Oldies But Goodies: Captain America Comics #74 (Oct. 1949)

14 juin 2008 Non Par Comic Box

[FRENCH] Il est mort! Crâne Rouge est mort et son âme a, fort logiquement, pris le chemin des Enfers. Mais même mort Crâne Rouge est bien décidé à empoisonner encore la vie de son ennemi, Captain America. Mais que peut faire le nazi décédé ? S’arranger pour que le héros américain soit lui aussi condamné aux flammes éternelles. Captain America risque d’avoir chaud…
La première chose sur laquelle on tombe en ouvrant cet antique numéro de Captain America, c’est le crédit de Jean Thompson, la consultante éditoriale de Marvel/Atlas à la fin des années 40. En cette époque qui commençait à sentir un peu le roussi pour les comics (et promettait pour bientôt la censure du Comics Code) les éditeurs s’entouraient de caution morale. Jean Thompson était psychiatre et sa fonction était destinée à écarter les critiques de gens comme F. Wertham, grand opposant de la BD américaine. Ceci dit, même en se définissant comme sympathisant des comics et en se remettant dans le contexte de l’époque, on se demande un peu comment Jean Thompson s’est laissé convaincre de laisser cette histoire un peu gore pour la moyenne d’âge des lecteurs de 1949…

Quand « The Red Skull Strikes Again! » débute, le Red Skull (Crâne Rouge) est mort depuis un précédent épisode. Il est là, coincé en Enfer mais visiblement il est laissé libre de ses actes. Le nazi trouve alors un moyen de s’attaquer à captain America même à travers la mort. Crâne Rouge s’approche du « Livre Fatal » resté sans surveillance. Le Livre Fatal, c’est l’ouvrage dans lequel sont consignés les noms de ceux qui sont condamnés à cuire en Enfer. Et quand, l’instant d’après, un démon approche du livre, il a la surprise de découvrir que le prochain humain à aller chercher n’est autre que… Captain America. Crâne Rouge a en effet falsifié la liste… L’instant d’après on frappe chez Captain America qui s’apprêtait à aller se coucher (mais qui était quand même habillé en Captain America dans son salon, comme s’il était 24h/24 en uniforme). Et bien entendu Cap ouvre la porte en costume, son bouclier à la main… Sans s’occuper de savoir ce que pourrait penser un éventuel voisin venu lui rendre visite. Dans la pratique ce serait risquer de briser le secret de son identité, mais notre héros n’a pas l’air de s’en préoccuper…

A la porte, c’est bien entendu le démon, qui projette aussitôt le héros dans l’au-delà. Captain America a beau ne jamais y être allé, il reconnait aussitôt le décor torturé comme « ressemblant à l’Enfer de Dante ». Et Charon, le passeur d’âmes, le lui confirme sans perdre de temps. Cap est bien sur les rives du Styx, le fleuve infernal. Cap proteste. Il n’a rien à faire en Enfer. Il est vivant! Et Charon de lui répondre « C’est ce qu’ils disent tous quand ils arrivent… ». Le conseil des démons est plutôt content d’avoir mis la main sur un héros tel que Captain America mais bien vite la tricherie est évidente. Cap n’a rien à faire là et son inscription dans le Livre Fatal est un faux. Crâne Rouge surgit alors d’une grotte « Erreur ou pas, ca ne fait pas de différence, personne ne peut revenir de ces bas-fonds, c’est la loi ». Captain America saisit bien sûr tout de suite qui a pu l’inscrire sur la liste funeste…

Furieux, le Diable leur donne tous les deux raisons. Puisque Crâne Rouge veut sa revanche et que Cap veut revenir dans le monde des vivants, il suffit de couper la poire en deux. Ils se battront. Si le nazi l’emporte, il aura la revanche désirée. Si Cap gagne, il sera libre de repartir. Quand le duel commence, Crâne Rouge a mis la main sur la faux de la Mort (elle devait sans doute traîner à terre ?). Mais Cap a son bouclier et ses dons athlétiques. Crâne Rouge fini par tomber dans les flammes qui les entourent, disparaissant sans doute à tout jamais. Chez les démons, c’est le silence. Personne n’avait jamais échappé aux Enfers! En sursaut, Captain America se réveille à nouveau chez lui, pensant avoir rêvé. Mais dans sa main il trouve un bout de tissu arraché à la tenue de Crâne Rouge, lui prouvant que tout ça n’avait rien d’un rêve…

Bien sûr, quand tout ça a été écrit, personne ne pensait que dans Avengers #4 Stan Lee établirait que le vrai Captain America avait disparu depuis 1945. Personne non plus ne pensait que pour combler le vide chronologique on inventerait des « remplaçants » du premier Captain. Vu la date (1949), si on voulait que ce récit assez bizarre fonctionne dans la continuité, il faudrait que le héros soit en fait le troisième Captain America (autrement dit Jeff Mace, alias le Patriot de la Liberty Legion). Comme « Captain America » n’apparait jamais démasqué dans l’épisode et qu’il ne fait pas mention de son identité civile, cela pourrait marcher…. Mais d’autres problèmes de continuité existent. D’abord Crâne Rouge est mort, ce qui ne cadre pas vraiment avec les épisodes des années soixante. Mais cela aussi peut-être éclairci grâce à une histoire de succession. Le tout premier Red Skull apparu dans Captain America Comics mourrait à la fin de l’histoire, avant que les scénaristes ne révèlent qu’il ne s’agissait que d’un agent du vrai Red Skull. Le Crâne Rouge vu dans cet épisode peut donc être George John Maxon, premier a avoir combattu Captain America sous le masque du Red Skull. Mais finalement ne restent que deux écueils « continuitaires » à ce récit: d’abord puisqu’on est en enfer et que les damnés et les démons semblent en savoir long sur ce qui se passe à l’extérieur (après tout ils ont l’adresse perso de Captain America et savent aller taper à sa porte), normalement ils devraient savoir que le vrai Captain America est, à cette époque, congelé quelque part dans la banquise. Et « Crâne Rouge » devrait être capable de comprendre que ce n’est pas le « Captain America » qu’il affronté. Reste que cette histoire étrange me fait un peu penser à un récit du même ordre que Mark Waid avait écrit quand il travaillait sur la série Fantastic Four. A l’époque le Docteur Fatalis (piégé en enfer comme Crâne Rouge dans l’histoire qui nous intéresse) avait tenté de coincer Reed Richards dans la même dimension infernale. Je doûte qu’il y ait une influence directe mais le rapprochement est amusant. Plus largement cette histoire intervient alors que Marvel/Atlas Comics cherchait repositionner la série comme un mag d’horreur un peu dans la même lignée que EC, retitrant même un temps la revue en « Captain America’s Weird Tales ». Le plus « Weird » restera quand même d’avoir découvert que Cap parfois se sert de son costume comme d’un pyjama qu’il porte chez lui…

[Xavier Fournier]