Trade Paper Box #27 – Simon Dark T1 : « Ce que fait Simon »

9 janvier 2011 Non Par Comic Box

[FRENCH] Entre 2007 et 2009, l’univers DC et la ville de Gotham City accueillaient un nouveau protecteur, bien plus inquiétant encore que le Dark Knight. Etait-ce le masque, cousu très grossièrement, à l’image d’un célèbre groupe de rock de l’Iowa ? Probablement, car à l’opposé d’une apparence des plus torturées, le personnage de Simon Dark est fondamentalement un parangon de justice. Et tout comme la musique a probablement inspiré son esthétique à ses créateurs – Steve Niles (« 30 Days of Night », « Mystery Society ») et Scott Hampton (« Batman : Night Cries », « Sandman Presents : Lucifer ») – la personnalité et les forces qui animent ce personnage émouvant sont bien moins caricaturales qu’il n’y paraît… Au-delà du gore apparent de certaines scènes – qui ne passionne guère votre serviteur –, la grande valeur de ce récit provient surtout de son approche du surnaturel dans un univers urbain des plus vérolés. Côté VF, le premier tome dont il est aujourd’hui question rassemble les six premiers des 18 épisodes que compte la série.

Wait & bleed

Le crime prospère dans le « Village », ce quartier fort modeste de Gotham City. Violences extrêmes et macchabées rythment le quotidien de la police et de la légiste Beth Granger. Plus surprenant (sic), les rîtes occultes sanglants se sont même banalisés, et sont passés sous silence, en toute impunité… Dans ce pandémonium terrestre, une comptine se répand également. Chantée par les enfants du coin, connue de tous, elle raconte qu’un homme, Simon Dark, veille «  tapi dans l’ombre » sur ces petites gens et solde, le moment venu, le compte des criminels. Et depuis quelques jours, force est de constater que la légende urbaine semble trouver une réalité, avec la mort suspecte de plusieurs « intouchables »…

Ce monstre qui vous veut du bien

Habitué des ambiances sombres, Scott Niles est ici l’architecte d’une histoire centrée sur un personnage attachant, et qui ne pourrait exister sans cette Gotham City très réaliste, et plus dérangeante encore que dans les pages de Batman – où le crime « ordinaire » est souvent mis au service des pensionnaires d’Arkham. La ville, ou plutôt son « Village », est dépeinte sous des aspects à la fois crédibles et « gênants », de telle sorte que le lecteur parvient aisément à considérer comme crédible l’existence même d’un Simon Dark.

La beauté graphique de ces 6 épisodes est indéniable et soutient à merveille la subtilité du script. On retrouve dans chaque scène une grande maîtrise esthétique, tant dans le cadrage que les décors ou l’anatomie. Scott Hampton démontre une nouvelle fois qu’il est un grand illustrateur et un grand narrateur, ça ne fait pas un pli. Les couleurs de Chris Chuckry (http://frogrocket.blogspot.com) sont elles aussi assez fabuleuses, et donnent l’impression d’un lavis directement appliqué sur un crayonné très peu encré. C’était assez inattendu sur la seule base de la couverture, mais cette BD est éminemment humaine et souvent touchante.

Sous le masque, un abîme de questions

Enfant perdu, jeune homme sans souvenirs, les errances de Simon sont passionnantes à suivre. Chacune de ses apparitions reste un mystère pour le lecteur, qui se trouve ainsi placé au même niveau que les différents protagonistes impliqués dans cette sombre « comptine ». L’atmosphère qui règne ici, grâce à l’excellent travail graphique de Scott Hampton et à la narration très délicate de Steve Niles, nous entraîne dans les entrailles du Gotham le plus tordu qu’il nous ait été donné de lire depuis longtemps. Un délicieux travail de patchwork recompose ainsi, progressivement, les bribes d’un passé décousu, et nous fait attendre chaque révélation avec un plaisir évident.

Seul bémol, pour la forme, une police de caractères assez inélégante pour le logo de cette série. Mais, là-dessus, il est évident que l’éditeur français ne dispose d’aucune marge de manœuvre. Alors, le second tome étant paru le mois dernier (il est intitulé « Cendres »), vous l’aurez compris, la suite des aventures de Simon sera dévorée avec un enthousiasme certain. Si l’on peut cependant douter de la capacité du personnage à acquérir sur la durée une épaisseur sinon une « fonction » dans l’univers DC, les origines de cet étrange « justicier » demeurent, en tant que telles, captivantes dès les premières pages. A réserver aux lecteurs (vraiment) avertis, toutefois !

[Nicolas Lambret]

« Simon Dark – T1 : Ce que fait Simon », par Steve Niles (scénario) et Scott Hampton (dessin), Panini Comics, Coll. Panini Dark, décembre 2009, 126 p.