Review: Avengers: Age of Ultron

Review: Avengers: Age of Ultron

18 avril 2015 Non Par Xavier Fournier

Avengers: Age of Ultron[FRENCH] Quand vous construisez une intelligence artificielle, vous avez intérêt à vous assurer qu’elle ne vous dépassera pas. Ultron, robot colérique s’il en est, était imaginé avec les meilleurs intentions du monde. Mais les Avengers vont vite découvrir que même la somme de leurs pouvoirs n’est pas suffisante pour le repousser. Et comme à nouveau il y a de la dispute dans les rangs, même cette « somme » n’est pas gagnée d’avance. Les uns s’affrontent autour d’avis politiques, les autres en viennent aux mains…

MACHINES A TUER

 Les Avengers écrasent les dernières poches de résistance d’Hydra, dans une logique qui tient compte aussi bien des retombées du Winter Soldier (la corruption du S.H.I.E.L.D. tandis que Cap et Natasha mènent la contre-offensive) que d’Iron Man III. Steve Rogers est plus que jamais convaincu que les libertés individuelles passent avant le reste. Et Tony Stark, lui, conscient de la surenchère des menaces depuis le premier film Avengers, veut s’assurer qu’on étouffera tout danger dans l’œuf. D’ailleurs, sans en parler à la plupart de ses co-équipiers, il a travaillé sur une solution expéditive pour protéger le monde libre. Quitte à ce que cela ressemble férocement à la loi martiale. D’ailleurs, son invention ne vas pas tarder à lui échapper. Rejeton des derniers opus cinématographiques de Captain America et Iron Man, Age of Ultron se positionne déjà dans la perspective du futur Civil War, en creusant le fossé idéologique entre Rogers et Stark, sans que l’intervention d’Ultron serve d’issue de secours facile. Tout en luttant contre le robot fou, les Avengers vont avoir l’occasion de se crêper le chignon, de parler politique où même, plus largement, sens de la vie. La guerre contre le Mal vaut-elle de sacrifier tout, y compris sa vie personnelle ? Mais alors à quoi bon se battre ? Un des Avengers va ainsi montrer à ses équipiers que pendant qu’ils jouent aux dieux, lui s’efforce de préserver son jardin secret. Et justement, quelques autres membres du groupe se posaient justement la question. Eux ne se voient pas comme des dieux mais comme des monstres. Age of Ultron est assurément moins « familial » que le premier film de la saga. Pas de tripes à l’air ou ce genre de choses (on sauve même les petits chiens, faut pas déconner) mais – en dehors de Thor qui reste égal à lui-même – les personnages se font plus graves. Ce n’est pas tous les jours qu’un super-héros parle à l’écran de sa propre stérilité ou de ce genre de chose. Clairement, même s’il y a de l’humour, on n’est plus vraiment dans un registre ou la seule épice serait la discussion autour d’un Shawarma.

Avengers: Age of Ultron

CEREMONIAL

La scénographie des projections de presse (et plus particulièrement les projos Marvel) est un rituel désormais bien enraciné. Quoi qu’on nous montre, à la sortie, on retrouve sur le parvis quelques blasés de service dont la litanie a été définie voici cinq ou six ans, avec un discours que rien ne fera varier. Au choix et dans le désordre : C’est un film Marvel et donc, horreur, cela ressemble à un film Marvel. Et puis qu’est-ce qu’ils sont fatigants les américains à toujours mettre en scène la presque fin du monde depuis 2001… Et ainsi de suite. On pourrait les enregistrer d’une fois à l’autre que cela ne varierait pas, qu’on parle du Winter Soldier ou de Guardians of the Galaxy. A l’inverse, à l’autre extrémité du spectre, il y a le bon geek de service qui, lui, ne retiendra qu’un type d’éléments. Est-ce que le costume de Pietro est raccord avec celui des comics ? Est-ce que les pouvoirs de Wanda sont définis à l’identique ? Et ainsi de suite, en faisant la liste des personnages comme si on inspectait une suite de statuettes et en faisant fi de ce que cela raconte (ou pas), les yeux déjà révulsés à l’idée que, contrat de la Fox oblige, le film ne fera pas mention d’une quelconque parenté avec Magneto. Au delà de ces constats écrits d’avance, c’est dans un constat plus nuancé qu’il faut se tourner, en faisant preuve d’un peu discernement pour mesurer avantages et inconvénients. Avengers: Age of Ultron est un film inégal où se télescopent de vrais moments de bravoure et d’autres choses plus tarabiscotées. En clair, tout en ayant de larges passages intéressants, Age of Ultron n’a pas pour lui l’effet de surprise du premier film, quand on en était encore à découvrir ce que cela donnait de réunir les versions ciné d’Hulk, Thor, Iron Man, Hawkeye, Captain America, Black Widow et Nick Fury. Dans le premier film on se prenait une avalanche de dialogues ironiques et bien pensés dans la figure, ce qui pouvait nous faire fermer les yeux sur quelques faiblesses scénaristiques. Ici, les « one liners » sont de retour mais – il me semble – dans une moindre mesure, que ce qui fait qu’on regarde plus le fond et qu’on en détecte plus rapidement les raccourcis.

