Oldies But Goodies: Boy Commandos #1 (1942) (2)

8 mai 2010 Non Par Comic Box

[FRENCH] Pendant le Golden Age les héroïnes étaient peu répandues par rapport à leurs homologues masculins (il suffit de regarder les rangs de la Justice Society pour s’en convaincre). Aussi est-ce à la fois symptomatique mais également paradoxal qu’une des rares super-femmes de DC ait fait ses débuts dans une revue intitulée « BOY Commandos ». Sorte de sous-Wonder Woman, Liberty Belle avait la particularité d’avoir été basée sur une actrice réelle et resterait un personnage mineur pendant quelques années, sans se doute qu’elle deviendrait, bien plus tard, la cheftaine du All-Star Squadron…

Boy Commandos était une revue consacrée aux exploits d’une troupe homonymes de jeune héros, créés par Joe Simon & Jack Kirby. Pour varier les plaisirs, cependant, l’éditeur avait jugé utile d’y adjoindre une back-up feature (ce qui, dans l’industrie du disque, aurait été l’équivalent d’une face B) sous la forme d’une héroïne blonde à forte poitrine (mais cependant plus habillée que Wonder Woman) qui, époque oblige, fleurait bon le patriotisme. Telle que présentée sur la première page de ses aventures, Liberty Belle était « l’étonnante nouvelle série surprise de l’Amérique« , partant sans doute qu’il valait mieux titrer d’avance (quitte à mentir) sur un énorme succès. « Pour la Liberté, pour la Justice, nous vous donnons Liberty Belle !! Issue de la terreur enflammée qui ravage une moitié du monde, une nouvelle championne se dresse pour frapper en plein coeur la force brute…« . Liberty Belle, création de Chuck Winter et Don Cameron, est une jeune femme blonde en chemise bleue et culotte jaune, portant le drapeau américain comme une sorte de virago patriotique. Bien sûr, le modèle qui vient à l’esprit est de tout de suite l’héroïne majeure de DC, la brune Wonder Woman mais dès cette première page, on voit que l’héroïne se situe dans un contexte plus guerrier. Certes la Wonder Woman/Diana Prince des années 40 fait partie de l’armée et affronte son lot d’espions nazis. Mais (en dehors de nombreuses couvertures) elle se tient généralement à l’écart des tranchées et de la réalité des troufions, préférant affronter les créations du dieu Mars ou quelques adversaires extra-terrestres. Liberty Belle, elle, est plus terre-à-terre. Dès la première image on la voit guidant une escouade de soldats alliés, avec à ses pieds des soldats nazis morts et, dans le ciel, un avion Stuka tombant en flammes. Wonder Woman, créé quelques mois plus tôt, utilisait la guerre comme prétexte pour décorer ses aventures. Liberty Belle tient un peu de la démarche inverse : c’est un instantané de la guerre qu’on présente sous couvert d’un récit super héroïque.

Et bien que l’épisode soit publié en 1942, les auteurs débutent le histoire le premier septembre 1939, alors qu’Hitler décide de lancer ses forces à l’assaut de l’Europe et, dans un premier temps, de la Pologne. Tanks et avions nazis convergent alors vers Varsovie ou une certaine Libby Belle Lawrence rencontre un ami de son père, un certain Rickey Cannon. L’homme ne manque pas de complimenter la jolie blonde sur l’étonnante broche qu’elle porte à la poitrine. Libby explique alors que c’est une réplique miniature de la Cloche de la Liberté (dont l’original se trouve à Philadelphia) qui lui a été offerte pour avoir remporté une compétition d’athlétisme. D’emblée, on sait donc que Libby Lawrence est déjà à la base une sportive hors pair et qu’elle se trouve, par la force des choses, impliquée dans l’aube même de la seconde guerre mondiale. Son père, le Major James Lawrence, est l’attaché militaire de la délégation américaine en Pologne. Et il est visionnaire : il explique à Rickey Cannon comment le conflit ne concerne pas la seule Pologne maintenant que la Grande Bretagne et la France s’y sont engagé. James Lawrence devine qu’une bonne moitié du monde finira par être touchée par cette guerre. Devant ces nouvelles, la belle Libby, reconnaissable à son chignon, est furieuse : « Ces monstres nazis ! Si j’étais un homme j’irais les combattre…« . Et très vite elle s’interroge sur le fait que Rickey est un homme… mais ne fait pas mine de s’engager dans le combat. Rickey, lui, n’a pas l’air pressé de s’y mettre et refuse de s’impliquer dans quelque chose qui finirait par le faire tuer…

