Oldies But Goodies: Doll Man #37 (Dec. 1951)

Oldies But Goodies: Doll Man #37 (Dec. 1951)

2 juin 2012 Non Par Xavier Fournier

[FRENCH] Principal héros « microscopique » du Golden Age, Doll Man fut aussi une des figures les plus durables de Quality Comics (avec Plastic Man ou Blackhawk), sa série survivant jusque dans les années 50. Mais à la différence de ses éminents collègues, l’Homme-Poupée tenta de trouver un nouveau souffle avec l’arrivée d’un faire-valoir féminin, Doll Girl, à travers des origines plus ou moins tarabiscotées…

Quand les lecteurs avaient fait pour la première fois la rencontre de Doll Man, en 1939 (Feature Comics #27), les choses étaient simples : Darell Dane faisait partie de ces super-héros à l’origine scientifiques dont les pouvoirs ne devaient rien au hasard ou à la magie. Il avait créé un fluide qui, après ingestion, lui avait permis de s’auto-miniaturiser jusqu’à une taille de quelques centimètres. Passé un effet secondaire néfaste (une crise de folie meurtrière qui avait duré quelques cases) parce que « son esprit avait réduit également », Doll Man était « rentré dans le rang » et avait commencé à écrire les règles d’un nouvel archétype de « micro-héros », règles que suivraient par la suite d’autres personnages comme le Atom du Silver Age (Ray Palmer) ou Ant-Man. Mais les origines de Doll Man ouvraient aussi d’autres possibilités. Si on ne s’arrête pas à ses pouvoirs, Darrel Dane appartenait à la même caste que d’autres super-scientifiques des comics de l’époque. Des héros comme Bulletman (Fawcett Comics) ou Rocketman (Harry Chesler Publications) avaient eux aussi créés par la science les conditions qui leur permettaient d’être des super-héros. Ils étaient le fruit d’un processus qu’on pouvait reproduire. D’ailleurs cela n’avait pas manqué : Bulletman avait partagé son secret avec sa fiancée qui était devenue Bulletgirl. Rocketman en avait fait de même avec la femme de sa vie, devenue fort logiquement Rocketgirl. Chez DC, bien que sa nature (liée à la réincarnation) laisse une bonne place au mysticisme, Hawkman avait partagé le secret du « métal Nth » avec sa future épouse, faisant d’elle Hawkgirl.

Chez Quality Comics on était un peu plus réfractaire à ce processus. D’une part la firme avait préféré inventer dès 1941 des héroïnes originales comme USA the Spirit of Old Glory, Miss America, Phantom Lady ou Wildfire qui, toutes, devançaient la création de Wonder Woman. En un sens même, on pourrait dire que Quality Comics avait démarré trop tôt et trop fort sur le concept des super-héroïnes. L’éditeur s’était cassé le nez à des degrés divers sur les personnages féminins et n’y portait plus guère d’attention. De ce fait, quand beaucoup d’éditeurs procédèrent à une féminisation partielle de leur gamme vers 1947-1950 (à la manière de Marvel/Timely qui lança en l’espace de quelques mois Blonde Phantom, Golden Girl, Namora et Sun Girl), Quality résista à l’appel de ce genre de sirènes. La seule exception fut Lady Luck, sort de Spirit au féminin inventé par Will Eisner et Chuck Mazoujian. Mais cette bande dessinée avait un statut très particulier. Ce fut d’abord un strip publié entre 1940 et 1946 dans la presse et non pas dans les comics. Quality publia surtout des reprints de Lady Luck. L’équation n’était pas la même. Après que l’éditeur ait décidé de produire des histoires inédites de Lady Luck, la série s’arrêta en l’espace d’une poignée de numéros…

Dans les années 50 cependant Quality se posa la question de l’expansion de l’univers de ses héros survivants. Il s’agissait sans doute de les rendre plus ludiques. Ainsi, pour en revenir à l’Homme-Poupée, dans Doll Man #31 (1950), le héros se pris d’amitié avec un grand chien, Elmo The Wonder Dog, qui pouvait lui servir de moyen de transport quand l’homme se miniaturisait (auparavant il était courant que Doll Man se déplace sur le dos d’oiseaux. On se demandera comme les oiseaux aussi bien que le chien peuvent supporter son poids, qui n’est pas supposé changer). Les enfants aimaient les animaux, ajouter un élément canin à la série allait sans doute dans le sens de dynamiser les aventures de Doll Man, en lui donnant un compagnon à qui il fallait parler pour donner des ordres. Il convient d’ailleurs de se demander si la présence d’Elmo dans la série ne provient pas d’un jeu de mots. Elmo était un dogue allemand, race aussi surnommée « Grand Danois », soit… Great DANE en anglais. Tandis que l’identité de Doll Man était Darrel DANE. Donc à partir du #31 on a un héros nommé Dane qui a la particularité de devenir petit et qui chevauche un « Grand Dane »…

