Oldies But Goodies: Slam-Bang Comics #1 (Mars 1940)

[FRENCH] Captain Marvel est le super-héros le plus célèbre qui ait été lancé par l’éditeur Fawcett. Au point d’en éclipser totalement certains autres. Parmi les « cousins » de l’adepte des pouvoirs de Shazam on en trouve pourtant un qui aurait tout à fait sa place dans l’univers DC moderne en général… Et dans Blackest Night en particulier ?

Un petit préambule avant de commencer: Désolé pour la mauvaise qualité des scans qui illustrent cet article mais je n’ai pu me procurer que des images de qualité moindre, les aventures mentionnées dans cet article n’ayant jamais été réimprimées en bonne et due forme. Et comme les épisodes d’origine sont rares (et donc cher) il m’a fallu faire avec ces scans de microfiches datant des années 90. C’est qu’il nous faut pratiquement remonter 70 ans en arrière pour évoquer le personnage qui nous intéresse aujourd’hui : En 1940, à l’époque où l’éditeur Fawcett commençait à lancer ses premières séries de super-héros, il avait tendance à baptiser ses revues avec des onomatopées. Whiz Comics accueillait le célèbre Captain Marvel, Wow Comics serait le repère du plus confidentiel Mister Scarlet quand au personnage qui habitait les couvertures de Slam-Bang Comics il n’a pratiquement pas laissé de traces dans l’ère moderne. Peut-être parce qu’il n’a pas l’allure d’un super-héros au premier abord.

Diamond Jack ressemblait un peu physiquement au Captain Marvel originel (même stature, même coupe de cheveux gominés) qui aurait choisi de ne pas s’abaisser à porter des collants rouges mais au contraire de s’habiller en veste et cravate, parfois même en smoking. Il n’avait pas de super-costume mais possédait, par contre, des superpouvoirs même si les auteurs ne s’étaient pas embêtés à nous montrer ses origines. Il devrait se contenter de quelques lignes vite expédiées en début de sa première histoire, qui nous le présente ainsi : « Diamond Jack, en possession d’un diamant miraculeux qui lui a été donné par un vieux magicien, devient physiquement fort et mentalement au delà de tous les mortels ordinaires. Suivant les instructions du vieux magicien, Diamond Jack utilise les sortilèges de la gemme magique pour aider ceux qui le méritent ». En fait l’image d’ouverture nous en apprend un peu plus puisqu’on voit que le diamant qui vaut son surnom à Diamond Jack est monté sur une bague qui irradie de l’énergie. Diamond Jack est donc un héros « à bague » de la même trempe qu’Alan Scott, le Green Lantern originel.

Mais visiblement les auteurs vont préférer nous montrer les choses plutôt que nous les expliquer. Diamond Jack (le narrateur se contente souvent de l’appeler de ce surnom mais d’autres épisodes établiront que son nom civil est Jack Lansing) assiste à une soirée au Cafe Imperial quand des gangsters font irruption dans l’établissement. Quand le serveur fait mine de donner l’alerte, les criminels lui tirent dessus. C’est la panique dans le public mais une personne ose se lever pour tenir tête au gang : « Allez-y, tirez-moi dessus si vous l’osez » s’exclame Diamond Jack. Au demeurant les criminels n’ont aucune raison particulière de craindre Lansing. Ils lui tirent donc dessus sans se faire plus prier. Mais sous l’effet de la bague magique les balles atterrissent de manière inoffensive dans les mains de Jack. Elles se transforment même en fleurs ! Puis se précipitant vers l’un des gangsters Jack s’écrie « Est-ce une sucrerie pour moi ? ». Et sans plus attendre le revolver de l’adversaire se transforme en bâton de sucre. Tandis que le criminel est surpris, Jack lui décroche un coup de poing qui l’envoie au tapis (comme on nous a dit en ouverture que Diamond Jack est plus fort que les « simples mortels », on en déduira qu’il y a usage de super-force).

Un des bandits crie « A l’aide ! C’est un sorcier ! » et, tout en le tapant à son tour, Diamond Jack lui confirme que c’est bien le cas (en fait, sa connaissance de la magie se limitera à l’usage de la bague qu’on lui a donné). Il suffit de quelques secondes pour que la bande s’éclipse, ayant trouvé plus fort qu’elle. Mais au sol le serveur blessé se lamente : « J’ai bien peur que ce soit fini ! ». S’agenouillant à ses côtés, Jack lui rétorque « alors n’ai plus peur… Tu es un homme brave et tu vivras au point de devenir un vieil homme ! ». Le serveur se redresse sidéré : sa blessure a disparu. Diamond Jack vient de réaliser une sorte de miracle ! Tous les gens présents soufflent un bon coup et se demandent qui est cet homme providentiel. Un homme demande à Jack qui il est et l’intéressé souligne que, comme il l’a dit au criminel, il est sorcier. Néanmoins le héros du jour doit bien vite s’excuser. Il doit partir. Il n’est pas question de laisser la bande de gangsters s’en tirer. Il se lance donc à leur poursuite…