La scène change. De nouvelles villes polonaises sont tombées devant l’envahisseur et les nazis approchent encore plus de Varsovie. Libby, toujours en compagnie de Rickey, est désormais furieuse contre lui : « Comment peux-tu voir le travail de ces meurtriers et rester sans rien faire…« . Mais Rickey coupe court à la discussion. Des avions Stukas approchent… Ils feraient mieux de se mettre à l’abri. A l’abri ? Libby n’y pense même pas : Son père est resté à l’hôtel. Si une bombe touchait l’immeuble… Elle veut le prévenir. Mais quand elle arrive à proximité de l’hôtel, James Lawrence ne comprend visiblement pas les enjeux. Il reste à la fenêtre à lui faire un signe de la main… Ce qui est proprement surréaliste puisque si Libby et Rickey ont pu repérer à l’oreille des avions Stukas en approche, comment penser qu’un attaché militaire, lui, pourrait avoir besoin d’être prévenu par sa fille ? En toute logique il aurait du être en mesure de se mettre lui-même à l’abri au lieu de rester béat à sa fenêtre… Et ce qui devait arriver arrive : l’hôtel est bombardé. L’immeuble s’écroule et Libby trouve le cadavre de son père, celui qu’elle considérait comme « le meilleur père de la Terre » dans les décombres. Rickey arrive et constate que Libby se retrouve seule au monde désormais : « Pauvre Libby ! Tu auras besoin de quelqu’un pour veiller sur toi maintenant. Et si tu me laisse…« . Bref, Rickey tire visiblement des plans sur la comète et se verrait bien en train de prêter une épaule compatissante (ou toute autre partie de son anatomie dont la belle aurait besoin). Malheureusement pour Rickey, Libby l’associe désormais à tout ce qui représente la lâcheté. Elle décide de ne plus jamais lui adresser la parole. Et Rickey, déçu, s’en va, en baissant les épaules. Libby se dit que finalement elle a peut-être été un peu dure, qu’il avait peut-être une bonne raison pour ne pas se battre… Mais le sort en est jeté. Les chemins de Rickey et de Libby se séparent…

Mais elle n’a peut-être pas bien choisi son moment pour refuser la seule main qui se tendait : Libby Lawrence se retrouve seule dans une Varsovie désormais tombée aux mains des nazis. Faisant son possible pour passer inaperçue, se cachant quand besoin est, elle devient un témoin impuissant des horreurs de la guerre. Elle voit les exécutions sommaires, les rafles qui emmènent « des centaines de milliers de gens en Allemagne où ils deviendront des esclaves… D’autres centaines de milliers vont dans des camps de concentration où ils seront torturés ». Bien sûr, la réalité est plus horrible que ce que Libby et les scénaristes de l’époque peuvent imaginer. Mais la représentation est cependant assez réaliste et beaucoup plus terre-à-terre que ce que les aventures de super-héros de DC montrent à ce moment-là. En particulier parce qu’on y dépeint les mauvais traitements des civils… Libby finit par décider qu’elle en a assez vu et qu’elle doit s’enfuir de Pologne pour raconter au reste du monde ce qu’elle a pu voir. Mais alors qu’elle se glisse dans la rue, elle est arrêtée par une patrouille allemande pour s’être aventurée dans un secteur interdit. Quand un colonel nazi arrive et demande ce qui se passe, Libby manque de défaillir : C’est Rickey Cannon ! L’autre la contredit : il s’appelle le Colonel Krupp et elle doit impérativement le suivre. Libby pique une nouvelle colère (la troisième en quatre pages, c’est qu’elle a du tempérament !). Bon sang ! Mais c’est bien sûr ! Si Rickey ne voulait pas aller combattre les nazis c’est qu’il était en fait un espion à leur solde ! Mais Rickey/Krupp lui ordonne de la suivre et elle n’a pas le choix, convaincue qu’elle va être exécutée… A sa grande surprise l’homme l’accompagne jusqu’au plus proche aéroport et la laisse prendre un avion en partance pour la Hollande. Quand elle s’en étonne, Rickey/Krupp lui répond que l’Amérique et Allemagne ne sont pas en guerre, en tout cas pas à l’instant T (petite remarque qui s’adresse sans doute au lectorat de 1942 pour lui rappeler que l’action se passe en 1939). Il a donc la possibilité de la laisser partir. Mais Libby n’est pas dupe : elle sait bien que Rickey vient de sauver sa vie… Mais comment ressentir de la gratitude envers un espion qui travaille pour le camp qui tué son père ?