Avengers: Age of Ultron

THE NEXT GENERATION

Transposez Ultron à l’écran et vous n’avez jamais qu’un cliché de la science-fiction bien connu du cinéma. La révolte des machines. Bien que l’invention d’Ultron soit antérieure à des Terminators ou des Transformers, le robot massif ressemble à ces « cousins », aussi bien par les motivations simplistes que son envie de rayer l’humanité de la carte. Je ne sais pas ce que donnera la VF mais dans la VO, la personnalité du robot réside dans la voix d’un James Spader qui joue assez bien sur les glissements de folie, le rendant imprévisible. On retrouve assurément des archétypes dans ce deuxième film. Les personnages repassent par des phases déjà croisées dans l’opus précédent : on y trouvait déjà la scène de manipulation mentale qui va forcer le caractère de tout le monde, le danger venu du ciel (il s’agissait d’empêcher un héliporteur de s’écraser, cette fois l’objet est « un poil » plus gros). C’est tout le reste qui est intéressant. D’abord Age of Ultron n’est pas autocentré sur le sort des USA, pas de parabole du 11 septembre cette fois mais plutôt une interrogation sur la perception des USA par le reste du monde. Si la scène d’ouverture nous donne des Avengers très « gendarmes du monde », ils vont vite se heurter au reflet du miroir. Les jumeaux Maximoff (avec une origine très différente… mais aussi éloignée de ce que Rick Remender nous propose dans Uncanny Avengers ces temps-ci) ne sont pas américains et disons qu’ils portent un regard critique sur les autres surhommes. On fera forcément la comparaison avec le Quicksilver de Days of Future Past mais, sans vouloir empêcher le spectateur de choisir son propre favori, la « course » entre les deux versions s’avère vite concerner deux catégories différentes. Le Quicksilver des X-Men avait son moment de bravoure dans le bunker et puis disparaissait soudainement parce que les autres mutants semblaient pouvoir se passer de lui. Ici, Pietro Maximoff n’a pas une grosse scène d’étalage de pouvoir. Il est super-rapide mais on passe peu de temps sur la démonstration (sans doute aussi que les effets spéciaux surchargés des combats laissaient peu de place en plus), le voyant plus à travers le regard des autres. C’est un personnage moins spectaculaire mais plus nécessaire… Et qui a quand même une scène qui lui permet de briller par sa personnalité et ses actes. Wanda, c’est autre chose. Passé un cocktail d’explications pseudo-scientifiques, la jeune femme aux faux airs de rockeuse gothique ressemble finalement plus à la Nico des Runaways. Passé un moment, on s’y fait cependant. J’espérais qu’on trouverait aussi d’autres « nouveaux » super-héros cachés (par exemple un Black Panther ? Une Captain Marvel ?) mais en dehors de ceux déjà apparus comme second rôles dans d’autres films, celui qui vole la vedette, passé un moment, c’est la Vision avec une personnalité à la fois complexe et innocente, qui rend un peu de « virginité » au film. Superbement joué par Paul Bettany, on découvre un nouveau joueur qui refuse de choisir, qui a un autre point de vue… Et si je doute que les spectateurs non-lecteurs de comics comprennent grand-chose à ses pouvoirs, il demeure attachant… Bons points, aussi, à un Hawkeye qui avait clairement de la marge après ses interventions mineures. On le voit presque servir de garde du corps à ses collègues… Et on en découvre bien plus sur lui…

Avengers: Age of Ultron

SURPRISES ATTENDUES (OU PAS)

En dehors de quelques recrues « secondaires » (moins connues qu’un Thor ou un Iron Man) et d’un méchant cybernétique, l’autre intérêt réside dans des choses que Whedon a apporté, greffé aux personnages. A l’exemple d’une relation qui se forme assez rapidement dans le groupe (et, non, Vision n’a rien à voir dans l’affaire). L’idée n’est pas aussi idiote qu’on pourrait le croire au demeurant et je me demande, pour le coup, si ce n’est pas quelque chose que les comics devraient explorer tant un rapprochement entre ces deux-là serait à la fois naturel et paradoxal. A sa manière, le réalisateur montre aussi de « vrais gens », quand les Avengers ont besoin de se ressourcer et de comprendre qu’ils ne sont pas là que pour faire les malins. Reste cependant que cet Avengers là ne peut surprendre autant que le film précédent. Ce qu’on peut reprocher à Whedon, c’est de rarement utiliser les Avengers comme une équipe mais plutôt comme un crossover permanent. Bien sûr, Stan Lee et Jack Kirby aussi privilégiaient la confrontation dans leurs premiers épisodes. Mais ils n’oubliaient pas la fonction de groupe, peut-être parce que des personnages comme Ant-Man ou la Guêpe venaient faire tampon. Ici, ce n’est pas le cas. Si bien que si l’on pensait avoir assisté à la formation de l’équipe dans le premier épisode, le château de cartes qui s’effondre à nouveau en permanence a ses limites. Heureusement que sur la fin on commence, enfin, à mettre de l’ordre à tout cela. Cette fois, en entrant dans la salle, on a une certaine idée de ce qu’on va y trouver, un peu comme une pochette surprise qui laisserait deviner les formes de l’objet qu’elle contient. Même la scène cachée qu’on nous a montré concerne un personnage déjà existant dans l’univers cinématique de Marvel; on ne peut donc pas parler d’une révélation, malgré les cris des fanboys. Avengers: Age of Ultron n’est pas un mauvais film. Il a l’avantage d’apporter beaucoup de sang neuf dans les rangs. Mais on ne peut se débarrasser d’une impression de « peut mieux faire »…

[Xavier Fournier]