Avant-première Comics VO: Stargirl Spring Break Special #1

Avant-première Comics VO: Stargirl Spring Break Special #1

25 mai 2021 Non Par Xavier Fournier

Cela aurait pu être un one-shot marquant le retour de Stargirl et de S.T.R.I.P.E. aux affaires, capitalisant sur l’existence de la série TV Stargirl. En fait Geoff Johns, Todd Nauck et Bryan Hitch en profitent pour ramener toute le Golden Age (ou presque). Pas seulement les Seven Soldiers mais aussi des points oubliés de continuité…

 Stargirl Spring Break Special #1Stargirl Spring Break Special #1 [DC Comics]
Scénario de Geoff Johns
Dessin de Todd Nauck, Bryan Hitch
Parution aux USA le mardi 25 mai 2021

Stargirl est désormais un nom qui compte dans la stratégie multimédia de DC, grâce à une série télévisée lancée l’an dernier (et dont la deuxième saison arrive dans les mois qui viennent). Cette donnée est évidente et essentielle pour comprendre pourquoi et comment, après plus d’une vingtaine d’années où elle n’a pas été la star (sans jeu de mots) de son propre comic-book l’éditeur a donné le feu vert d’abord à ce one-shot puis à la série illimitée qu’il annonce. D’ailleurs Geoff Johns et Todd Nauck font au premier abord un très bon job pour acclimater le public qui ne connaitrait que la version TV de Courtney. Rien que le look barbu du Shining Knight fait plus référence à ce qu’on a vu à l’écran qu’aux précédentes apparitions dans les comics de ce chevalier. Ca, c’est le premier abord. Dès la deuxième page Johns y va à l’artillerie lourde, sans retenue, sans compromis. Il retrouve le coffre à jouets qui a fondé sa carrière, il y a une vingtaine d’années et ramène la continuité ancienne sur le premier plan. Par continuité ancienne, ne comprenez pas seulement « ce qui existait avant 2011 et qui a été oublié pendant une dizaine d’années » mais encore bien avant. La scène d’ouverture rend à Green Arrow tout un pan de son histoire, totalement effacée depuis Crisis, en 1986. Rien que ça. Et après cette entrée en matière le scénariste y va à fond, créé des liens entre des héros modernes (Stargirl et Red Arrow) tout en empruntant à une floppée d’histoires passées (comme la mort du Crimson Avenger, lui aussi même pas mentionné depuis des lustres).

« The first Green Arrow was me. »

En un sens ce Spring Break Special a la densité de certaines sagas de Grant Morrison (sans revendiquer de côté de « méta »). On notera d’ailleurs que Johns ignore royalement, pour le coup, les Seven Soldiers de Morrison (pas de mention réelle, Vigilante ne semble pas dans l’état où Morrison l’avait laissé et enfin l’explication de Spyder comme septième soldat passe elle aussi à la trappe). Les deux auteurs se ressemblent cependant dans leur tendance à glisser de petites mentions, parfois un simple nom, pour insinuer un pan entier d’intrigue à venir. Comme le devenir des « enfants perdus » (y compris un nom connu qui fait hausser les sourcils) qui sera, à n’en pas douter, un fil rouge du comic-book à venir de Stargirl

« Past is prologue. »

Fidèle à une habitude qu’il a depuis Blackest Night, Johns termine avec quelques pages dessinées par Bryan Hitch qui nous donnent là-aussi un aperçu de choses à venir et passées. De quoi donner furieusement l’impression qu’on va retrouver sans trop tarder la Justice Society (ou même LES Justice Society à en juger par la dernière double page). Il serait temps puisque ramené dans la continuité depuis des années, après le premier crossover Metal, Alan Scott et les autres se bornent à quelques mentions épisodiques. Tout cela (le Spring Break et ses perspectives) ne peut qu’être sympathique à ceux qui ont le souvenir des JSA de Geoff Johns, les All-Star Comics de Conway et Levitz ou l’All-Star Squadron de Roy Thomas. Cela peut même sonner comme une sorte de revanche pour le coup d’ardoise magique qui a effacé ce passé en 2011 (en un sens les deux voyageurs du temps qui s’engueulent vers la fin, l’un disant à l’autre « pas touche à mon matos », sont un peu une parabole de ça). En quelque sorte c’est 2011-2020 qui serait effacé au bénéfice d’un retour au classique. Mais ce retour de manivelle n’est pas sans poser des questions sur la stratégie globale de DC Comics. Que les lecteurs d’antan le veuillent où non (et ce n’est pas un « lecteur récent » qui écrit ces lignes, il y a des gens qui sont arrivés entretemps, qui se sont mis à lire les comics depuis 2011. Et ironiquement ils sont un peu dans la position, aujourd’hui, de ces lecteurs de la JLA qui ont vu un jour débarquer « l’antique JSA », disparue… une dizaine d’années plus tôt. A l’époque, DC y été allé progressivement, réintroduisant les personnages à la longue, expliquant à mesure qu’il le fallait. Aujourd’hui, certes, le lecteur un peu perdu peu se lancer sur divers sites spécialisés pour espérer comprendre qui est qui, qui fait quoi. Mais le type d’écriture de Stargirl Spring Break Special #1 est réellement sans compromis en terme « d’affect ». C’est comme tenter de monter dans un train qui a déjà sa vitesse de croisière. Les fans de la JSA de Geoff Johns retrouvent, certes, un parfum dont ils ont été privé pendant dix ans. Et il est même permis d’espérer que ce Geoff Johns soit bien plus inspiré que lors de la bérézina Shazam. Mais les autres sont bombardés d’informations (le sort de Wing, les deux Crimson Avengers…) sans qu’on leur laisse le temps de s’installer dans le train. C’est « peut-être » dû au fait qu’on tente de faire tenir beaucoup (trop ?) de choses dans un simple spécial. Mais on peut se demander aussi si, après un coup de volant dans un sens en 2011 puis un autre dans le sens inverse ces derniers mois le DCU n’a pas « clivé » son public, avec des comics pour les uns d’un côté, les comics pour les autres ailleurs et finalement peu de titres carrefours (Batman et Justice League ?) où tout le monde peut se retrouver. Ca commence à ressembler à un bras-de-fer permanent… ou à un serpent qui se mord la queue.

[Xavier Fournier]