La féminisation, elle, s’avérait plus problématique. On ne sait pas très bien si l’équipe éditoriale s’est posé la question formelle d’une série à féminiser. Ce qui est certain c’est que par la force des choses les autres séries se prêtaient moins à l’apparition d’équivalents féminins durables. Blackhawk et ses amis aviateurs étaient des héros guerriers et, selon les conventions de l’époque, la guerre n’était pas la place d’une femme. Plastic Man posait un autre problème : On aurait pu faire tomber une femme dans le même bain chimique qui lui avait donné ses pouvoirs et créer ainsi Plastic Girl. Mais Plastic Man était un héros très physique, qui se servait de son corps pour emprisonner ses adversaires. Il n’était pas rare de le voir prendre la forme d’un boa pour enserrer des bandits. Une Plastic Girl qui se serrait servit d’un corps élastique de la même manière aurait sans doute érotisé la chose. Non pas qu’un homme se transformant en boa pour enserrer le corps d’un autre homme ne puisse pas avoir un sous-entendu érotique mais selon les conventions de l’époque c’était différent. Pour l’opinion publique majoritairement hétérosexuelle, le dortoir des hommes était un lieu de camaraderie. Sur la même veine, toute idée de relation homosexuelle était tellement repoussée que le corps de Plastic Man épousant celui d’un gangster ne risquait pas d’éveiller le moindre soupçon. La vision d’une Plastic Girl se servant de son propre corps malléable aurait été bien trop « charnelle ».

On ne peut pas penser que l’équipe de Quality étudia toutes les séries avant de choisir de féminiser Doll Man. La chose s’est sans doute passée de manière plus fortuite. Mais le résultat est là : les autres titres ne risquaient pas de se lancer sur ce sujet. Chez Doll Man le problème propre à Plastic Man ne se posait pas car s’il y avait bien manipulation du corps pour atteindre une taille différente, le corps-à-corps était très limité. Qui plus est au contraire des Blackhawks, les aventures de Doll Man étaient déjà mixtes en un sens. Dès 1939 sa fiancée Martha avait assisté à ses origines et n’ignorait rien de la double identité de Darrel Dane. C’était un peu comme si Lois Lane avait su dès le début que Clark Kent et Superman ne faisaient qu’un. Si on voulait féminiser la série Doll Man, il suffisait donc que Darrel Dane fasse don d’un peu de sa potion réductrice à Martha pour faire d’elle une Doll Girl. La chose semblait à la fois facile et logique mais le procédé finalement utilisé allait être bien plus tarabiscoté. Si d’un côté les auteurs voulaient affirmer le rôle de la femme, de l’autre ils étaient encore prisonniers des clichés de l’époque. D’où un résultat très contrasté : Doll Girl allait être soit la femme la plus puissante du monde soit la potiche ultime…

Dès la couverture de Doll Man #37 (Décembre 1951), les lecteurs purent découvrir l’image d’une Doll Girl portant un costume similaire à celui de Doll Man mais avec les couleurs (rouge et bleu) inversées. Il est possible, aussi, qu’ils ne prêtèrent que peu d’attention à cette fille attachée sous une sorte de loupe atomique pour concentrer plutôt leur regard sur le tortionnaire qui semblait à deux doigts de la tuer. Après tout, sous le titre de la série, l’éditeur ne clamait pas « introducing Doll Girl » mais bien « Doll Man versus The Skull ! ». Le méchant de service était en effet un saboteur portant un masque macabre, faisant de lui un des nombreux « Crânes » à être apparus dans les comics. Dans le cadre d’autres « Oldies But Goodies » nous avons déjà croisé beaucoup de personnages de ce genre, que j’ai pu selon les cas classer comme des prédécesseurs ou des successeurs du Red Skull de Captain America. On verra que le Skull affronté par Doll Man est tellement générique que j’hésite à le classer comme une volonté délibérée de copier le Red Skull. Mais ce qui importe sur cette couverture c’est que le lecteur était en droit de se demander quel était l’évènement le plus marquant. L’introduction d’un nouvel adversaire de Doll Man ou la présence d’une femme de la même taille que Darrel Dane ?

