Review: X-Men: Apocalypse

Review: X-Men: Apocalypse

9 mai 2016 Non Par Xavier Fournier

Review: X-Men: Apocalypse[FRENCH] Bryan Singer revient avec une nouvelle génération de mutants. Xavier, Beast et Mystique sont rejoints par des personnages connus (Cyclops, Jean Grey, Nightcrawler…) qui tombent à pic puisqu’à l’inverse de cette jeunesse réapparaît un mal ancien que l’humanité avait oublié : Apocalypse, le « premier mutant » s’éveille d’un sommeil millénaire et commence à réunir ses cavaliers dans le but d’anéantir une bonne partie du monde et de régner sur l’autre. X-Men: Apocalypse sortira en France le 18 mai 2016…

Après avoir exploré les années 60 (First Class) et 70 (Days of Future Past), la version cinéma des X-Men en arrive aux années 80. A la suite du précédent film, Charles Xavier a appris à accepter sa charge, il est réellement devenu le Professeur X et son manoir est devenu un petit campus recueillant les jeunes mutants. On est face à l’embryon de l’école aperçue dans le tout premier film X-Men (qui chronologiquement se déroule un peu plus d’une quinzaine d’années plus tard). Mystique, elle, est devenue une guerrière solitaire, qui se bat pour défendre les mutants. Magneto a déposé les armes depuis longtemps. Mais voici que le Mal absolu pointe le bout de son nez. Cette année, les apparences laissent entendre que c’est la mode des films où les super-héros se tapent les uns sur les autres. Après Batman V Superman puis Captain America: Civil War, voici donc X-Men: Apocalypse où, on ne s’y trompera pas, il y a un vrai méchant sans état d’âme ou la moindre mi-teinte, le dénommé Apocalypse, en mode « gros boss du niveau » (et donc plus imposant que l’était Shaw dans First Class). Apocalypse est aussi accompagné de quatre disciples, ses Cavaliers (ou « Horsemen » en VO) que les fans de comics devraient reconnaître puisque ce sont des personnages qui ont tous, à un moment où à un autre, fait partie des X-Men dans la continuité classique. Après bathomme contre surhomme, après avengers contre avengers, voici donc « mutant contre mutant ». Mais il faut le souligner, pour le coup la licence X-Men ne suit pas la mode, elle la précède depuis des années, puisque l’essentiel des films produits à ce jour forment plutôt une sorte de guerre civile permanente des mutants, où on se garde en général de tomber dans le manichéisme (d’où les évolutions de Magneto et Mystique). En un sens Bryan Singer boucle ici la deuxième trilogie mutante. Malheureusement le cinéaste s’égare dans l’énumération des personnages, avec une nette démesure entre ceux qui ont sa préférence et ceux qui ne sont là que pour faire de la figuration.

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FAN DES ANNEES 80

Dans ceux qui ont leur « moment », il y a bien sûr Mystique, même si depuis First Class le niveau de popularité de Jennifer Lawrence a explosé et que le film s’emploie d’abord à nous montrer l’actrice sous son apparence humaine, plus que sous son aspect bleu. Quicksilver, trouvaille de DoFP, fait son retour, affinant le portrait. Rien à voir avec le personnage hautain des comics. Dans DoFP, Peter agissait sans vraiment s’impliquer, ce n’était pas sa guerre, il rendait juste service. Cette fois c’est devenu personnel et le film lui réserve quelques moments de « bravoure », comme un sauvetage massif et une efficacité certaine au combat. Qui est plus est c’est une sorte de pilier moral, qui résiste à l’angoisse et au pathos ambiant. Un point faible cependant : dans DoFP, l’effet de surprise jouait à plein régime. Ici, au bout de la deuxième ou troisième scène où tout se fige autour du personnage, on a compris. C’est, par la force des choses, moins « neuf ». Quicksilver est aussi « l’indicateur temporel » du film. C’est à dire que si First Class jouait vraiment sur le côté sixties, si DoFP faisait allusion à des curseurs comme la mort de Kennedy, la guerre du Viêt-Nam ou la reconstitution du Paris des 70’s, ici l’époque n’apparait que comme un vernis de références geeks (la chambre de Peter, un coup de musique d’Eurythmics et une allusion fugace à Ronald Reagan). C’est finalement une chose qui fait défaut à ce film. Peu ou pas de discussion politique sur l’époque (au hasard, ce film aurait pu se centrer sur Tchernobyl comme First Class utilisait la crise de Cuba). A partir de là, pour une bonne partie, le long-métrage prend des allures de simple film catastrophe où les cités du monde risqueraient de disparaître tandis que quelques mutants flottent dans le ciel. Un peu comme si on n’avait gardé de DoFP que la scène d’un Magneto soulevant le stadium en occultant le reste. Magneto qui, au même titre que Mystique et Quicksilver, est bien en évidence, lui aussi. Une intrigue entière, empruntée aux écrits de Chris Claremont, explique comment le mutant peut à nouveau se radicaliser. Mais il est cependant moins bien servi que dans les deux films précédents. Dans un premier temps, Michael Fassbender est poignant… mais il rentre bien vite dans le rang, le personnage étant comme mentalement absent et flottant au centre d’un champ magnétique sans trop se demander à quoi ressemblera le monde sous le joug d’Apocalypse. On comprend, bien sûr, quelle rage le pousse à rejoindre Apocalypse. Mais toute la subtilité du personnage s’évanouit une fois passée ce stade. Sans parler de la dernière scène le concernant, qui semble un peu facile.

