Review: Justice League

Xavier Fournier

Review: Justice League

Review: Justice League

Xavier Fournier
15 novembre 2017

Après les prémices dans Man of Steel et Batman v Superman, Zack Snyder (épaulé par Joss Whedon), Justice League est la dernière étape d’une vision du réalisateur en trois films pour transposer l’univers DC à l’écran et pas seulement une ou deux stars. Certes, il faut aussi compter avec les long-métrages de Wonder Woman et de Suicide Squad, mais si l’on s’en tient au plan de Snyder, la progression devrait se concevoir ainsi. Si ce n’est qu’entre temps, après des réactions houleuses, la donne a changé. La Justice League arrive… avec pour intention de coller à Marvel. Mais alors vraiment.

Des mois après la mort de Superman, Batman et Wonder Woman se préparent à une invasion imminente venue de l’espace mais n’ont guère progressé dans leur volonté de recruter les autres surhommes dans un groupe organisé. L’arrivée sur Terre de Steppenwolf et de ses paradémons leur force la main. Ils tentent alors de recruter Aquaman, Flash et Cyborg. Mais tout le monde n’est pas prêt à les suivre aveuglément (même si les affiches, forcément, nous rassurent sur la finalité des choses). Disons-le d’office : Justice League reprend (ou tente de reprendre) beaucoup des ingrédients d’un film Marvel. Et pas seulement parce que Joss Whedon est arrivé en pompier volant pour reprendre le tournage après Zack Snyder (toujours crédité comme réalisateur principal).

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Après avoir polarisé les audiences au moment de la sortie de Batman v Superman, le cinéaste et Warner ont choisi de changer leur fusil d’épaule. On pouvait peut-être déjà un peu le penser sur certains aspects du film Wonder Woman, avec un final qui empruntait beaucoup à la mort de Bucky dans Avengers #4. Mais cette fois c’est manifeste au point que le studio a pratiquement décidé d’officialiser la chose et de reprendre jusqu’au principe des deux scènes planquées dans le générique de fin.

Pour être honnête, c’est Marvel qui a commencé à la faire à l’envers à DC, avec un premier film Avengers où la Gemme de l’Espace était présentée sous la forme d’un cube cosmique, presque une « boite-mère » amenant sur Terre des Chitauris aux faux-airs de paradémons (et dirigés par un personnage notoirement inspiré de Darkseid). Devancé sur son propre terrain, DC a donc l’air de suivre une tendance en ressortant ses vraies boites-mères, ses vrais paradémons et une partie du grand-public va sans doute s’y perdre, sur cet aspect, au jeu de « qui a copié sur qui ».

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I had a dream...

Mais il y a tout un autre aspect du film qui ne laisse pas de place à la question, tant le registre a totalement changé. Bien sûr, il y a encore la patte de Snyder, notamment sur les combats. Mais tout le reste (ou presque) est un rétropédalage des aspects les plus sombres du DCverse à l’écran. Batman s’en veut à haute-voix de sa conduite dans Batman v Superman, Lois Lane s’excuse de ne pas avoir été à la hauteur, Wonder Woman aussi, dans une autre mesure, pour ses aspects cyniques de BvS. Tout le monde a bien appris sa leçon et explique à l’envie qu’un héros cela doit inspirer les gens, leur donner de l’espoir… et pas les contaminer par la peur.

A partir de là, on enchaîne un torrent de chamailleries et « one liners » qui font que même au plus fort de la bataille les « leaguers » continuent leurs jeux de mots. Aller chercher Whedon pour combler les trous de la réalisation n’a rien d’un hasard. A bien des égards on a l’impression que l’on nous refait, au moins en partie, le film Avengers de 2012. Pas à l’identique mais dans les ingrédients. On mesure donc à quel point le virage est intense depuis Batman v Superman. Si ce n’est que pour courir après Marvel, se synchroniser sur un film qui a cinq ans d’âge équivaut à perdre beaucoup d’effet de surprise. Justice n’est pas aussi clivant que les précédents films de Snyder. Il recherche le consensus. Mais il garde un point commun avec BvS, c’est à dire la volonté ou l’obligation de vouloir en mettre bien trop dans un espace réduit. Là où Marvel avait lancé les principaux Avengers dans des films individuels et n’avait plus grand-chose à expliquer/justifier en termes de pouvoirs et d’origine, Snyder est obligé de jongler avec l’existence d’Aquaman, Flash et Cyborg.

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Dans le même temps il est obligé de nous dire un peu ce que sont Steppenwolf et les boites-mères, ce qui fait que le film déborde de scènes d’expositions où l’on n’a pas la place pour toutes les explications nécessaires. Et puis il fait aussi intégrer les retombées de BvS, l’arrivée d’un sixième membre… Ce qui fait qu’on a l’impression de voir une suite de scènes cinématiques plus qu’un film linéaire. L’essentiel des personnages y gagne en sympathie (encore que Barry Allen se comporte comme s’il était possédé par l’esprit de Gollum).

Sous la lorgnette du « Marvel-Like », Jason Momoa semble déterminé à nous prouver que… Thor sait nager. Dans le rôle du bellâtre chevelu manquant d’humilité, cette version d’Aquaman occupe un peu le même rôle que le fils d’Odin chez les Avengers. C’est cependant efficace dans la dynamique de groupe. Il figure une sorte de juste milieu, de zone tampon entre les leaders que sont Batman et Wonder Woman ou les deux « accidentés » du groupe, Flash et Cyborg. Aquaman à un certain capital sympathie, plus que Flash qui, sans être loupé, est présenté comme un personnage si étrange, obsessionnel, qu’on peine à s’identifier à lui. Et Cyborg reste surtout taciturne.