Arrivée en Hollande Libby rencontre les autorités et raconte les horreurs qu’elle a pu voir. Mais même si on la croit, les hollandais montrent peu d’inquiétude. Les Allemands ont assuré la Hollande qu’elle serait traitée comme un pays neutre… Le 10 mai 1940, Libby est encore là quand les nazis attaquent, rompant ainsi la parole donnée aux hollandais. Seule dans les rues, alors que la ville est détruite par les bombardements, Libby se lamente « Ils n’ont pas voulu m’écouter ! Personne ne peut donc arrêter cette terrible machine de guerre ?« . Et le sort la réunit à nouveau avec Rickey Cannon (ou le Colonel Krupp) en pleine rue. Libby se demande si cette fois aussi il a joué les espions pour préparer l’invasion nazie. Mais il l’interrompt : A moins qu’elle veuille passer le reste de la guerre dans un camp de concentration, elle doit impérativement le suivre. Et Rickey lui permet une nouvelle fois de quitter un pays envahi par le III° reich.

Cette fois le moyen de s’échapper est moins confortable : elle doit se cacher dans une charrette pleine de foin qui, si tout va bien, pourra l’emmener jusqu’en France. Mais une charrette, dans une Europe ravagée par la guerre, c’est un moyen de locomotion bien lent. Le temps que Libby Lawrence arrive en France, les forces alliées sont en train d’être repoussée à la mer, lors de la bataille de Dunkerque. La voici donc à nouveau témoin d’un tournant de l’Histoire… Au passage, cette référence à la bataille de Dunkerque de 1940 s’inscrit dans une véritable mode qui concerne plusieurs super-héros patriotiques de 1942. Il s’agit à chaque fois de donner une crédibilité historique à un personnage guerrier qu’on a créé après coup. Aussi dans Daring Mystery Comics #8 (Marvel/Timely), on apprend que l’origine du Citizen V est liée aux événements de Dunkerque, tout comme Captain Commado dans Pep Comics #30 (MLJ/Archie) et quelques autres personnages du même type. La bataille de Dunkerque est une sorte de rendez-vous historique dans lequel s’inscrivent les super-héros de différents éditeurs, un peu comme un crossover inter-compagnies qui s’ignore. Mais à Dunkerque, ce n’est pas un autre super-héros patriotique qui vient sauver Libby mais à nouveau Rickey, cette fois habillé en soldat allié. Il lui fait prendre place dans une chaloupe qui retourne en Angleterre, en lui conseillant de prendre le premier bateau en partance pour les USA. Mais Libby est horrifiée. Si Rickey est là, dans cette tenue, c’est qu’il est sans doute en train d’infiltrer l’armée anglaise en prévision d’une prochaine invasion de la Grande Bretagne !!! Le voyage vers l’Angleterre est un peu plus mouvementé que prévu : le convoi de bateaux est bombardé par les allemands et Libby doit finir la traversée de la Manche à la nage, en se félicitant d’avoir gagnée des médailles de natation… Une nouvelle fois on nous montre donc qu’elle est une excellente sportive… Bien qu’elle arrive inconsciente à Douvres, portée par les vagues, elle est recueillie par des anglais et devient une sorte de petite célébrité : la femme américaine qui est arrivée à échapper aux nazis dans quatre pays ! Le premier ministre anglais lui demande donc de retourner aux USA et de raconter tout ce qu’elle a vu, de manière à ce que le pays comprenne l’importance du danger.

Cette fois, Libby n’est pas attaquée par un sous-marin nazi et arrive sans encombre dans le port de New York, passant devant la Statue de la Liberté en se faisant la réflexion qu’elle n’en avait jamais réalisé la valeur auparavant… Une fois le pied posé à terre, elle est accueillie comme une héroïne nationale et devient une chroniqueuse célèbre dans les journaux et à la radio, partant du principe que contrairement à la plupart de ses compatriotes elle a vu de ses propres yeux la guerre en cours. Intelligente, physiquement parfaite, elle devient une partisane farouche de l’entrée en guerre des USA afin d’écrases les nazis ou les japonais… Puis un jour (sans doute en 1942), alors qu’elle est à Philadelphie, elle se décide d’aller voir la Cloche de la Liberté… L’objet dont elle porte une réplique-miniature. Elle est convaincue que ce talisman a été une sorte de porte-bonheur lors des épreuves qu’elle a traversé. Mais alors qu’elle se tient à côté de la vraie cloche, une chose bizarre se passe. La petite cloche que Libby porte en broche se met à vibrer en écho à sa « grande soeur ». Libby se sent comme rechargée, plus forte, plus brave ! Le narrateur de l’histoire tente de nous expliquer alors qu’il existe une explication scientifique à ce « miracle apparent » : Chaque métal aurait sa propre longueur d’onde, à laquelle les métaux similaires répondent… Une longueur d’onde qui peut avoir également une profondeur mystique (laquelle agit ici). Les épreuves subies par Libby n’auraient alors été qu’une sorte de préparation avant d’en arriver là, à une sorte de métamorphose discrète. Il est certain que le destin joue des tours car moins d’une heure plus tard Libby croise dans la rue… Rickey Cannon en train de parler à un autre homme. Ici ? Après tout ce temps ? Confuse, Libby ne sait que penser. Après tout il lui a sauvé la vie plusieurs fois. Elle devrait peut-être aller lui parler ? Mais alors qu’elle s’approche et qu’elle perçoit des bribes de leur conversation, il devient manifeste qu’ils complotent tous les deux, se donnant rendez-vous le soir même. Cannon, qui n’a pas aperçu Libby, prend alors congé du mystérieux Monsieur Wolff, un nom à forte consonance germanique…

