Trade Paper Box #70: La Confrérie des Cartoonists du Grand Nord

Trade Paper Box #70: La Confrérie des Cartoonists du Grand Nord

18 novembre 2012 Non Par Comic Box

[FRENCH] C’est bientôt l’hiver, le froid s’installe progressivement et vous commencez à rêver de pistes enneigées, de raclette party et de lecture pelotonné au coin du feu? Comic box a sélectionné pour vous le compagnon idéal dans ce cadre idyllique, il s’agit d’un petit nouveau paru dans sa version française chez Delcourt. Cet ouvrage élégant est le résultat d’une compilation de planches extraites des carnets du dessinateur Seth précédemment en charge de Wimbledon Green. Ces carnets entamés à l’origine nous explique-il en préambule sans visée de publication et dont le contenu à su mûrir pour finalement s’imposer à son auteur.

Partez à l’assaut de l’univers de l’illustration canadienne…

L’artiste nous propose une plongée à la découverte de l’univers assez méconnu de l’illustration canadienne à travers le prisme de la GNBCC (Great Northern Brotherhood Canadian Cartoonists), la confrérie des cartoonists du Grand Nord pour sa version française, qui est basée à Dominion. La ville et la confrérie elle-même sont évidemment tout droit sorties de l’imagination de l’illustrateur. On y découvre successivement un panel de séries présentées comme familières au public canadien, des héros populaires, kitsch, et certains des artistes phares qui ont traversés le siècle précédent, qu’ils soient réels ou pas. Ces éléments sont présentés comme autant de références appartenant pleinement au patrimoine culturel canadien moderne, depuis la fondation supposée du club en 1935. On suit surtout les pérégrinations intellectuelles de Seth qui prennent la forme d’une balade à travers le XXe siècle, entre réalité, fantasme et fiction avec une certaine délectation. Il se montre tantôt nostalgique, tantôt admiratif des fastes d’une époque révolue sans pour autant jamais tomber dans la complainte du « c’était mieux avant ».

Rendez-vous en terre inconnue

« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » chantait Charles Aznavour en 1965 et bien cet adage pourrait être repris pour qualifier la démarche de Seth. Pourtant cet ouvrage frais et léger dépasse le cadre strictement « informatif » puisqu’il demeure tout du long infiniment ludique. On y découvre les coulisses de la confrérie soumis à l’imagination du facétieux dessinateur. Il nous fait découvrir par ailleurs des séries et des personnages à l’image de Kao-Kuk l’astro-eskimo, de Canada Jack ou encore de Jocko, ainsi que des auteurs ayant marqué le siècle comme « les vrais » Doug Wright, et James Simpkins, ou encore Yvette Mailloux. Dans le même ordre d’idée, Seth va plus loin encore dans la développement de sa confrérie fictive, il donne une revue de détail très pointue de ses locaux et crée par exemple des distinctions censées honorer certains de ses membres émérites, à l’image du Jasper, ou du Journeyman. Seth nous transporte par ailleurs dans les arcanes des monumentales et énigmatiques archives du GNBCC, stationnées nous dit-il dans le grand nord canadien.

Cette balade nous transporte en enfance, réactivant au passage certains de nos souvenirs, relatifs à la bande-dessinée mais aussi au cartoons de l’âge d’or, comme les créations de Tex Avery ou de Walt Disney. Ce volume dépasse son objet, et possède une dimension dépaysante tout à fait inattendue, d’une part parce qu’il n’y est pas franchement question de notre époque et de nos expériences passées avec la bande-dessinée mais aussi d’autre part car l’ouvrage dégage indéniablement un charme un peu désuet.

Du dépaysement de la jeunesse

Seth se joue habillement de la contrainte « rigide » du gaufrier à 9 cases qu’il s’est imposé durant tout le volume, ce qui participe de l’impression générale d’une promenade à travers le temps et l’espace, à un rythme de croisière que l’on ne perd pas jusqu’à la fin de l’ouvrage. Certains passages sont moins convaincant que d’autres parce que peut être moins évocateurs ou parce qu’ils se réfèrent pourtant avec humour à des pans de cette culture daté, mais tout cela participe de l’intérêt du récit. Il rend finalement poétiquement et non sans dérision un vibrant hommage aux artisans passés et présents de la bande-dessinée propre à sa culture natale, qu’il nous fait partager avec brio. Un fort bel objet à conseiller en priorité aux amateurs d’histoire de la bande-dessinée et aux férus de culture populaire. En somme une idée de cadeau originale à l’approche des fêtes de fin d’année.

[Anne-Sophie Peyret]

« La confrérie des cartoonists du Grand Nord, l’histoire secrète de la G.N.B.C.C. », par SETH (scénario et dessin), Editions Delcourt, octobre 2012, 135 p.