Fire and Water: Bill Everett

13 octobre 2010 Non Par Comic Box

[FRENCH] Sortie depuis quelques temps, la biographie que Blake Bell a consacré à Bill Everett (entre autres choses le père de Sub-Mariner mais aussi le co-créateur de Daredevil) contribue a rétablir une injustice : Redonner un coup de spotlight à un auteur dont l’importance et la personnalité ne sont pas reconnus à leurs justes valeurs. Un ouvrage qui, sans être détaillé à outrance, permet de défricher le terrain et qui, surtout, laisse beaucoup de place à l’élément humain.

Le déploiement de force autour du 75ème anniversaire de DC et les nombreux ouvrages qui en découlent a visiblement décuplé l’intérêt des éditeurs littéraires américaines en termes de « beaux livres » et de biographies consacrées aux pionniers du genre. On ne pourra que s’en féliciter car si la carrière d’un Jack Kirby est désormais bien balisée (avec le Jack Kirby Collector plus une infinité de livres) ou si Stan Lee et Joe Simon n’ont pas manqué de publier leurs propres autobiographies on a parfois l’impression qu’ils sont quelques arbres nous cachant une forêt d’auteurs. Dans le cas présent Bill Everett n’avait peut-être pas la narration d’un Jack Kirby ou d’un Will Eisner mais il n’en reste pas moins que ce descendant de William Blake a, entre autres choses, créé Namor le Sub-Mariner et ainsi posé la première pierre d’un édifice qui allait devenir Marvel Comics (le sous-titre de l’ouvrage de Blake Belle nous le souligne d’ailleurs pour attirer les lecteurs). Je ne parle pas du simple facteur chance qui fit que Sub-Mariner, d’abord créé en dehors de Marvel, allait finalement atterrir dans le sommaire du premier numéro de Marvel Comics mais aussi de l’influence du personnage par la suite. Souvent les articles qui traitent d’Everett s’arrêtent au premier degré et à une certaine fascination qu’on peut lui prêter sur l’environnement aquatique à travers les créations de héros comme Hydroman, Sub-Mariner ou The Fin. En fait il faut bien voir qu’avec Namor Everett n’a pas seulement créé un héros qui respirait sous l’eau (la belle affaire !) mais aussi établi les codes de l’anti-héros. Sub-Mariner n’œuvrait pas pour le bien public. Il déclarait la guerre, ni plus ni moins, à la race humaine. Et si par la suite, rattrapé par la vraie seconde guerre mondiale, il allait un peu rentrer dans le rang, il conserverait une certaine capacité à se retourner, pour un oui ou un non, contre les humains. Dans la création de Namor, il n’y a pas qu’une histoire d’eau, il y a aussi les fondations du protagoniste en butte contre la société, dont on retrouve les traces de façon plus moderne dans Hulk, les X-Men et d’autres personnages fondamentaux de Marvel.

Ce postulat de départ mis en place, Blake Bell nous montre qui était Bill Everett, tour à tour enfant à la santé défaillante, auteur aussi créatif qu’auto-destructeur (sur ce plan il m’évoque un peu Wally Wood) ou encore père de famille aimant. A travers des éléments comme les photos de la famille Everett, Bell instaure une véritable ambiance, une intimité sans voyeurisme. Pour un peu on pourrait faire l’effort d’aller rechercher quelques morceaux de musique de l’époque, un petit coup de jazz, et s’imaginer sans problème dans le salon des Everett… A partir de là cette notion d’intimité permet de faire le lien entre le parcours et la personnalité de l’auteur. Ainsi Bell fait assez justement le rapprochement (qui ne m’était pourtant pas apparu jusqu’ici) entre le personnage de Namor et la fascination d’Everett pour Peter Pan (fascination qui se retrouve même à travers le prénom de sa fille). Malgré ce que pourrait laisser croire la couverture, cependant, Sub-Mariner n’est pas le seul point d’intérêt de cet ouvrage. D’abord parce qu’Everett n’a pas créé que le seul Namor ensuite parce que Bell s’interroge à juste titre sur le manque de reconnaissance d’un pan de carrière lié à l’horreur. Pendant des années Everett a ainsi illustré des récits fantastiques, produit des couvertures saisissantes dont la qualité est indéniable. S’il avait publié ces mêmes illustrations chez EC plutôt que chez le Atlas du début des années 50, sans doute qu’Everett serait aujourd’hui plus justement reconnu. Everett était, comme le titre l’indique, à la fois le feu et l’eau. Ses ambitions étaient sans doute à la hauteur de ses désespoirs. Ce n’est pas un livre qui épuisera, seul, le sujet Everett. Mais le livre émouvant (sans tomber dans la pleurnicherie), documenté et riche de Blake Bell permet de rétablir bien des vérités sur un auteur qui ne s’est pas « contenté » de créer Sub-Mariner et Daredevil…

[Xavier Fournier]

Fire and Water: Bill Everett, The Sub-Mariner, and the Birth of Marvel Comics
Fantagraphics Books
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