Libby devrait dénoncer Cannon à la police ? Sans doute. Mais elle n’est pas tout à fait sure de ce qui se passe. Et si jamais ce n’était pas ce qu’elle pensait, n’aurait-elle pas l’air ingrate envers l’homme qui lui a plusieurs fois sauvé la vie ? Si. Bien sûr. Elle décide alors de prendre les choses en main.

Elle rentre chez elle et, en s’aidant de ses différentes tenues de sport, se tisse un costume d’aventurière, reconnaissable à un logo en forme de cloche rouge. La particularité de cette tenue (en particulier pour ceux qui ne connaissent que le costume moderne de Liberty Belle) est qu’elle ne comporte aucun masque : l’idée est que Libby peut défaire son chignon, libérant ainsi une épaisse mèche qui lui cache une partie du visage et empêche qu’on la reconnaisse.

En fait, pour qui est assez cinéphile, il est manifeste que les auteurs de l’histoire se sont inspirés de l’actrice Veronica Lake, connue à l’époque pour porter souvent ses cheveux de ce côté, ce qui lui cachait la moitié du regard. Tant que Libby porte le chignon, la ressemblance n’est pas forcément remarquable. Mais dès qu’elle devient son alter-ego, l’influence ne fait aucun doute. On est ici un peu dans le même registre que quand Dave Stevens calquera plus tard une des héroïnes sur la pin-up girl Betty Page ou, plus récemment, quand Bryan Hitch donnera à son Nick Fury les traits de Samuel Jackson… « Et si quelqu’un me demande qui je suis, je répondrais que… hé bien mon nom est Liberty Belle !« 

Le soir venu, Liberty Belle se rend donc au lieu de rendez-vous dont elle a entendu parler quelques heures plus tôt. Et c’est effectivement un repère d’espion nazis ! Rickey est donc bien un espion ennemi ! Mais il y a tant de saboteurs que Libby est déjà en train de réaliser qu’elle ne pourra pas les capturer à elle seule. Mais il lui reste une grosse surprise à découvrir : alors qu’un des nazis annonce avoir reçu de Berlin des documents importants, Rickey fait mine de prendre dans sa poche un stylo et en ressort… un revolver ! Il a en fait toujours été un agent double, faisant semblant d’être nazi alors qu’il travaillait pour les services secrets de l’armée ! « Himmel ! Il être un traître d’espion américain » s’écrie Herr Wolff. Mais seul, Rickey ne fait pas plus le poids. Un des allemands l’assomme par derrière… Heureusement Liberty Belle est là ! Elle passe à travers la fenêtre et s’empare des documents si importants, avant de s’enfuir dans la proche forêt. Pour elle, il s’agit de faire diversion : pendant que les nazis courent après elle et les documents, ils laissent Rickey tranquille… Planquée dans les arbres, l’athlète exceptionnelle qu’est Libby (qui plus est « rechargée » par les vibrations mystiques de la Cloche de la Liberté) n’a pas de mal à venir à bout des espions, petit groupe par petit groupe…

