Avant-Première VO: Review World Of Tanks #1

Avant-Première VO: Review World Of Tanks #1

6 septembre 2016 Non Par Xavier Fournier

World Of Tanks, célèbre jeu vidéo en ligne, fait son arrivée dans les comics, chez Dark Horse. Le temps de se dire que ce sera n’importe quoi si ce n’est pas mené par des auteurs connaissant bien le récit de guerre et… Garth Ennis se glisse aux commandes de la bataille, détournant ce qui aurait pu n’être qu’un « plus produit » pour en faire au contraire une reconstitution très détaillée.

Avant-Première VO: Review World Of Tanks #1World Of Tanks #1 [Dark Horse]
Scénario de Garth Ennis
Dessins de Carlos Ezquerra
Parution aux USA le mercredi 31 août 2016

Au lendemain du débarquement en Normandie, des équipages de blindés alliés arrivent en France. Ils s’entraînent depuis des années, ont un équipement flambant neuf mais n’ont aucune connaissance pratique du combat. Inversement, un groupe de panzers en provenance du Front de l’Est mais au bout du rouleau est ralenti par des pannes diverses. Entre les débutants aux commandes de tanks neufs et les vétérans trahis par leur matériel, qui l’emportera ? A l’annonce de l’acquisition de la licence de World Of Tanks, je m’étais dit (promis juré) que cela n’irait pas bien loin si on ne confiait pas l’affaire à un fin connaisseur des récits de guerre façon Garth Ennis (Preacher, Crossed, Punisher), qui semblait déjà occupé par ses War Stories chez Avatar. Le temps de me faire cette réflexion et l’annonce ne tardait pas, c’est bien Ennis qui passe aux commandes des chars de World of Tanks, retrouvant aux dessins son compère Carlos Ezquerra (co-créateur de Judge Dredd), avec qui il avait déjà collaboré, entre autres choses, sur Adventures in the Rifle Brigade (chez Vertigo). Cette fois, le propos est moins « punk » qu’avec la Rifle Brigade cependant. Les protagonistes sont moins caricaturaux ou provocateurs et la volonté d’être plus « documentaire » est manifeste. Dans les faits, Garth Ennis s’empare du logo World of Tanks et le détourne à son avantage pour raconter des histoires de guerre comme il aime à le faire. La seule concession à la marque, c’est l’idée de rester dans le combat entre tanks. On pourrait s’emballer et dire que, du coup, ce projet est aux comics ce que le film Fury était au cinéma de guerre. Mais c’est une facilité qui serait trompeuse puisqu’Ennis joue moins – cette fois en tout cas – sur des héros alliés qui sont des grandes gueules et que dans le même temps il prend le soin de montrer les deux côtés de l’affaire. A choisir, c’est le meneur des tanks allemands, guerrier lassé et usé par les campagnes successives, qui ressemble plus au film de David Ayer et à un équivalent du Wardaddy joué par Bradd Pitt.

« If I hear any more of this world’s greatest panzer horseshit, I swear to Christ I’m going to strangle someone… »

Le public attiré par la marque World of Tanks et peu familier avec Garth Ennis entrera sans doute dans cette histoire en se disant qu’à la fin les Alliés ont gagné et qu’il y a donc un Bien et un Mal absolu, avec une petite idée de ceux qui l’emportent à la fin de cette saga. Mais pas si vite. On sait qui a gagné la guerre, oui, mais qui gagnera cette bataille ? Ennis, lui, se défie du manichéiste et prend généralement soin de montrer qu’il y a, des deux côtés, des gens qui tentent de faire du mieux qu’ils peuvent tout autant que de sombres crétins qui tirent les choses vers le bas. En un sens, dans ces contextes guerriers, son écriture tient souvent du récit chevaleresque ou la part de « noblesse » ressort proportionnellement parce que les uns et les autres ont la sensation de servir des appareils hiérarchiques qui se moquent bien de leur sacrifice. Dans une perspective totalement opposée aux néophytes des comics connaissant le jeu mais par Ennis, on peut rassurer les « Ennisophiles » les plus endurcis, qui pourraient être effrayés de le voir participer à une grosse licence du jeu vidéo. Les deux auteurs ne s’égarent pas, ne vendent pas leur âme en arrivant sur ce projet. Au contraire, ils trouvent un nouveau récipient pour raconter la guerre comme ils l’entendent, c’est à dire en la montrant sans pour autant la glorifier.

[Xavier Fournier]