Comic Box Virgin #24 – La Vie est belle malgré tout
5 mars 2009[FRENCH] C’est le malgré tout auquel il faut se raccrocher. Le malgré tout qui fait un croche-patte aux optimistes, comme un appendice qui chatouille de temps en temps le moral. Le malgré tout qui fait de cette BD un prisme de réalité qui a déchiré le voile des illusions (une pensée émue pour ce gai luron de Schopenhauer qui a mis un peu de piquant au bonheur). Personne un tantinet dépressive s’abstenir. La rédaction décline toutes responsabilités aux tentatives de suicides ratés après lecture de comics réussis. Rangez les lames de rasoir (vous ne trouverez rien de barbant, alors à quoi bon ?, comme aurait dit Arthur), les sacs plastiques (ce n’est pas écolo) et les boîtes de somnifères (cette chronique est déjà suffisamment soporifique comme ça) après avoir lu les premières pages. Oui, c’est sûr, vous n’allez pas vous taper une franche partie de rigolade avec Seth… juste un peu d’émotion pour vous rappeler que la vie est belle malgré tout…
Y’a des hauts et des bas dans la vie. Seth a plutôt des bosses et des trous. Il n’arrive pas à mettre un peu de couleurs dans ses envies. Le quotidien a un arrière goût de nourriture « leader price ». Il n’arrive à trouver de l’intérêt à rien. Son rapport avec les femmes frôle le degré zéro de compréhension. Et même le cocon maternel ne parvient pas à le ressourcer. Une sensation de grand vide impossible à combler qui le rend aigri et le paralyse dans ses désirs. Heureusement que sa passion pour la BD va servir de moteur pour le remettre sur les rails de la vie…
L’appétit vient en vivant…
Les vertus thérapeuthiques de la BD… Un remède naturel plus efficace que les antidépresseurs. Seth trouve un sens à sa vie en projetant son énergie dans la recherche d’un auteur de BD des années 40-50 qui s’est évaporé mystérieusement des publications alors qu’il avait atteint le degré de reconnaissance souhaité de tous. La quête de Seth va le faire sortir de ces ornières du quotidien. Le faire retourner sur les pas de son enfance au Canada. Travail de fourmi pour retrouver les traces de Kalo qui s’est appliqué à brouiller les pistes. Kalo devient le reflet de l’existence de Seth, lui aussi, dessinateur de BD. Kalo était à l’apogée de sa carrière, et puis, sans raison apparente, s’est mis à publier dans des revus sans prestige pour finir par disparaître définitivement des parutions. Seth cherche à comprendre les motivations de Kalo en espérant inconsciemment trouver des réponses à ses propres angoisses. Réflexion sur la création, la célébrité, l’inanité du quotidien pourtant à la source de toutes les inspirations, ce roman graphique en bichromie est une lucarne sur l’univers du dessinateur.
Les chemins de la découverte…
Un dessinateur de BD qui raconte son histoire de dessinateur à la recherche d’un dessinateur… Une mise en abyme pour tromper l’abysse de l’existence. Seth se fait le héros discret et attachant de ce récit qui calque avec l’absurde de la réalité tout en lui apportant en filigrane ce qui donne un sens à ce « malgré tout » du titre: l’espoir. Dans son expédition initiatique d’un auteur à un autre, Seth découvre que derrière le dessinateur se cache un homme, avec ses doutes et ses désirs. Le dessin privilégie le détail, le texte s’enrichit des pensées de l’auteur qui remonte le fil des existences. Une introspection à la pointe du crayon qui donne sur le quotidien un autre regard.
[Ange Lise]
La Vie est belle malgré tout
Un roman graphique de Seth
Editions Delcourt, janvier 2009