Du côté des voleurs, on en revient pas. On a utilisé de la magie contre eux ! Mais le chef de la bande a une solution. Il connait une femme qui prétend avoir des pouvoirs de sorcière. Les hommes se ruent chez la vieille magicienne qui les accueille chaleureusement et leur demande ce qu’elle peut pour eux. Brièvement le leader du groupe explique qu’ils sont poursuivis par un homme aux pouvoirs magiques et qu’ils ont besoin de son aide. La sorcière en déduit, d’après la description, qu’il doit s’agir de Diamond Jack (ce qui induit que le héros est actif depuis suffisamment longtemps pour s’être forgé une réputation dans les cercles occultes). La femme invoque alors une sorte de dragon fait de fumée verte (qui n’est finalement pas sans évoquer, avec le recul, certaines créations du Green Lantern du Golden Age grâce à sa propre bague), auquel elle ordonne d’aller détruire Diamond Jack.

Très vite la créature retrouve Jack dans la rue, sur la piste des gangsters. Le dragon s’empare de Jack et l’emporte dans les airs mais le héros réagit en prononçant un mot magique, « KZAT » et une épée se forme dans ses mains. Il s’en sert pour trucider le dragon qui se dissipe rapidement. Seul problème : il n’y a plus personne pour porter Jack dans les airs et celui-ci commence à tomber vers le sol. Il prononce alors un autre mot magique, « KZAR » et un parachute apparaît dans son dos. « Et maintenant je vais rendre une petite visite à la sorcière » se dit Jack, ce qui implique que les deux se sont déjà assez rencontré pour que le héros puisse reconnaître le style de la femme.

Cette dernière, sure de sa victoire, vient de prendre congés des gangsters quand elle voit son dragon revenir par la fenêtre. Après l’avoir félicité pour sa mission bien remplie, elle lui ordonne de retourner dans la bouteille où il repose d’habitude. Mais quelque chose ne va pas. Le dragon se comporte bizarrement et ne retourne pas dans la bouteille. La vieille femme comprend vite qu’il ne s’agit pas de son dragon. Démasqué, Diamond Jack (qui avait adopté l’apparence de la créature) reprend sa forme d’origine. Terrifiée, la sorcière le supplie d’épargner sa vie. Jack rétorque qu’il ne tue pas les femmes (ce qui laisserait penser qu’à l’inverse il tue les hommes s’il le juge nécessaire) mais qu’il va se contenter de la rendre inoffensive. Se dirigeant vers sa table, il y prend un grand livre noir qu’il identifie comme la source du pouvoir de la femme. Elle explique qu’il s’agit d’un livre de sortilèges mais Diamond Jack se moque « Tu crois seulement qu’il s’agit d’un livre de sortilèges. Mais regarde, prends ton précieux volume ». Et il ne s’agit plus que d’un ouvrage de cuisine. Diamond Jack a transformé le livre de sorcellerie en un manuel expliquant « 1000 façons de préparer les épinards ». La vieille femme s’effondre en pleurs tandis que le héros peut se lancer à nouveau à la poursuite des gangsters.

Il ne tarde pas à les trouver. Convaincus que Jack a été détruit par la sorcière, les bandits sont déjà dans les rues à la recherche d’un autre mauvais coup à perpétrer. Jack en rattrape un et l’entraine dans l’ombre avant de l’assommer. Puis il s’empare de ses vêtements pour se faire passer pour lui (ce qui est une contradiction dans la logique interne de l’histoire puisque quelques cases plus tôt Jack pouvait se servir de son anneau magique pour prendre l’apparence d’un dragon. Normalement il ne devrait pas avoir à voler les vêtements d’un adversaire…). Comme les membres de la bande portent un foulard sur le visage, personne ne se réalise qui est Jack quand il les rejoints. Ensemble, ils pénètrent dans un local plongé dans le noir et découvrent un coffre plein de richesses. Les brigands s’en mettent plein les poches mais quand ils sont sur le point de tourner les talons, Jack allume la lumière et se démasque. Les trois vrais gangsters réalisent enfin qui il est : « C’est cet espion de Diamond Jack ! Mais il ne s’échappera pas cette fois ! ».

S’échapper ? Mais ce n’est pas lui qui s’est enfui la dernière fois. Il se moque même d’eux, en leur annonçant que la seule magie dont il a besoin pour les vaincre est celle de ses poings (formulation qui laisse planer le doute quand à savoir si l’anneau augmente ou pas la force physique de Jack pendant le combat). Assez rapidement, Jack prend le dessus sur ses adversaires et un passage (où l’un des hommes tente de le poignarder) démontre un effet visuel, comme si le poing de Jack était entouré d’une flamme orange. Une fois le gang battu, Diamond Jack s’arrange pour que ce soit un jeune policier méritant qui apprenne où se trouve la bande inconsciente, de manière à ce que l’agent puisse prétendre à de l’avancement. Le lendemain, avec la satisfaction du travail bien fait, Diamond Jack peut alors acheter en toute humilité le journal pour lire ce qu’on dit de la capture des voleurs. Fin de la première aventure officielle du héros, qui n’aura guère que sept ou huit apparitions pendant le Golden Age.