A l’intérieur, la première page de l’histoire allait entretenir le malentendu. D’abord parce que l’image était le contraire de la couverture. Sur cette dernière une Doll Girl attachée était sur le point d’être torturée par le Skull, Doll Man et Elmo The Wonder Dog se précipitant au secours de la jeune femme. Dans l’image d’introduction, ce sont au contraire Darrel et son chien qui sont attachés, sur le point d’être désintégrés, avec une Doll Girl qui arrive à la rescousse. Le commentaire, lui, semble au demeurant s’intéresser seulement aux personnages masculins : « Le Doll Man, l’avorton le plus puissant du monde, livre une guerre sans repos contre les pires canailles de la pègre ! Dans cette croisade contre le crime, Doll Man peut compter sur l’aide constante d’Elmo The Wonder Dog. Quand le maître de la science et du mal, le Skull, fait de Darrel Dane une victime dans un plan rusé pour voler un des plus grands trésors de la nation, alors Doll Man a besoin d’une aide venant d’une source inattendue… Une aide qui doit sauver la propre vie du microscopique Doll Man alors qu’il combat… le Skull ! ». Ce n’est qu’en dessous qu’on rajoute, comme une pensée tardive, la mention « introducing… The Doll Girl » (« présentant Doll Girl »… En l’espace d’une couverture et d’une image, le lecteur venait de passer d’une situation classique où le héros courait au secours d’une demoiselle en détresse à une inversion totale de la situation. C’était la vie de Darrel qui était en danger, que la nouvelle Doll Girl allait devoir sauver ! C’est un peu comme si Batman avait été neutralisé et qu’un Robin jusqu’ici inconnu avait du intervenir…

Le récit commence réellement alors que Darrel Dane (en civil) et sa fiancée Martha Roberts prennent le train. Darrel est curieux et demande à Martha ce qu’elle a apporté comme lecture. Elle lui montre alors un ouvrage : « C’est un livre qui permet d’augmenter sa propre force de volonté ». L’homme est surpris : « Ca me semble très austère. J’ai toujours pensé que tu étais plus intéressée par la lecture de romans policiers ! ». Mais intérieurement Martha se demande si Darrel est en train de deviner le pourquoi de cette lecture : « J’ai une raison particulière pour étudier ce sujet particulier ! ». Sentant qu’elle ne veut pas en dire plus sur cette raison, Darrel décide de ne pas plus l’interroger, il pense alors : « Martha préfère garder ses secrets ! Bien, qu’elle les garde ! Ceci lui tiendra l’esprit éloigné de choses plus importantes ! J’aimerais pouvoir oublier la cargaison de thorium dans le wagon des bagages. C’est une quantité spécialement traitée d’un métal utilisé pour la fission ! Nous sommes supposés le livrer au site de tests atomiques du Nevada ! Je ne peux qu’espérer qu’il arrivera à bon port ! Mais je suppose que rien ne peut tourner mal, pas avec les précautions que nous avons prises ! ». Darrel Dane est un scientifique. Qu’on l’ait associé à un test de ce genre de ce type peut donc relativement s’expliquer (avec tout le flou artistique qu’on peut donner à ce métier dans les comics, les « scientifiques » étant généralement aussi bien doués en biologique qu’en physique ou en robotique). Que sa fiancée soit du voyage est déjà moins crédible. Mais surtout il faut nous arrêter sur certains éléments de langage de la scène. D’abord Martha s’évertue à étudier un livre qui explique comment augmenter sa propre volonté. Comprenez : la volonté n’est pas une chose innée chez la femme. Sans doute pas comme chez l’homme. Il faut qu’elle lise un livre qui lui explique comment on fait pour être plus volontaire. Et notez la réaction de Darrel quand il se réjouit que « ceci lui tiendra l’esprit éloigné de choses plus importantes ! ». Comme s’il fallait trouver un moyen de ne pas mêler les femmes et les choses importantes qu’elles seraient incapables de gérer. Toute la question de cet épisode, c’est de savoir si les auteurs établissent ce genre de situation pour mieux la renverser plus tard ou bien si au contraire ils utilisent ces clichés de manière inconsciente…

