Avant-première Comics VO: Batman Earth One Vol.3

Avant-première Comics VO: Batman Earth One Vol.3

10 juin 2021 Non Par Xavier Fournier

Cette semaine voit la fin apparente de Batman Earth One, avec la conclusion de la trilogie. Le Batman version « Earth One » de Geoff Johns et Gary Frank avait débuté comme un héros sans méthode, maladroit et presque naïf. Le voici qui, dans cette dernière ligne droite, s’organise, se structure… Mais ses ennemis et même sa famille lui réservent quelques surprises de taille.

Batman Earth One Vol.3Batman Earth One Vol.3 [DC Comics]
Scénario de Geoff Johns
Dessin de Gary Frank
Parution aux USA le mardi 8 juin 2021

2012 : les Mayas et Hollywood nous promettaient la fin du monde tandis que Geoff Johns et Gary Frank sortaient le premier volume de leur Batman Earth One, réinvention moderne et contemporaine de l’origine du Chevalier Noir. Earth One étant une gamme orientée vers des Graphic Novels et les auteurs poursuivant par ailleurs d’autres projets (comme Shazam, Doomsday Clock ou, plus récemment, Geiger), Batman Earth One n’était pas annoncé comme un rendez-vous régulier ou même annuel. Mais les neuf années écoulées marquent un changement d’ampleur pour le personnage comme pour les auteurs. Ce qui faisait l’intérêt de Batman Earth One, en effet, c’est que ce n’était pas une énième redite des origines mais surtout un regard différent sur le Bruce Wayne des débuts. C’est à dire non pas un détective infaillible, un « Uber-Batman », mais surtout un héros qui avait tout à apprendre, qui ne savait pas encore se servir de son bat-grappin, ne savait pas trop où poser sa base, choisir ses équipements ou ses méthodes. Fin (au moins pour l’instant) du cycle, Batman Earth One Vol.3 nous montre au contraire un héros qui commence un peu à « prendre de la bouteille » et on serait tenté, dans les premières pages, de penser que tout cela nous ramène au héros habituel tel qu’on le voit dans les fascicules DC Comics du moment. La réserve de surprises vient cette fois des différentes variations que Johns et Frank ont amené à des personnages secondaires. Par exemple la question qu’on se posait déjà dans les chapitres précédents : Est-ce que dans cette version des événements Croc est destiné à devenir un adversaire de Batman ou bien est-ce qu’il restera un allié jusqu’à la fin ? Le destin de Bullock ou d’autres policiers de la ville est-il déjà écrit ?

« After what happened to Harvey, I’m never going to be the same. »

Et c’est sur cette dernière ligne droite que l’objectif se trouble. Le tandem créatif Johns et Frank sert une histoire efficace, à la qualité régulière (ce qui fait que forcément si vous détestez Johns & Frank depuis des années ce n’est pas pour vous mais si vous les appréciez vous êtes en terrain de connaissance). Mais si sur les deux premiers volumes, à l’exception notable de Croc, Earth One pouvait sembler une tentative de passer Batman à la sauce Ultimate (une manière de synthétiser les grandes lignes du héros pour le public qui ne connait le héros que par les films, les jeux ou les dessins animés) le but semble ici beaucoup plus flou. Et on comprend pourquoi, en particulier pour tout ce qui touche aux familles Arkham et Dent. Johns écrit la chose en s’éloignant du mythe connu, réinvente les généalogies de Batman et de Two-Face pour les rendre totalement imprévisibles. Ce qui fait qu’à un moment de l’album on passe d’un stade où les choses sont telles qu’attendues à une vraie « terra incognita ». A un moment on ne sait plus ce que Dent prépare ou même de qui il s’agit.

Avec ces astuces Johns s’offre un peu le même type de « page blanche » qu’avec Croc et c’est plutôt plaisant. Le contre-exemple de la technique, cependant, c’est que certains personnages sont à peine reconnaissables ou n’ont plus le même charisme (on pense en particulier à la version « kawaï » d’une certaine chapardeuse). Par moment on se dit que, quitte à s’éloigner de l’archétype, les deux auteurs auraient pu aussi bien se servir de nouveaux personnages. Pendant toute une partie de l’album, le lecteur aura donc tout le loisir de se demander si on joue à « Ultimate » ou si finalement il s’agit d’un « Elseworld » et donc d’un monde avec des divergences. Et ce n’est pas forcément mauvais puisque cela fait qu’on ne sait réellement pas de quel côté certaines pièces vont tomber, pour reprendre un vocabulaire cher à Two-Face. Le vrai problème, finalement, c’est que la fin de l’album n’arrive pas à jouer son rôle de conclusion de la trilogie. Ou en tout cas de conclusion satisfaisante. C’est à dire qu’après avoir agité la question bien connue « Est-ce que c’est la présence du crime qui créé Batman ou bien est-ce que c’est la présence de Batman qui créé encore plus de criminels ? » dans laquelle on sent des échos du Batman de Christopher Nolan, Johns botte en touche et empile des héros secondaires. Ce qui pourrait être une réponse, oui, la présence de Batman créé d’autres héros, d’accord, mais la manière de faire est tellement « deus ex machina » qu’elle n’est pas opportune. On pense par exemple à ce héros victime d’un cambriolage et qu’on retrouve ensuite dans la Batcave sans autre forme de présentation. Le grand public non spécialisé ne va pas y reconnaître grand-chose tandis que le lectorat aguerri, lui, trouvera les choses expédiées. On ferme la trilogie avec un sentiment de rush, parce qu’il faut ranger les jouets, mais sans réel sens de finalité. Ce n’est pas un mauvais album (on apprécie quelques surprises) mais certainement pas le meilleur des trois et il joue mal son rôle de fin.

[Xavier Fournier]