Slam-Bang n’eut pas le succès de Whiz (ce dernier étant propulsé par Captain Marvel). Au bout de quelques mois Slam-Bang s’arrêta. Un temps Fawcett Comics montra des signes de ne pas renoncer pour autant à Diamond Jack, vite transféré dans la série-sœur Wow Comics. Mais très probablement il ne s’agissait que de publier des épisodes déjà produits. Très rapidement Diamond Jack cessa également de hanter les pages de Wow. Et on n’en entendit plus parler… Dans l’univers Fawcett il aurait pourtant été facile de relier Jack au mythe de Captain Marvel et du sorcier Shazam. Après tout le vieux magicien qui donna ses pouvoirs au Captain et celui qui donna le diamant à Jack pourrait être un seul et même être. Mais l’idée de faire de Jack une sorte de cousin indirect de la « Marvel Family » n’effleura pas les responsables de la Fawcett.

Diamond Jack n’est donc qu’un éphémère héros de 1940 que rien de spécial ne distinguerait. D’autant qu’avec sa bague magique la tentation est grande de le prendre pour un simple imitateur du Green Lantern de la Justice Society of America est assez grande. Seulement voilà… Diamond Jack précède l’apparition de Green Lantern (et de un ou deux autres utilisateurs de bagues magiques) ! Non pas qu’on puisse forcément voir un lien filial s’instaurer dans l’autre sens. Ce qu’on pourrait appeler le « vieux coup de la bague magique » est un poncif qu’on retrouve dans de nombreuses mythologies ou chansons de geste. A partir de là il n’est pas très étonnant que la première génération d’auteurs de comics soit allé puiser de ce côté-là pour trouver des sources de superpouvoirs. Du coup Diamond Jack est étonnement compatible avec le folklore de Green Lantern. D’autant plus qu’au bout de quelques épisodes il sera spécifié que le diamant que porte Jack est noir. De là à voir en Jack Lansing un « Black Lantern » du Golden Age au même titre qu’Alan Scott est le Green Lantern des années 40, il n’y a rien d’impossible. A plus forte raison quand les anneaux noirs de Blackest Night sont connus pour ressusciter les morts et qu’on a pu voir, dans la première partie de l’épisode, que Jack avait été capable de remettre sur pied un homme mortellement blessé par balle. Bien sûr Jack n’a rien de maléfique et ne fait pas état des traits de caractère propres aux Black Lanterns. Mais il faudrait peu de choses pour faire de lui une sorte de précurseur, portant un prototype d’anneau noir.

L’autre manière d’incorporer Diamond Jack dans l’univers DC serait de le relier non pas aux divers couleurs de Lanterns ou a Blackest Night mais bien à un autre personnage de l’éditeur. Les diamants noirs, chez DC, sont traditionnellement liés à Eclipso, esprit malfaisant qui est enfermé dans une de ces pierres. En fait l’idée (développée dans le crossover Eclipso: The Darkness Within de 1992 et dans la série Eclipso de 1993) est que le diamant noir qui renferme traditionnellement la conscience d’Eclipso n’est qu’un fragment d’un beaucoup plus gros diamant (plus grand qu’un homme) qui a été mis en pièce par des chasseurs de trésors pour mieux spéculer. A partir de là, imaginer que le diamant noir détenu par Jack est un autre fragment venant du même « joyau global » n’aurait rien d’illogique. Étant à la base un personnage créé par Fawcett, on pourrait croire que Diamond Jack peut techniquement intégrer l’univers DC au même titre que d’autres héros de Fawcett (comme Captain Marvel). En fait c’est un peu plus compliqué que cela puisque DC n’a racheté que quelques-uns des personnages de l’éditeur tandis que la plupart des autres sont restés dans l’oubli pendant des décennies, au point de tomber dans le domaine public (comme les héros de Project Superpowers ou certains que publient AC Comics). Diamond Jack pourrait donc être utilisé par différents éditeurs sans que DC ait son mot à dire et la perspective d’un « personnage partagé » n’est sans doute pas très intéressante. Mais DC a déjà connu la même problématique avec d’autres personnages issus de la Fawcett (Ibis, Bulletman…) et y a répondu en créant de nouveaux héritiers modernes pour les identités concernées. Il est peu probable de (re)voir un jour Jack Lansing dans une revue DC mais un petit-fils ou une petite-fille héritant de l’anneau et se faisant appeler également Diamond Jack (ou Diamond Jackie) pourrait tout à fait s’intégrer dans des intrigues propres à Green Lantern, à Eclipso ou encore Captain Marvel.

[Xavier Fournier]
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