Pour l’instant, ce ne sont pas les réactions hommes/femmes qui vont prendre le dessus. Au contraire le récit super-héroïque reprend ses droits. Car dans le wagon à bagages, le macabre Skull et ses hommes sont sur le point de passer à l’action. Contrairement à ce que laissaient penser la couverture et l’image d’ouverture, le déguisement du Skull ne s’arrête pas à un simple masque imitant un crâne. Sa tenue se compose aussi d’une capuche et d’une cape, retenue par un petit crâne au niveau du cou. Sous la cape, le Skull porte une sorte de costume de soirée. En fait, le Skull ressemble à une sorte de mélange entre Dracula (version Bela Lugosi) et le futur Skeletor des Maîtres de l’Univers, là où la plupart des simili-Red Skull des comics portaient plutôt une simple combinaison verte. La petite bande de malfaiteurs fait irruption dans la section où est conservé le thorium. Elle tue rapidement les trois hommes qui montaient la garde. Mais le thorium est gardé dans un coffre fort, ce qui nécessite de faire sauter la porte en utilisant des explosifs. Pendant leurs préparatifs, un des hommes du Skull se plaint de la présence d’un grand chien dont la cage est entreposée dans le même wagon. On aura compris qu’il s’agit d’Elmo, le chien de Doll Man. Très agressif il n’arrête pas d’aboyer. L’homme voudrait s’en débarrasser mais le Skull lui explique que ca ne vaut pas la peine. Un chien ne représente aucun danger. Puis la bande se met à l’abri car les explosifs sont sur le point d’agir. Quelques secondes plus tard la déflagration est sévère. Elle déloge effectivement la porte du coffre, comme les bandits l’espéraient. Mais le choc a aussi endommagé la cage d’Elmo, qui peut ainsi s’évader… et prendre par surprise la bande du Skull. Non pas qu’Elmo s’attaque directement à eux. Le grand chien fait partie des mêmes « génies canins » que Rintintin ou Lassie. Il comprend qu’il faut donner l’alerte et… se précipite sur le signal d’alarme, qu’il coince dans sa gueule, provoquant l’arrêt du train. Elmo n’a pas volé son surnom de « Chien merveille » (surnom sans doute emprunté à un chien de cinéma actif entre 1923 et 1929, « Rex The Wonder Dog »)…

Forcément l’arrêt du train ne passe pas inaperçu. Tandis que Martha se demande ce qui arrive, Darrel s’exclame que s’il y a un problème, c’est là qu’il veut être ! Le héros se précipite alors vers le wagon à bagage en réunissant « tout son pouvoir de concentration » : « Par le simple pouvoir de sa pensée, Darrel réduit les atomes de son corps pour devenir l’avorton le plus puissant du monde : le Doll Man ! ». Cette histoire de volonté est induite depuis les premiers épisodes. Darrel a inventé un fluide qui, au début, l’avait piégé à la taille d’une poupée. C’est par la force de sa volonté, en se concentrant, qu’il a par la suite appris à reprendre une taille humaine normale. Un peu de concentration lui permet de redevenir à volonté Doll Man. Au passage ses vêtements de ville disparaissent, remplacés par son costume de super-héros mais la narration n’est pas très claire à ce sujet. Est-ce qu’il s’agit simplement d’une ellipse (Darrel transporterait son uniforme de Doll Man dans une de ses poches et l’enfilerait entre deux cases, après être devenu très petit) ou bien est-ce que la transformation du costume serait réelle, à considérer comme le fruit d’une modification de la réalité due à cette concentration ? Le scénario ne permet pas de le déterminer. Notez au passage qu’on nous explique en toutes lettres que Darrel Dane réduit les atomes de son corps. Ce qui non seulement semble déjà un peu annoncer le futur Atom (Ray Palmer) de DC Comics mais semble une ânerie sur le plan scientifique. Encore que, bien sur, on parle d’un homme capable de réduire tous les composants de son corps et que cela suppose de prendre un peu de distance par rapport à la réalité scientifique. Mais est-ce que réduire la taille même des atomes ne serait pas incroyablement compliqué alors qu’il serait sans doute plus juste d’expliquer que Doll Man compresse ses atomes dans un espace plus petit (les histoires, d’ailleurs, semblent aller dans ce sens puisque malgré sa taille Doll Man conserve la même masse et est capable de frapper aussi fort qu’un homme normal). Pendant ce temps, alors qu’elle voit son amoureux partir vers l’action, elle se dit simplement qu’elle aimerait pouvoir l’aider…

Quand il arrive dans le wagon, Doll Man trouve son chien en train d’attaquer les voleurs : « C’est Elmo ! Comme d’habitude il est au centre de l’action ! ». Voyant que le Skull est sur le point de tirer sur son compagnon canin, Doll Man saute sur le criminel et le désarme : « J’aime énormément ce chien et je n’aime pas qu’il serve de cible à des tueurs ! ». Puis, profitant toujours de l’effet de surprise Doll Man s’attaque au reste de la bande. Bien sûr personne ne s’attendait à voir débarquer un « homme-poupée », avec une taille qui fait de lui une mauvaise cible. Mais le Skull profite du fait que Doll Man s’acharne sur un de ces hommes. Il lui lance au visage une lourde caisse en métal: « Avec les compliments… d’un crâne à un autre ! Ha ha ! ». Puis la bande profite que le train est à l’arrêt pour s’enfuir.

