue « Pourquoi tu ne parte pas ça en plus d’une paire de bottes ? Ca te permettrait d’avoir l’air de ton rôle ! ». Bientôt Harry propose aussi à Bob son revolver de l’armée ainsi qu’une cagoule d’aviation et des lunettes qui serviront à parfaire le déguisement. La seule à percevoir le ridicule de la situation est Joyce : « Un vrai Robin des Bois ! Tu est cinglé Bobby ! ». Mais son compagnon la reprend : « Il n’y a rien de drôle Joyce ! Cette découverte est vraiment révolutionnaire ! Attends de voir ce que je peux faire avec ça ! A partir de maintenant tu peux m’appeler Hydroman ! ».

Le nom d’Hydroman apparaît logique au demeurant (bien qu’il aurait pu tout aussi bien se nommer Aquaman, nom encore libre à l’époque puisque le héros de DC Comics n’apparaîtrait qu’un an plus tard). Bill Everett avait co-créé Amazing Man, un personnage qui pouvait se transformer en gaz. Hydroman était une sorte de variante aquatique, alors Hydro en lieu et place d’Amazing semble s’expliquer facilement. Mais certains lecteurs se sont aperçus du fait que la fin du nom d’HydROMAN est aussi l’anagramme de « NAMOR ». Bill Everett aurait-il voulu faire une sorte de clin d’oeil à son autre création ? Ou bien l’anagramme est plus ancien et « Hydroman » serait un des titres de travail de Sub-Mariner avant sa parution ? Autre fil directeur dans l’oeuvre d’Everett : la façon singulière dont Bob Blake est vêtu pour jouer les super-héros. Sauf exception, le Everett du Golden Age ne s’intéressait pas vraiment au costume typique des super-héros (encore que certains épisodes de son Sub-Mariner le montrent dans une tenue proche de celle de superman, avec une tunique bleue et une cape rouge). Si on peut noter que The Conqueror et The Fin portent des uniformes très couvrants, Amazing Man, Hydroman ou Namor sont eux plus du genre à porter de simples caleçons (longs ou courts selon le cas). Dans le cas d’Hydroman, cela donne un improbable mélange qui aurait la tête d’un aviateur et le corps d’un marin…

Bientôt les « envahisseurs asiatiques » (on aura tout le loisir d’observer la phobie anti-asiatique dont semble faire preuve l’épisode, mais elle n’était pas rare dans les comics de l’époque) tiennent conseil dans la cave d’un vieil immeuble. On comprendra rapidement que les envahisseurs en question sont la version fantasmée de chinois, qui entendent bien diriger Chinatown et sont en train de marchander avec des gangsters « locaux ». Par « fantasmée » il faut comprendre que le costume des envahisseurs a tout d’une tenue d’extra-terrestre, digne d’adversaires de Flash Gordon. Visiblement Bob Blake avait appris l’existence de cette réunion avant le début de l’épisode car il se rend directement à l’endroit où elle a lieu. Il neutralise un garde et fait irruption dans la pièce, l’arme à la main. Bien sûr les gangsters ne sont pas d’humeur causante quand ils voient cet étrange bonhomme arriver. L’un d’entre sort son revolver et lui tire dessus. Mais heureusement Hydroman a le temps de se transformer en fontaine d’eau avant que la balle ne le touche. Bientôt l’eau prend la forme d’une vague, qui noie et plonge dans le coma son agresseur. Les hommes ne sont tout simplement pas de taille à affronter Hydroman. Mais bizarrement le héros, qui reprend son apparence humaine, décide de ne pas profiter de son avantage : « Attendez ! Je vais vous laissez partir mais je veux que vous préveniez votre chef… Dites-lui qu’Hydroman est sur sa piste ! ». Un des « envahisseurs asiatiques » n’est pas impressionné : « Bah celui qui est grand (en VO, le « Great One ») est trop puissant pour toi ou tes compatriotes ! Hors de ma vue ! ». Tout ce que le chinois y gagne, c’est de recevoir un coup de point de la part d’Hydroman : « Pas si vite ! Je suis un américain tout comme le reste de mon peuple ! Et les américains ne perdent pas ! Dis ça à ton boss, imbécile ! Je vous laisse mais souvenez-vous qu’Hydroman ne laisse jamais rien sans revenir le terminer ! ».

Cette menace mettait fin au premier épisode d’Hydroman mais pas à cette aventure, qui allait continuer dans les mois suivants. Par la suite Bob Blake n’allait cesser de trouver de nouveaux dérivés à ses pouvoirs. Par exemple dans un des épisodes suivants il se matérialise dans un verre dans lequel un criminel allait boire (le scénario insinuant ainsi que le héros peut se matérialiser partout où il y a un peu d’eau). Dès Reg’lar Fellers Heroic Comics #2, Bob irait faire son compte-rendu à Harry et Joyce, en expliquant qu’il avait failli être touché par une balle (même quand on peut se transformer en eau, encore faut-il avoir la rapidité de réflexe nécessaire pour le faire avant que la balle arrive). Pas de problème, Harry lui composerait alors un ultime élément de son costume : une sorte de chemise transparente faite de « translite » : « C’est transparent comme du cellophane mais résistant. Rien ne peut le pénétrer, pas même les balles ! ». Avec cette nouvelle variante de son costume, Hydroman pourrait retourner affronter les orientaux. Car la série allait continuer à utiliser la « peur du péril jaune ». Dans ce deuxième épisode Hydroman explique ainsi à Joyce que « ces envahisseurs semblent être d’une race bâtarde de l’Orient ! Il y a des milliers d’entre eux dans la ville et chaque jour il en arrive encore plus ». Un discours très xénophobe, donc. Mais il apparaîtrait finalement plus tard, dans le troisième épisode que ces « orientaux » au costume grotesque travaillaient en fait avec des militaires visiblement allemands (et peut-être aussi des soviétiques) installés au large du port de New York. En 1940 Bill Everett compose donc déjà quelque chose qui ressemble aux forces de l’Axe si ce n’est qu’en lieu et place des japonais on trouve ces chinois d’opérette.