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CAVALIERS EN DEROUTE

Au registre des personnages sacrifiés, et même brisés, on trouve Psylocke et Angel. Ce sont tout simplement à ce film ce qu’Azazel et Riptide étaient à X-Men: First Class… Des personnages à peine esquissés, qui ont tout juste droit à trois phrases pendant tout le film et dont les moments notables sont principalement déjà dans les diverses bandes annonces. Tout juste, on esquisse le fait que ces deux-là auraient un « passé commun » mais il faut avoir lu les comics pour le comprendre. Si ce sont Psylocke et Angel, ils ont en revanche bien peu de chose à voir avec Betsy Braddock et Warren Worthington III. Dans le premier cas on ignore pratiquement tout de la mutante, de sa personnalité. Dans le second, Angel est une sorte de looser vivant en Allemagne de l’Est. Storm/Tornade, est mieux servie. Et l’idée de lier son passé en Egypte à l’émergence d’Apocalypse est loin d’être idiote. Par contre la mutante passe quand même la plus grande partie du film à préparer avec lui un génocide planétaire sans sembler réaliser que cela ne colle pas vraiment avec les idéaux qu’elle admire. Certes Apocalypse booste les pouvoirs de ses Horsemen mais (en dehors de Magneto) leurs motivations et leur comportement reste une énigme, au point d’ailleurs qu’on passe une partie du film à se demander s’ils agissent de leur propre chef ou si « Apo » les dirige mentalement, d’une façon ou d’une autre. On aime ou pas Captain America: Civil War mais au moins on comprend les liens de fidélité ou de responsabilité qui font que les uns ou les autres finissent dans tel ou tel camp. Là ? C’est pratiquement du hors-piste. Fallait-il sortir Psylocke et Angel pour les utiliser aussi mal, voir les abimer ? Dans les Horsemen classiques des comics, il y avait des persos qui auraient mieux fait l’affaire. Même Caliban, qui a un tout petit rôle (c’est une sorte de mélange du Caliban classique et de Bantam, l’assistant de Trevor Fitzroy dans les comics), s’en sort mieux qu’eux en un sens. Clairement, cette mauvaise gestion des « Cavaliers d’Apocalypse » est un des éléments qui tirent le film vers le bas. Quand on ne comprend pas ce qui motive les personnages, on a du mal à s’intéresser à leurs réactions, pour peu qu’ils en aient. Et ce n’est même pas forcément le cas.