Dans le wagon, Martha est venue rejoindre son amoureux : « Tu t’en es tiré avec quelques égratignures cette fois ! Mais Elmo et toi ne pouvez pas continuer de prendre de tels risques seuls ! ». Doll Man lui explique alors qu’il n’a pas le choix : « On ne peut pas permettre au Skull de s’enfuir avec ce thorium ! En tant que Darrel Dane je comptais l’utiliser pour de nouvelles expériences atomiques ! Mais heureusement le Skull ne pourra pas s’en servir ! ». Doll Man explique ce thorium bien particulier était destiné à un nouveau type de pile atomique et que sans le mode d’emploi pour la pile elle-même, le thorium est inoffensif. Doll Man décide ensuite de téléphoner dès la prochaine gare au superviseur de l’expérience, Ferguson, pour lui prévenir qu’il faut annuler les tests. Ferguson s’inquiète alors de savoir ce qu’il est advenu des plans de la pile. Doll Man explique alors que Darrel Dane sait de quoi il s’agit. Et qu’il y a une copie des plans dans son laboratoire mais qu’il le convaincra de les mettre en sécurité (la pirouette à la troisième personne ayant pour but de cacher à Ferguson que Dane et Doll Man sont la même personne).

Plus tard Darrel, qui a reprit une taille normale, surprend Martha en train de regarder un disque tournoyant de lumières colorées. Elle explique : « C’est un gadget souvent utilisé par les hypnotiseurs pour contrôler la volonté de leurs victimes ! Je développe ma propre volonté pour pouvoir y résister ! ». De guerre lasse, Darrel se dit que ça ne servirait sans doute à rien de demander le pourquoi d’un tel entraînement. Il est sur le point d’aller porter les plans de la pile atomique dans un endroit sûr… Mais quand il ouvre la porte pour sortir, il se retrouve face au Skull et à ses hommes. Darrel a le temps de donner un coup violent (avec son mallette) au brigand. Puis il se couche à terre pour éviter les balles et ordonne à Martha d’éteindre la lumière. Profitant qu’on ne le voit plus, Darrel concentre à nouveau toute sa volonté pour devenir Doll Man. Il peut à nouveau attaquer la bande…

L’ennui c’est que les voleurs s’attendaient cette fois à tomber sur Doll Man. Ils ne sont guère surpris. L’un d’entre eux tente même de l’écraser en lui jetant dessus la crosse de son revolver (il n’est pas très malin ce voleur, il aurait pu se servir de son arme de manière plus classique). Mais Martha s’interpose et c’est elle qui reçoit le choc en pleine tête. Elle tombe, inconsciente.

Doll Man, fou d’inquiétude, se précipite vers elle : « Si ces démons lui ont fait du mal, je… ». Le problème c’est qu’il a tout oublié du combat. Un des malfaiteurs en profite pour l’écraser sous sa semelle. Heureusement pour lui Doll Man est plus dense qu’un jouet. Quelques instants plus tard, quand le héros et Martha reprennent connaissance (après que les gangsters soient partis sans prendre la peine de les achever), la jeune femme est encore terriblement perturbée : « Doll Man ! J’ai essayé de te sauver… Et puis tout est devenu noir ! Je me sens mieux maintenant. Mais encore si étourdie… ». Doll Man, qui de toute façon ne comptait spécialement sur elle dans les combats précédents, lui dit alors de se reposer. Elle est encore sous le choc. Intérieurement, Martha n’est pas du même avis : « Ce n’est pas juste le choc ! D’une certaine manière je sens comme si j’avais acquis un étrange pouvoir… Le genre de pouvoir mental que j’ai toujours voulu avoir ! ».

Le chien Elmo les rejoint à ce moment-là (où était-il donc pendant l’attaque ?). Et ce cher Elmo aboie comme s’il voulait former une phrase. Doll Man s’exclame : « Il a manqué le combat ! Mais il tente de me dire quelque chose d’important ! ». Après… allez savoir comment Doll Man sait que c’est quelque chose d’important et pas seulement Elmo qui a envie qu’on joue avec lui… Mais non, ça n’arrête pas Darrel : « Je pense que je sais ce que c’est ! Il s’est débrouillé pour suivre le Skull jusqu’à sa cachette ! Maintenant il veux que je le suive ! ». Martha proteste : « Attends Doll Man ! Tu pourrais avoir besoin d’aide ! ». Mais son fiancée n’est pas d’accord : « Non merci ! Elmo et moi pouvons nous en tirer seuls ! ». Très vite, on rejoint la bande du Skull qui a profité de la seconde attaque pour arracher les plans de la pile atomique. Ils viennent de construire un cyclotron. Ils sont même en train de vendre ce secret ainsi que le stock de thorium à un inconnu qui ne peut être qu’un ennemi de l’Amérique ! Heureusement à ce moment-là, Doll Man et Elmo arrivent pour interrompre la transaction !