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En ce qui concerne spécifiquement Aquaman, la représentation d’Atlantis, par contre, tient de l’abstraction. Forcément, pour l’île des Amazones, la prod a profité d’un film antérieur pour donner vie à cette partie de la mythologie. Atlantis, par contre, se résume à trois gardes et une sorte de gros pilier, sans doute pour laisser les coudées franches au réalisateur des prochaines aventures du sieur Curry. Si vous êtes parmi les fans de Mera, heureux de l’avoir aperçue dans les bandes annonces… vous resterez sur votre faim, tant la présence de la reine des mers est anecdotique et relativement sans importance. C’est un peu normal, puisque ce n’est jamais que son sort général quand il s’agît de l’utiliser dans le contexte de la Justice League, y compris dans les comics. Mais peut-être aurait-il mieux valu se la garder pour le film Aquaman plutôt que la placer dans le champ de la caméra sans expliquer grand-chose.

Ce qui fait que le spectacteur-lambda en sera quitte pour se demander qui elle est (à part deux courtes phrases), pourquoi elle n’a pas les mêmes pouvoirs qu’Arthur mais surtout pourquoi, dans une guerre sans merci contre les forces de Steppenwolf, alors que Batman et les autres recrutent autant de « spéciaux » que possible, Aquaman n’a pas un instant l’idée de dire « ah ben j’en connais une autre… ».

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Patchwork

D’une manière générale, d’ailleurs, le scénario souffre de ce syndrome de « l’écriture à l’envers » qui frappe souvent Hollywood. C’est à dire qu’on se fixe sur une scène importante et qu’on s’active pour la justifier… sans prendre en compte ce qu’elle veut signifier dans la globalité du film. Ainsi, après avoir placé (pour le coup) un très intéressant flashback qui nous explique quelle alliance a repoussé une première attaque de Steppenwolf des millénaires plus tôt, alliance qui repose, entre autres choses, sur les armées d’Atlantis et les Amazones…

Et bien là, allez savoir pourquoi, les Amazones et les Atlantéens se font porter pâle, visiblement pas intéressés pour sauver le monde une fois qu’ils ont joué leur rôle dans les prémices. Encore que contrairement aux Atlantes, les Amazones ont leurs moments de bravoure. Mais cela ne va guère plus loin : On allume un petit signal pour expliquer au monde des mortels que c’est à eux de se démerder parce que hey ho, nous on est obligés de rester sur notre île cachée parce que hey ho, je vous rappelle quand même que notre position doit rester secrète pour que Arès découvre pas la position de la tueuse de die… comment ? Ce n’est plus une excuse valable depuis 1918, la mort d’Arès et le départ de la tueuse de l’ile ? Ah oui tiens, vous avez raison. Enfin démerdez-vous, les mortels, hein, nous on s’en fout.

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Et inversement, Wonder Woman semble d’un coup super au courant de qui est Steppenwolf et de ce qu’il convoite. Sans apparemment eut l’idée de se lancer à la recherche du « talisman » avant qu’il attaque. C’est à dire qu’on passe d’un stade où Batman se prépare à la guerre sur la base d’une simple vision du futur à une Diana qui devient d’un coup une intarissable source d’infos… après que les évènements aient commencés.

Justice League est un film patchwork, un peu à l’image de Cyborg, composé de pièces détachées tout en se demandant encore quel est son propre logiciel. D’abord envisagé comme le point culminant de la vision de Snyder, ce film cultive de multiples approches, collectionne les allusions. Il y a des raisons pour cela. Il s’agit de confronter six personnages venus d’horizon divers, chacun avec sa propre ambiance. Structurellement, l’exercice impose un côté « auberge espagnole ». Mais rien que l’emploi de Danny Elfman pour la bande son (avec des emprunts de mélodies sorties du Batman de Burton ou même du Superman de 1978 de Richard Donner) nous montre que l’objectif n’est plus le souhait du réalisateur mais l’urgence de se réattirer différents publics.

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C’est un sentiment que l’on va retrouver au long du film, sur des répliques ou des actions. Alors on emprunte à Marvel, on emprunte à Burton (en glissant une allusion oblique au Pingouin), on emprunte même un peu aux dessins animés (fermez les yeux deux secondes et les bâches qu’échangent Alfred et son patron pourraient sortir du cartoon de Batman). Gênée par le nombre d’éléments à intégrer, la réalisation est obligée de gérer de manière abrupte les revirements. Un moment un type en veut à mort à Batman pour ce qu’il lui a fait. Une scène plus tard, il est au contraire reconnaissant et s’exclame « je lui dois bien ça ». Comme quoi une bonne nuit de sommeil…

C’est un film moins clivant que BvS. Vous n’y trouverez pas de super-héros s’amusant à marquer au fer rouge ses victimes. Mais inversement il en conserve certaines facilités (comme le fait par exemple que plein de choses se déroulent « hors champs » ou de façon instantanée, par exemple un héros qui découvre en dix secondes qui est Batman parce que l’autre n’a rien trouvé de mieux que poser sa cagoule devant une caméra).

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Les fans de comics seront néanmoins heureux de trouver des personnages qui sont pour la plupart « respectés », c’est à dire que même si Aquaman ou Flash sont très différents de leur version papier (et on peut se demander si les fans du Flash de CW vont si reconnaître) on leur accorde de l’affection et de l’attention. Moins clivant mais finalement moyen, courant après Avengers I, Justice League se range en fin de compte, au niveau d’un Age of Ultron par son côté décousu.

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