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LE TEMPS AU TEMPS…

Une autre chose qui peut déstabiliser, c’est la gestion du temps. Dans la vraie vie, cinq ans se sont écoulés depuis « X-Men: Le Commencement ». Dans la chronologie de la saga, plus de vingt ans sont passés, à raison d’une décennie par film. Mettons que certains mutants ne vieillissent pas à la même vitesse que nous (c’est bien le cas pour Wolverine) ou qu’ils/elles puissent le cacher (Mystique). Mais une bonne partie des personnages (y compris la très humaine Moira) devraient avoir au-delà de cinquante ans si on se réfère à la timeline (environ 55 ans pour Moira, ce qu’elle est loin de faire). Alex Summers devrait avoir l’âge d’être le père de Scott, pas son frère. Aucune mention de la sœur de Peter, qui dans DoFP était une gamine mais qui, le temps aidant, devrait maintenant être une ado, voir une jeune adulte (mais sans doute Fox et Marvel ont-ils décidé tacitement de ne plus se marcher sur les pieds en ce qui concerne la fratrie, le frère d’un côté et la sœur de l’autre). Ceci dit, à part quelques vagues effets de maquillages par-ci par-là, la contradiction de l’âge est ignorée de façon si éclatante qu’on peut sans doute penser à un parti pris, Singer reproduisant ainsi l’effet stylistique des comics, quand les personnages vieillissent moins vite que leurs lecteurs, que les origines d’un Colossus sont liées à une URSS qu’il est en théorie désormais bien trop jeune pour avoir connu). Hors comics on peut aussi penser à la manière de G. Miller de gérer la chronologie de son Mad Max, tour à tour flic supposé avoir œuvré avant l’apocalypse nucléaire dans une société hyper-violente puis refaisant surface des décennies plus tard sans que son âge soit raccord. Limite, si elle est bien volontaire, cette manière de tordre la chronologie peut être vu comme une manière de se distinguer des approches de Marvel Studios, Warner ou Sony dans leurs univers super-héroïques.

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AU SERVICE DE…

Reste le fan service. Il est de bon ton de tailler en pièces le « fan service » dans les films adaptant les comics. Pourtant, remettons les choses à leur place. Si l’on nous parlait d’une adaptation des Trois Mousquetaires, personne ne qualifierait de « fan service » les moments où D’Artagnan rencontre Aramis et les autres. Ce serait simplement l’adaptation d’une scène venant du livre. Apparemment, cela devient un gros mot dès lors qu’on parle de films tirés comics. Disons-le tout net, il faut arrêter de s’excuser quand une scène ou un élément ressemble à la BD dont elle est tirée. Quand on est au bal, on danse. Il y donc un certain nombre de passages « fan service » dans ce nouveau X-Men. Et ce n’est pas en soi un problème (ou bien si c’est le cas allez voir un film où Fanny Ardant divorce pour la 15ème fois et foutez-nous la paix). Dans Apocalypse, le problème n’est pas réellement ce qu’on nous montre mais bien ce qu’on ne nous montre pas et le grand nombre de raccourcis ou de non-dits. Typiquement, à la fin de DoFP on avait laissé Mystique se faisant passer pour Stryker et sauvant Wolverine des griffes de l’armée. On ne retrouve pas précisément les personnages à la même place. D’où une suite de scènes totalement désorganisées, parfois même comme s’il manquait un film entre Days of Future Past et celui-ci. L’utilisation de Wolverine, au demeurant bien placée (on la voit venir de loin, mais ça marche), même si mal expliquée, est moins importante que dans DoFP mais largement plus que dans First Class. Par contre il reste ce défaut propre à Singer qu’une fois qu’un personnage a rempli sa fonction, on l’écarte sans cérémonie et sans grande logique. Psylocke a un rôle à la Azazel ? Wolverine est dans ce film un peu ce que Quicksilver était dans le précédent, façon « Je sais, le sort du monde est en danger mais laissons ce mutant repartir avant le combat final plutôt que de lui demander de l’aide ». C’est d’ailleurs sans doute là que la méthode Singer se voit un peu trop.

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FONCTIONS VERSUS PERSONNAGES