Mais la bande est de plus en plus préparée à ce genre d’irruptions. Cette fois ils emprisonnent Doll Man dans un récipient transparent dans lequel ils introduisent aussi un peu de gaz pour l’endormir. Bientôt Doll Man et Elmo sont ligotés et installés devant le cyclotron. Le Skull explique : « Ce cyclotron a été construit pour briser les atomes ! Mais je vais viser directement ces deux-là ! Ils seront les deux premiers êtres vivants à être atomisés par un bombardement nucléaires ! ». Un cyclotron n’est qu’un accélérateur de particules. Et le Skull se comporte comme s’il était convaincu que l’invention pouvait émettre une sorte de « rayon de la mort ». A moins que ce cyclotron soit très différent de ce que les savants connaissent, le Skull ne devrait pas être capable de tuer quelqu’un de cette manière. Encore que… allez savoir. Nous sommes dans le cadre d’un comic-book après tout.

Dans le doute, on estimera heureux que Doll Man et Elmo ne soient pas réellement livrés à eux-mêmes. Martha est à la fenêtre : « Doll Man ! Inconscient et risquant une mort horrible ! J’avais peur que quelque chose de ce genre se produise ! C’est pourquoi je l’ai suivi en voiture ! Mais je ne suis qu’une femme… sans armes ! Je donnerais n’importe quoi pour être aussi forte que Doll Man ! Si seulement je pouvais concentrer ma volonté et… ». A ce moment-là le commentaire reprend ses droits. Faute de vraiment pouvoir représenter ou justifier la scène, les auteurs expliquent : « Et ça se produit ! Alors que Martha Roberts concentre sa volonté, il y a un soudain alignement de forces cosmiques et une transformation étonnante se produit ! Les molécules se condensent et Martha Roberts diminue, se transformant en la petite et puissante figure de… Doll Girl ! ». Oui, mesdames et messieurs, il y a un « alignement de forces cosmique » qui intervient transformer, pile au bon moment, Martha en Doll Girl ! Mieux : Elle porte comme par magie une variante du costume de son amoureux ! Quelle force cosmique pourrait donc jouer ainsi les tailleurs ? Martha elle-même est surprise : « C’est un miracle ! Mais je n’ai pas le temps de m’étonne maintenant ! ». Devenue Doll Girl, elle en profite pour enfoncer la porte…

La bondissante Doll Girl commence par assommer le Skull et sa bande (il suffit de deux cases pour neutraliser tous les malfrats). On se demande vraiment ce que faisait Doll Man dans les trois rencontres précédentes pour ne pas les avoir battus si rapidement. Puis elle s’occupe de détacher Elmo et Doll Man. Elle ranime ce dernier en lui expliquant qu’il n’y a plus de danger. Darrel est pour le moins surpris : « Je… je dois voir des choses ! Vous ressemblez à Martha Roberts ! ». On aurait pu déboucher sur une situation scénaristique intéressantes où Darrel, convaincu que Martha n’est qu’une potiche, ne réalise pas qu’elle est Doll Girl. Mais l’auteur ne laisse pas planer longtemps le doute : « Je suis Martha Roberts ! Mais puisque je suis devenue une édition de poche, tu ferais mieux de m’appeler… Doll Girl ! ». Au début Doll Man n’est pas spécialement expansif sur les remerciements : « Je ne comprends pas ! Mais il sera temps de s’expliquer après avoir appelé la police ! ».

