Trade Paper Box #38: Star Wars: Mondes infernaux

27 mars 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] Saga magique aux volets cinématographiques sanctifiés, monument californien aussi influencé par les tragédiens grecs que par Kurosawa, Flash Gordon ou Hasbro, « les guerres de l’étoile » sont imprévisibles et sans limites. Les six films, les bouquins, les fantastiques jeux KOTOR… Le trip ultime, permanent. Une institution, quoi.

C’est donc promptement que la dernière publication des éditions Delcourt est arrivée sur l’étagère de votre serviteur. Avec une certaine méfiance aussi, tant la très forte relation qui unit cet univers aux comic-books, aussi riche soit-elle, a parfois été le creuset de productions assez « perchées » ou hors sujet. L’album de cette semaine appartient à cette catégorie. Puisant dans les montagnes d’épisodes produits depuis le premier partenariat avec Marvel Comics, ces aventures dessinées de Luke, Leia et Han s’éloignent considérablement de la scénographie figée par George Lucas au cinéma. Loin d’être aussi nébuleux, volontairement plus naïfs et ramassés, et rattachés en dernière minute à l’Univers Etendu, ces « Mondes infernaux » sont à classer parmi les produits exotiques de la série.

D’abord produits dans les années 1980 par Marvel UK, puis réédités par Dark Horse en 1996, ces épisodes sous-titrés « Devilworlds » nous parviennent aujourd’hui accompagnés d’un one-shot « Tales from Mos-Eisley ». Ils présentent également la particularité d’être – très partiellement – signés d’Alan Moore. Ah bon ?

« I have a bad feeling about this »

Au menu, 10 formats courts dans la galaxie Star Wars, pour une vraie question : êtes-vous réellement prêt à savoir comment Vador fait pour gagner aux échecs ? La cruauté d’Anakin Skywalker est-elle capable de le mener plus loin que nos champions hexagonaux ?

Des Britanniques en orbite

Organisé en une suite d’aventures expéditives, l’album de cette semaine sort clairement de la tonalité épique et de la recherche de cohérence généralement associés à l’Univers Etendu de Star Wars. Point d’indicateurs temporels ici, car seuls les grands thèmes et repères de la saga sont utilisés. Affranchis de la continuité – ou tout du moins très flous sur celle-ci – Alan Moore, Steve Parkhouse (« Doctor Who », « 2000 AD », « Milkman Murders ») et Steve Moore (« Tharg’s Future Shocks » dans « 2000 AD », « Warrior ») nous offrent des vignettes psychédéliques, riches en personnages tentaculaires et globuleux chers aux amoureux de la première trilogie. C’est d’ailleurs le contexte de l’épisode IV qui s’apparente comme le plus proche de ces saynètes. Sans même discuter du fond, ces épisodes s’avèrent donc dispensables tout d’abord en raison de leur faible apport au background des héros principaux. Après, pour tout fan désireux de s’offrir quelques fables inédites, c’est toujours agréable de savoir que Vador a exécuté froidement un poulpe ou de découvrir comment Han Solo a mis la main sur le Faucon Millenium – encore qu’il s’agisse d’une version différente du récit acté par les « guides galactiques » officiels.

Sorties tout droit de l’école Marvel UK, les planches de l’album, en revanche, sont assez objectivement tristounettes, voire franchement laides. Le dessin a donc énormément vieilli – qu’il s’agisse du travail d’Alan Davis, pourtant exceptionnel depuis fort-fort longtemps, de John Stokes (« FishBoy », « Black Knight », « The Invisibles ») ou d’Adolfo Buylla (« Space » chez Charlton, « Empire Strikes Back » chez Marvel). Autant de productions de jeunesse qui ne sont pas indignes, mais restent très en deçà de la moyenne. Seul Bret Blevins (« The New Mutants ») parvient à tirer son épingle du jeu, avec trois histoires bien plus abouties techniquement. Et puis, que dire des couleurs de 1996, sinon qu’elles sont, là encore, rudimentaires et criardes. On se situe donc à des années-lumière du style léché dont augurait pourtant la couverture (signée C. Moeller).

Libéré d’une cuve à bacta

« Mondes Infernaux », c’est du Star Wars old-school, en mode cantina tatooinienne. Et comme dans tout réfectoire, on trouve à boire et à manger. Le recueil, adossé à la renommée d’Alan Moore, ne brille guère par son intérêt intrinsèque et reste réservé aux plus complétistes des fans de Skywalker. Bien sûr, il reste facile à lire et à « consommer », mais n’apporte pas grand-chose au canevas d’origine. Ces épisodes sont en quelque sorte les ancêtres d’une série télévisée comme « Clone Wars », avec laquelle George Lucas tente aujourd’hui de retrouver une ambiance détendue de pulp/SF parfois mise de côté. En définitive, plus encore qu’une cantine, ce tome doit être entendu comme une auberge espagnole : votre baluchon de voyageur interstellaire est-il plein de goodies Star Wars ? Dans ce cas, vous n’êtes plus à 96 pages près, même lorsqu’elles sentent la naphtaline. Les amateurs plus tatillons resteront, quant à eux, sur leur faim.

[Nicolas Lambret]

« Star Wars – Mondes infernaux », par Alan Moore, Steve Parkhouse, Steve Moore, Bruce Jones (scenario), John Stokes, Alan Davis, Adolfo Buylla, Bret Blevins (dessin), Editions Delcourt, février 2011, 96 p.