Avant-Première VO: Review Marvel Legacy #1

Avant-Première VO: Review Marvel Legacy #1

28 septembre 2017 Non Par Xavier Fournier

Dans la geekosphère, l’Espoir est une valeur absolue que l’on associe plus volontiers avec le logo de Superman où le vocabulaire de Star Wars. Marvel, c’est plutôt le sale gosse, le cynique de la bande. En tout cas d’habitude. Avec Marvel Legacy #1, Jason Aaron, Esad Ribic et une floppée d’auteurs ramènent pourtant la valeur espoir dans l’univers Marvel. Collez-vous en bande-son « Ainsi parlait Zarathoustra » de Strauss ou bien Hans Zimmer en mode organiste dérangé sur Interstellar. Parés ? Allons explorer un univers.

Marvel Legacy #1Marvel Legacy #1 [Marvel Comics]
Scénario de Jason Aaron
Dessins de Esad Ribic, Steve McNiven et divers
Parution aux USA le mercredi 27 septembre 2017

Un million d’années en arrière, un groupe de personnages hors du commun s’est assemblé pour faire face à quelque chose qui menaçait la Terre. Aujourd’hui leurs descendants, leurs successeurs ou leurs remplaçants, en un mot leurs héritiers, parcourent le monde sans forcément avoir conscience de ce passé. Car il ne s’agit pas seulement d’hériter de pouvoirs ou d’accessoires mais aussi de réaliser ce que les ancêtres ont enterré « sous le tapis » et qui risque maintenant d’exploser à la figure de l’humanité toute entière. Il y a là-dedans beaucoup des fondamentaux de Jason Aaron (le « secret de famille », appliqué aussi bien dans le passé récent à Thor: God of Thunder ou Original Sin) mais aussi un appel du pied assez marqué à une autre forme d’héritage, celui de Jack Kirby. Et puis il y a le cahier des charges. Officiellement Marvel vous dira que non, que ce n’est pas le cas (parce que, évidemment, cela la fout un peu mal) mais Legacy #1 cherche à être pour l’éditeur ce que fut DC Universe Rebirth #1 pour la distinguée concurrence en 2016. Mais l’objectif est là. Pas pour nous donner quelque chose de comparable aux effusions d’un Wally West tombant dans les bras d’un Barry Allen, pas pour ramener de la camaraderie dans un univers qui s’en était amputé, mais pour rechercher un certain parfum mystique. Les Américains parleraient de « ramener la magie ». Ce n’est pas un retour pur et simple en arrière (le Ghost Rider actuel ou Iron Heart sont en bonne place dans ces pages, assez pour montrer qu’il n’est pas question de les rayer de la carte), mais l’ajout ou la réapparition d’une valeur un peu arthurienne, de chevaliers de la Table Ronde depuis longtemps disparus et de héros se réunissant autour de cet « espoir » que je mentionnais plus tôt. Ainsi, il est plus fort de montrer l’absence de Tony Stark, un peu comme un linceul que d’autres, ailleurs, ont trouvé vide plutôt que de le ramener directement. Le retour d’un certain personnage, tout auréolé d’une lumière bleue (et pourtant ce n’est pas Doctor Manhattan) qui fera sans doute beaucoup parler. Certains diront que le retour en lui-même était couru d’avance, passant à côté du fait que le plus important n’est pas ce que l’on voit mais ce que l’on ignore. La question, ce n’est pas « qui ? » mais « comment ? » ou « pourquoi ? ». L’important, c’est ce qui n’est pas là, le mot d’ordre du suspens mais aussi du désir : Il y a une page dans ce numéro, qui montre The Thing et Human Torch discutant ensemble, qui résume à elle seule tout l’épisode et, sans doute, toute la mission de Legacy, avec la simple utilisation d’un signe de ralliement, qui du coup prend un peu l’importance qu’avait le marteau de Thor tombant dans l’Amérique profonde il y a quelques années, avant le relaunch par JMS et Coipel. Et puis il y a aussi comme une promesse finale, jusqu’à la dernière case…

« I already know which universe I’d like to be exploring. »

Si Marvel Legacy #1 lorgne sur DC Universe Rebirth, sa structure narrative emprunte aussi à d’autres comics de DC (en particulier le retour de Barry Allen, juste avant Final Crisis, qui était construit sur le même genre de monologue, organisé pour qu’on ne comprenne qu’à la dernière page qui est le narrateur. Là où Marvel Legacy #1 n’est pas un Rebirth ou une résurrection du genre c’est que quelque part dans le ventre mou du numéro, l’enchaînement de scènes et de nouvelles intrigues se transforme en sampler. La présence de Doctor Strange, Iron Fist ou de Norman Osborn se limite à du « face dropping » histoire de dire que l’on a fait de la pub pour les séries concernées mais les choses sont posées là, un peu comme si on les avait oublié sur la table, comme si Aaron avait lâché le volant en disant « tiens, de telle à telle page, lâchez-vous, insérez votre promo ». Même la page qui fait référence à Asgard, qui relève de ce qu’Aaron organise pour le futur de la série Thor, tient de la page de pub sans réellement s’intégrer dans l’ensemble. Sur ce tronçon du numéro, on a plus la sensation de lire quelque chose qui s’apparente au Avengers #0 de la phase All-New All-Different Marvel, quelques années en arrière. Tous ces segments ne sont pas égaux, certains s’en tirent bien mieux pour poser le mystère. On parlait il y a quelques lignes d’Iron Man mais les Avengers semblent faire face une forme de retour très particulier… dans le sens où il s’agit de quelqu’un qui n’est jamais réellement parti (une nouvelle sorte de Sentry ?), Black Panther élargit considérablement sa visée et une certaine planète appelle à l’aide… Si parfois l’énumération des scènes noie un peu la démarche, cette dernière reprend ses droits à mesure qu’on s’approche de la fin, qu’un effet de point d’orgue se met en place, qu’il y a un retour annoncé, bien servi, le sentiment de ce qu’est Legacy s’approfondit jusqu’à la dernière page. Le numéro commence en explorant le passé lointain de l’univers Marvel, en reproduisant des figures connues sur un ton primitif. Il s’achève en nous parlant de futur, mais là aussi avec d’autres visages familiers. En cours de route les intrigues sont là, les pistes sont lancées. Ça n’a pas le côté naïf d’un Wally West retrouvant Barry, non, mais le job est fait, diablement fait, pour synchroniser les montres et planifier la nouvelle phase de Marvel, avec assez de gemmes planquées là-dedans pour nous donner envie de lire la suite. On parlait de la « valeur Espoir » en ouverture… Espoir se dit « Hope » en anglais, un mot de quatre lettres… c’est particulièrement approprié dans ce contexte.

[Xavier Fournier]