Bientôt, dans un final digne du futur Scooby-Doo (après tout dans les deux cas il y a intervention d’un Dogue Allemand), le Skull est démasqué. Et, comme bien souvent dans ce genre de mystère, le coupable est la seule personne extérieure au casting habituel de la série. Le Skull, c’est Ferguson… Le seul qui savait que Darrel Dane possédait un double des plans de la pile atomique. Doll Girl s’écrie : « C’était un espion, au service des ennemis de notre pays ! Maintenant il va payer pour sa trahison ! ». Comprenez par là que le Skull/Ferguson allait finir électrocuté. C’était le sort réservé à toute personne supposée vendre les secrets atomiques des USA. D’ailleurs la fiction rejoint un peu la réalité. Ferguson est sans doute inspiré au moins à un certain niveau par l’affaire des époux Rosenberg (inculpés de conspirer pour vendre les secrets atomiques des USA à l’URSS), qui avait éclaté dans l’été 1950. D’ailleurs l’acte d’accusation des Rosenberg fut établi en mars 1951. Si on part du principe que Doll Man #37 est (comme les autres comics de l’époque) antidaté de plusieurs mois et qu’on enlève encore un peu plus de temps nécessaire à l’impression du numéro, l’épisode a sans doute été produite au début du printemps 1951, au moment où l’affaire battait son plein…

Mais tout ça n’intéressent guère Darrel et Martha, qui se dépêchent de rentrer chez le savant pour tirer les choses au clair. Martha explique alors : « Comment suis-je devenue Doll Girl ? J’ai étudié comment accroître ma volonté dans l’espoir d’y arriver ! Mais je n’ai jamais senti que j’avais le pouvoir, jusqu’à ce que je reçoive ce coup sur la tête ! ». L’explication est pour le moins bizarre puisqu’elle induit qu’il y a une méthode mentale qui permet de devenir Doll Man ou Doll Girl (élément jusqu’ici jamais abordé dans la série). Et elle fait totalement l’impasse sur la formule inventée par Darrel dans Feature Comic #27 (sans parler des « forces cosmiques » invoquées quelques cases plus tôt). Mais en même temps le scénariste prend la peine d’introduire un élément perturbateur (le coup sur la tête) qui fait que quiconque suivrait la méthode de Martha ne serait pas certain d’arriver au même résultat. Toute la question repose dans une nuance importante. Est-ce que l’auteur veut dire qu’on se concentrant on peut, par la simple volonté, changer de taille… Ou bien est-ce qu’il veut dire qu’en se concentrant et grâce à ce coup sur la tête Martha est devenue capable d’exhausser son vœu le plus cher, ce qui fait que potentiellement elle serait une sorte de Beyonder au féminin, un être capable de changer la réalité selon ses souhaits ? C’est un niveau de complexité un peu trop avancé pour les histoires de l’époque. Bien sûr, dans le contexte d’une continuité plus sérieuse, il suffirait d’expliquer que bien avant tout ça Martha avait utilisé la potion « réductrice » de Darrel et qu’inexplicablement elle n’avait pas fonctionné jusqu’ici parce la jeune femme avait une sorte de blocage mental…

En écoutant ces explications, Darrel conclut : « Ton contrôle n’est probablement pas encore parfait Martha ! ». Comment ? Pourquoi ? Dans quelle mesure Darrel Dane serait-il capable de faire ce pronostic alors qu’elle vient de prouver le contraire ? Pour une seule et simple raison : le machisme tacite de l’histoire. Il ne peut y avoir qu’un Doll Man et la place de la femme est forcément derrière l’homme. Selon cette « philosophie », Doll Man a forcément plus de maîtrise que Doll Girl qui, d’une manière ou d’une autre, doit rester moins puissante. Darrel tempère : « Mais avec de la pratique, tu deviendras capable de te transformer à chaque fois que tu le voudras ! J’imagine que ta première apparition comme Doll Girl a prouvé qu’Elmo et moi pouvons avoir besoin de ton aide, pas vrai Elmo ? ». Et le grand Dogue Allemand répond de deux aboiements qui ponctuent la fin de l’épisode. L’histoire ne dit pas si Elmo voulait dire par là « on s’en moque, ce n’est qu’une fille ! ». Je plaisante à peine : L’histoire oscille entre une affirmation du rôle de la femme tout en prétendant, à d’autres endroits, qu’elle reste la subordonnée de l’homme. Même la conclusion le démontre. Après que Doll Girl leur ait sauvé la vie, Darrel Dane en est encore à « imaginer » que l’intervention de Martha a prouvé son utilité. Une phrase qui montre comme une hésitation. Même le procédé de demander l’avis du chien sur la présence de la femme joue sur deux tableaux. L’humour bien sûr… mais aussi le fait que Martha n’est officiellement acceptée dans le petit groupe qu’après validation canine. On dit toujours que le meilleur ami de l’homme c’est le chien et cette fin tendrait à montrer… que la femme vient seulement en seconde position. La gent féminine sort à la fois grandie et rabaissée par cette histoire, comme si les auteurs ne savaient pas réellement trancher…

