Ciné Review: Deadpool

Ciné Review: Deadpool

8 février 2016 Non Par Xavier Fournier

Review: Deadpool[FRENCH] C’est le chaos sur le périphérique ! Deadpool est bien décidé à se venger de l’homme qui l’a défiguré, le privant au passage du grand amour de sa vie. Tandis qu’on replonge dans les origines de Wade Wilson, le mercenaire en rouge et en noir va devoir convaincre quelques X-Men qu’ils lui en doivent une…

ON THE ROAD AGAIN…

Suivant la scène qui avait faussement leaké il y a quelques années (et qui avait boosté l’intérêt autour du film), Deadpool attend sur la voie rapide le convoi de l’homme qui l’a humilié et défiguré. Alors qu’il tranche à travers ses gardes du corps, l’assassin en rouge et noir a tout le loisir de se souvenir des évènements qui lui ont donné ses étonnants pouvoirs mais aussi privé de sa vie antérieure, avec la jolie Vanessa (Morena Baccarin). Malheureusement pour lui, Colossus et l’une des élèves de Charles Xavier vont s’en mêler, compliquant du coup cette vengeance chaotique. De flashback en flashback, on fait la connaissance d’un mercenaire à l’humour ravageur, pourvu d’une logique totalement déviante.

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SECONDE CHANCE

Il est rare que pour une seconde chance on se tourne vers le même acteur. Quelques années après une lamentable prestation dans le premier long-métrage consacré à Wolverine, Deadpool revient et il a à nouveau les traits et la voix de Ryan Reynolds. Peut-être justement est-ce parce qu’il a été ce Deadpool foireux mais aussi un Green Lantern que Warner a préféré abandonné que Reynolds est l’homme de la situation pour jouer un Deadpool revigoré, qui se fout de tout, à commencer de lui-même. Deadpool, mercenaire aux extraordinaires capacités de récupération revient donc en jouant cette fois la carte de l’authenticité : costume rouge et noir, prise en compte du « quatrième mur » et vannes aussi obscures qu’impolitiquement correctes, pas loin du « et quand il pête il troue son slip ». Deadpool n’a jamais été un monument de la philosophie mais pour le coup on ne pourra très certainement pas accuser le film de Tim Miller de se contente d’aligner une recette. Enfin si, il y en aura bien qui, coûte que coûte, viendront nous dire une nouvelle fois que tous les films de super-héros se ressemblent. Mais enfin bon là, sérieux, ça va se voir. Deadpool prend bien comme fondation les archétypes d’un genre mais les déconstruits au passage. Vous n’avez jamais vu Captain America, Wolverine ou Batman retomber comme une merde, une balle entre les fesses, tout en se foutant de la gueule du scénario ou des limitations de budgets des guest-stars. Quelque part on est dans un registre plus proche de Kingsman: Service Secrets…

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LA CARTE DE LA FIDELITE

Si la version première du personnage, époque Liefeld et Nicieza, vous horripile, pas de panique : L’origine de Deadpool vue dans le film repose largement sur ce qu’avait écrit Joe Kelly dans la seconde année de la série régulière, vers 1998 (mais aussi Deadpool Minus 1, en 1997), si ce n’est qu’elle fait abstraction de Weapon X et que les personnages d’Ajax (le chef de la sécurité, qui brimait Wade) et le Docteur Killebrew ont été confondu en un seul personnage (Ed Skrein, aperçu dans Game of Thrones), assez présent. Il y a peut-être une différence majeure dans le sens où Kelly démontrait assez bien que, si Wade Wilson avait déjà un sens de l’humour noir avant sa démonstration, son taux de folie avait été augmenté à la fois par la maladie et le traitement. Ici, le Wade « humain » est déjà bien dans son délire, bien barré, avant d’être sujet à des expériences ce qui fait que le décrochage n’est pas aussi sec (à part un moment où il prend un coup sur la tête et « voit » des choses). D’ailleurs sa chère Vanessa le rejoint bien sur ce registre et le côté déjanté des deux tourtereaux nous donne un peu une version « WTF? » d’une complicité à la Peter et Gwen (à peu près le seul élément valide dans Amazing Spider-Man II). Là, ils s’aiment, mais on ne s’adresse pas à la même cible et on ne dit pas les choses de la même manière. Sans qu’on tombe dans le voyeurisme, les ébats de Wade et Vanessa sont largement plus débridés (au moins par allusion) que le tout venant des couples de super-héros.

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MISE EN IMAGES

Là où le film patine un peu, c’est que Tim Miller n’est pas un réalisateur-caricaturiste, ne donne pas dans la démesure. Ce qui fait que même si Deadpool délire dans les dialogues et dans le scénario, la mise en image n’est pas aussi acide qu’un Timur Bekmambetov (par exemple), malgré quelques plans qui lorgneraient un peu sur du bullettime. Reste donc pour se démarquer quelques références à la barbaque, quelques silhouettes sanguinolantes ou membres tranchés mais finalement pas autant de gore qu’on pourrait le croire au regard des actions. Pour autant, il est clair qu’une projo de Deadpool n’est pas l’endroit où on emmènera le gosse en bas âge qui délirait sur la figurine de Groot. D’une part parce que cela tranche un peu, ensuite parce que les références de l’humour sont un peu datées et qu’il faut avoir connu les années 90 pour comprendre les allusions à telle chanteuse, par exemple. Ceci dit, sur un registre tout aussi daté, Guardians of the Galaxy avait son beurre sur des références aux chansons des années 70, donc cela laisse de la marge.

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AU BONHEUR DES DAMES ?

Deadpool est aussi, par ailleurs, un film qui vise beaucoup plus large qu’on pourrait le croire. D’abord parce qu’il y a réellement une histoire d’amour quelque part là-dedans, même si c’est sur fond de bas résilles, de filles de joies et de gode-ceintures. Ensuite parce que les scénaristes ont pris la peine d’installer un certain nombre de personnages féminins. En effet, si l’attention est attirée par la présence d’un Colossus qui a soudainement plus de présence (monolithique) que dans tous les films X-Men dans lesquels on a aperçu le personnage à ce jour, il faut compter avec Morena Baccarin, digne compagne qui partage une partie de l’humour tordu de son amoureux mais aussi Leslie Uggams (Blind Al), Gina Carano (Angel Dust) ou Brianna Hildebrand (Negasonic Teenage Warhead) qui, dans des genres très différents, ne s’en laissent pas raconter. On ne peut pas dire qu’Angel ou Negasonic Teenage Warhead parlent pendant des heures mais clairement elles sont capables de tenir tête. En un sens, ce casting est bien plus féministe qu’un film Wolverine…

Au final ? Comme le personnage, le film ne laissera sans doute pas grand monde indifférent. Si vous avez toujours détesté Deadpool, ce n’est pas ce film qui va vous faire changer d’avis puisqu’on est à fond dans l’esprit du personnage selon les comics. Si au contraire vous avez ris des vannes de Joe Kelly ou Gerry Duggan, vous serez plus en terrain de connaissance. Ce n’est sans doute pas le film de la décennie (il ne prétend d’ailleurs pas l’être) mais à travers Deadpool, la Fox fait la preuve qu’elle peut continuer d’exploiter la licence des X-Men tout en se lançant dans des tonalités différentes.

[Xavier Fournier]