Dans la logique de Singer, en effet, il y a d’un côté ces fonctions (Wolverine ou Angel réduits à leur fonctionnement de base et démonstrations de pouvoirs). Même chose pour l’idée d’une secte adorant Apocalypse qui aurait survécu jusqu’à l’ère moderne, concept qu’on étouffe aussitôt qu’il a rempli un rôle précis. De l’autre côté, il y a les personnages que Singer considère en tant que tels et à qui il accorde au moins un certain niveau de dramaturgie. Cette fois, par exemple, ce sont Jean Grey et Scott Summers. Sophie Turner campe assez bien la jeune Jean, même si l’écriture nous vend assez vite l’idée qu’elle sera, en bout de course, une sorte de Deus Ex Machina. Le scénario a l’avantage de nous expliquer comment et pourquoi la jolie rousse du campus et Scott, le garçon introverti et morose, un brin « Kylo Ren », peuvent se rapprocher. Tous les deux sont craints pour des raisons différentes. A l’inverse de Turner, Tye Sheridan donne une prestation plus interchangeable en tant que Cyclops. Le personnage est plus sympathique, plus faillible, que dans les films X-Men 1 à 3. Mais d’un autre côté, sur le plan du jeu, on pourrait nous coller n’importe quel acteur brun derrière ces grosses lunettes que le résultat ne serait pas très différent. Comme pour Quicksilver, l’effet de surprise joue peu pour le jeune Nightcrawler. Même si l’acteur a changé, Singer conserve le personnage avec la même écriture que pour X-Men 2 (même maladresse relationnelle, mêmes effets de téléportation, même rapport à la religion). Simplement, dans la nouvelle chronologie, il intègre les X-Men beaucoup plus tôt. Et au final on referme donc le chapitre de l’origine des X-Men. Après avoir existé brièvement dans First Class, puis n’avoir été qu’une alliance de circonstance dans DoFP, l’équipe se constitue de manière durable… Toute la question, jusqu’à la fin du film, étant de savoir qui survivra, qui se rachètera et qui passer pour de bon du côté « dark ».

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MALADROIT

Au bout du compte, il manque plusieurs choses à ce film. On ne retombe pas au niveau de « X-Men, l’affrontement final » (d’ailleurs il faut reconnaître à Singer une sacrée dose d’ironie et de détachement, avec une bâche indirecte mais bien placée pour tacler ce film et d’autres trilogies). Ce n’est pas X-Men 3, non, mais Apocalypse est quand même l’un des films les plus faibles de la lignée. Les deux derniers opus ont relancé la gamme en s’appuyant sur des événements réels, en se donnant un contexte. Ici, nous n’avons pas ça. Nous n’avons pas la petite étincelle. Ce n’est pas le Fan Service le problème mais le fait que ledit Fan Service sert parfois à recouvrir un sentiment de pas « grand-chose ». Les informations manquantes, vous les aurez en puisant dans vos souvenirs de lecteurs de comics, comme cette idée de passé commun entre Angel et Psylocke, que vous ne saisirez que si vous avez une idée des liens des persos dans la BD. Et c’est là où Singer n’arrive pas à faire ce qu’il avait réussi dans les deux premiers films X-Men, il y a une quinzaine d’années. On pouvait emmener les potes, les néophytes, les ami(e)s, les parent(e)s voir le premier X-Men. Il pouvait y avoir quelques questions à la sortie de la salle mais grosso modo, toute la boite à outils nécessaire pour comprendre le film était dans le film, via l’arrivée de Wolverine dans l’école, qui posait toutes les questions à voix haute. On comprend, cette fois, que c’est un peu ce qu’on a voulu faire avec l’arrivée de Scott au campus mais sans y parvenir.

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MUTANTS EN QUESTIONS

Vu le manque de définitions de certains personnages, attendez-vous à la sortie à des questions façon « Non mais en fait c’est qui la fille au katana lumineux ? » ou « Mais Apocalypse, en vrai, c’est quoi ses pouvoirs ? C’était pas Anubis dans Stargate ? ». Alors, inversement, on pourrait dire que tant pis, que c’est bien fait pour ceux qui ne connaissent pas et que les vrais, les gardiens du temple, les durs, les tatoués des comics, s’y retrouveront. Mais ce serait étonnant que la description assez désinvolte de certains personnages soit bien reçue. Dans l’état, c’est un film qui n’est pas mal mis en image, qui a ses bons moments de ci de là, mais qui est moins accessible, qui butte sur des problèmes basiques d’écriture. Plus encore, les X-Men c’est un sujet (une école réunissant de jeunes mutants apprenant à lutter contre leurs semblables qui menace le monde) mais c’est aussi un thème (dénonciation des exclusions, des racismes, des radicalismes…). Sauf que passé un certain stade du film (la réintroduction d’Erik puis l’incontournable apparition de Stryker et ses hommes), le thème disparait totalement, avalé par le sujet. On n’a donc plus qu’un grand combat au premier degré. Cela n’empêche pas qu’on termine sur une scène que l’on attendait d’une certaine manière depuis six films. Mais – et quand bien même ce n’est pas la débacle type Elektra ou Catwoman – X-Men: Apocalypse n’est pas à la hauteur des espérances que l’on pouvait avoir. Tout cela manque de caractère et ne tient pas la comparaison avec les deux films qui ont précédé…

[Xavier Fournier]