A partir de là, cependant, Doll Girl devint la partenaire officielle de Doll Man et fit partie de tous les épisodes restants de la série. Malheureusement pour Darrel, Martha et Elmo, la revue allait s’arrêter au #47 (Octobre 1953). Martha n’a donc été Doll Girl que pendant une dizaine de numéros (lesquels, contenant de nombreuses histoires courtes, font que l’héroïne a en fait connue trois ou quatre fois plus d’aventures). Doll Man ne referait surface que vingt ans plus tard, dans les pages de Justice League of America #107. Le scénariste expliquerait alors que tous les héros anciennement publiés par Quality Comics existaient dans une Terre parallèle (Terre X) de celle habitée par les personnages de DC. Sur Terre X les nazis avaient gagné la guerre et la plupart des super-héros avaient été massacrés, les derniers survivants (Doll Man, Black Condor, Human Bomb, Phantom Lady, The Ray, Uncle Sam puis plus tard Firebrand) étaient réunis au sein des Freedom Fighters. Avec l’aide de la Justice League of America, ces héros libérèrent leur monde. On apprendrait plus tard que Martha Roberts avait été tuée avant l’intervention de la JLA. Rétrospectivement, on peut se dire qu’il est dommage que Len Wein ait fait ce choix. L’univers DC pouvait déjà compter sur l’Atom du Silver Age comme héros mâle microscopique. Doll Man faisait sans doute plus « double emploi » que si Wein avait décidé de ramener Doll Girl à la place de Darrel. Mais on comprendra bien qu’au moment de créer les Freedom Fighters il s’agissait de réunir les héros les plus connus de Quality et pas les dérivés secondaires. Qui plus est, en 1973, en pleine libération de la femme, un pseudonyme comme la « Fille-Poupée » sonnait pratiquement comme « Femme-Objet » et n’aurait pas forcément fonctionné comme dans les années 50. Un autre détail technique serait de toute façon venu compliquer la chose. Terre-X n’est pas simplement le monde des héros Quality mais aussi un monde où ces derniers n’ont pas gagné la guerre. Or, Martha n’est devenue Doll Girl qu’à partir d’un épisode intervenu en 1951, dans un contexte où les USA étaient visiblement libres. L’apparition de Doll Girl intervient donc forcément sur un autre monde que Terre-X, où les Alliés ont bien gagné la guerre. Dans un monde dirigé par les nazis, tous les épisodes de Quality parus après 1945 ne s’appliquent pas !

Les Freedom Fighters firent ensuite (en 1976) l’objet d’une série dans laquelle le groupe traversait les dimensions et se retrouvait piégé sur Terre-1. Doll Man rencontra alors une version alternative de Martha Roberts, originaire de cette dimension et il sembla qu’une nouvelle intrigue romantique était sur le point d’éclore. Mais la série fut de courte durée et cette troisième Martha Roberts (si on compte celle active jusqu’en 1953 et celle qui a été tuée par les nazis sur Terre-X) fut vite oubliée. Bien plus tard, après la réunification imposée par Crisis, Doll Man fut considéré comme ayant toujours existé sur Terre-1. Dans cette version il n’y a donc qu’une seule version de Martha, qui avait d’ailleurs bien été Doll Girl pendant le Golden Age. Mais elle était morte d’un cancer, piégée une taille microscopique qui avait empêché tout traitement. D’autres dérivés de Doll Girl sont apparus chez DC. Dans le récit futuriste Kingdom Come, un personnage similaire à Doll Girl (mais sans doute supposé être la fille de Darrel et Martha) est vu aux côtés du vieux Superman. Cette version utilise le nom de « Living Doll ». En 2000, le scénariste Geoff Johns a également semblé vouloir introduire des versions plus jeunes de Doll Man et Doll Girl dans ce qui était alors l’univers contemporain de DC (comprenez l’univers en vigueur entre Crisis et Flashpoint). Dans une courte histoire de Titans Secret Files #2 on découvrait deux héros de ce nom. Et s’il aurait été logique d’en faire les enfants ou petits-enfants de Darrel et Martha, le nouveau Doll Man et la nouvelle Doll Girl semblaient être un couple. On a également aperçu cette Doll Girl dans un épisode de Wonder Woman à l’époque mais peu de renseignements furent donnés. La continuité ayant été rebooté depuis, les versions 2000 de Doll Man et Doll Girl sont de toute façon obsolètes. Un nouveau Doll Man est supposé débuter prochainement chez DC, cette fois en tandem avec Phantom Lady. Ce qui semble induire qu’une Doll Girl n’est pas, n’est plus ou n’est pas encore de mise…

[Xavier Fournier]