La mention du « Great One » dans le premier épisode semblait renvoyer à Amazing Man… dont l’adversaire principal était « The Great Question ». Qui plus est dans les pages d’Amazing-Man Comics #13 (juin 1940, c’est à dire quelques semaines à peine avant la sortie première d’Hydroman) un héros secondaire nommé Scarlet Ace affrontait un certain Great One qui portait le même genre de tenue que le Great Question. Le fait que les orientaux fassent référence à un « Great One » dans Reg’lar Fellers Heroic Comics #1 semble indiquer qu’Everett utilisait une logique identique à son Amazin Man (ou peut-être que dans un premier temps Hydroman avait été pensé pour être vendu à l’éditeur d’Amazing Man, Centaur, fonctionnant ainsi dans un même univers partagé ?). Mais on ne saura jamais vraiment qui était le Great One si puissant qu’il ne craindrait pas Hydroman. Au final le héros se contenterait d’arrêter un très conventionnel gang de saboteurs. Peut-être aussi tout simplement qu’entre le moment où il avait lancé la production et la parution de Reg’lar Fellers Heroic Comics Bill Everett avait noté l’apparition de l’ennemi du Scarlet Ace et avait préféré oublié sa version du Great One.

Par contre l’auteur allait donner à Hydroman ce que Namor ou Amazing Man ne possédaient pas. En tout cas pas à l’époque : un sidekick. Chose rare, le sidekick ne posséderait pas les mêmes pouvoirs que son mentor et aurait une origine distincte. On ne serait pas dans un cas à la Human Torch/Toro ou même Captain America/Bucky : Dans Reg’lar Fellers Heroic Comics #14, Bob Blake fit la connaissance de Rainbow Boy, le garçon arc-en-ciel, qui possédait des pouvoirs basés sur la lumière (en un sens plus proches de ceux d’un Green Lantern). Bill Everett dessina Hydroman en parallèle de ses activités chez d’autres éditeurs (et donc de son Sub-Mariner chez Marvel) jusqu’à Reg’lar Fellers Heroic Comics #15 (1942) date à laquelle il fut appelé sous les drapeaux et cessa donc de produire des bandes dessinées (il ne s’y remettrait qu’en 1946). Mais Eastern trouva assez d’intérêt à Hydroman pour continuer à commander des épisodes, réalisés par d’autres auteurs. Les successeurs d’Everett ne s’intéresserait guère à Rainbow Boy, qui disparaîtrait au bout d’une demi-douzaine d’épisodes. Par contre la carrière d’Hydroman allait ainsi se poursuivre jusqu’en 1945… Ce qui mine de rien pour l’époque n’est pas rien. Bon nombre de super-héros de la première génération n’ont pas connu une telle longévité. Et de fait Hydroman est par ordre d’importance, juste derrière Sub-Mariner et Aquaman, le troisième héros aquatique du Golden Age. Bien qu’il n’ait pas forcément laissé un souvenir très durable, il est cependant très difficile de croire que la ressemble entre l’Hydroman de Bill Everett et celui publié à partir de 1981 par Marvel est purement accidentelle. Bien qu’il s’écrive « Hydro-Man » avec un trait d’union, Morris Bench, adversaire de Spider-Man a relativement les mêmes pouvoirs que ceux de Bob Blake. A l’époque l’Homme-Sable (ennemi habituel de l’homme-araignée) s’était racheté et était passé dans le camp des bons. Il est certain qu’en écrivant The Amazing Spider-Man #212 (première apparition d’Hydro-Man) Dennis O’Neil cherchait à mettre au point une sorte de remplaçant à l’Homme-Sable. Mais dans le même temps on ne peut pas croire que le nom vienne d’une pure coïncidence.

Plus récemment Hydroman (Bob Blake, pas la version de Marvel) a refait son apparition chez Dynamite, dans la série Project Superpowers. Au même titre que d’autres héros, il a séjourné dans une urne mystique pendant des décennies avant de refaire surface dans un monde moderne dirigé par les corporations. Bob Blake s’est alors allié à d’autres héros du Golden Age comme Black Terror ou The Flame. Rainbow Boy aussi a été piégé dans la même urne et a donc à son tour refait surface. AC Comics a également republié une de ses aventures. En fait, les droits les concernant n’ayant pas été renouvelés, ils appartiennent désormais au domaine public américain et font partie des personnages que n’importe quel éditeur peut utiliser outre-atlantique. De fait, Hydroman devrait figurer en bonne place dans « Amazing Mysteries », le premier tome des « Archives » que Blake Bell consacre à l’auteur. Hum… William *Blake* Everett, Bob *Blake*, *Blake* Bell ??? Trève de plaisanterie on recommandera aussi à toute personne intéressée par Bill Everett la lecture de Fire & Water, l’imposante biographie que Blake Bell a consacré à ce créateur…

[Xavier Fournier]