Quand Rickey Cannon revient à lui, il trouve devant lui la blonde vaporeuse qui lui donne le précieux porte-document. Quand, séduit, Rickey (qui ne réalise pas qu’il s’agit de Libby) lui demande s’il la reverra à nouveau, Liberty Belle répond : « J’espère que tu me verras souvent, à chaque fois qu’il faudra capturer des espions et des traîtres !« . L’épilogue montre forcément Rickey Cannon et Libby Lawrence, le lendemain, alors que les journaux font leurs gros titres sur Liberty BELL (et non pas BellE), la mystérieuse héroïne qui a déjoué les plans des nazis. Libby s’excuse d’avoir soupçonné Rickey d’être un traître. Mais l’homme la rassure… Comment aurait-elle pu penser autrement ? Il devrait maintenir sa couverture. Mais Rickey est très intéressé par les nouvelles activités de Libby. Dans ses articles, elle a écrit que l’énigmatique Liberty Belle peut être contactée via Tom Revere, le gardien d’Independence Hall (là où est conservée la Cloche de la Liberté). Rickey en déduit que pour en savoir autant Libby doit connaître Liberty Belle et qu’elle pourrait peut-être faire passer un message… que Rickey trouve Liberty Belle… merveilleuse et magnifique, qu’il voudrait la revoir… Libby l’interrompt en lui conseillant de passer par Tom Revere pour ce genre de chose. Il sonnera la cloche et Rickey pourra alors lui dire tout cela lui-même… L’idée étant visiblement que la Cloche de la Liberté agit comme un équivalent sonore du Bat-Signal. Quand on a besoin de Liberty Belle, le gardien fait sonner la cloche…

Par la suite, sans doute que l’éditeur réaliserait qu’il était incongru de placer une héroïne dans une revue portant bien haut le mot « Boy ». Liberty Belle serait rapidement transférée vers une autre anthologie, Star Spangled Comics. N’empêche qu’à travers ce déménagement ses aventures dureraient jusqu’en 1947. Soit cinq ans d’activité, ce qui fait d’elle l’héroïne DC du Golden Age à la carrière la plus longue après Wonder Woman, surpassant même des figures comme Black Canary ! Si c’est un exploit en soi-même l’impact de Liberty Belle allait être très discret. Elle n’allait pas réellement apparaître ailleurs, n’allait pas s’intégrer dans des équipes… Bref, elle n’allait pas laisser de traces et après sa disparition en 1947, il faudrait attendre 1981 pour qu’on la voit à nouveau dans un comic-book, toujours dans des aventures se déroulant pendant les années 40 mais qui allaient cette fois lui donner plus d’importance du point de vue universel. Elle serait un membre fondateur du All-Star Squadron (sorte d’équipe soeur rétroactive de la Justice Society of America) dont elle deviendrait le leader. La Liberty Belle que connaissent les lecteurs de ces dernières décennies est un peu différente. D’abord parce qu’elle porte un masque : Veronica Lake étant passée de mode, la plus grande partie du lectorat n’aurait pas compris l’allusion. A partir de là un masque traditionnel redevenait possible, voir nécessaire. Le scénariste d’All-Star Squadron, Roy Thomas, introduira quelques nuances : en cas de besoin, Libby peut téléphoner au gardien Tom Revere pour qu’il sonne la vraie Cloche de la Liberté. Par « résonance », la petite cloche que Liberty Belle porte (ici en boucle de ceinture, et qui est désormais supposée être un fragment de la grande cloche) recharge l’héroïne au point de lui permettre d’émettre des rafales soniques. Enfin, la Liberty Belle du All-Star Squadron ne fricote pas/plus avec Rickey Cannon mais s’éprend assez rapidement d’un autre héros journaliste, le super-rapide Johnny Quick (Roy Thomas reproduisant ici le schéma d’un couple déjà vu dans sa série Invaders, Miss America & le Whizzer).

En 1992, dans la série Justice Society of America vol.2 (écrite par Len Strawzewski et dessinée par Mike Parobeck), certaines allusions et previews montraient qu’une nouvelle Liberty Belle, sans doute fille de Libby et de Johnny Quick, s’apprêtait à rejoindre les rangs de la JSA. Hélas, la série fut arrêtée avant que la chose devienne réalité. Quelques temps plus tard, dans la série Flash, on découvrirait bien une fille du couple mais elle opérait sous l’identité Jessie Quick. C’est à dire qu’elle tenait plus de son père que de sa mère, avec qui les relations étaient houleuses (et en partie inspirées des relations mère/fille des deux Silk Spectre de Watchmen). Il faudrait attendre en 2007 la relance de l’actuelle série Justice Society of America pour que Jessie, ayant temporairement perdu ses pouvoirs de super-vitesse, devienne la deuxième Liberty Belle, réalisant une prédiction qui remontait à 1992… Il est arrivé que certains des dessinateurs donnent à Jessie/Liberty Belle II la fameuse mèche sur le côté de Veronica Lake mais la plupart des lecteurs n’auront sans doute pas saisi la double allusion à l’actrice et à la version première de l’héroïne…

[Xavier Fournier]