Oldies But Goodies: Action Comics #252 (Mai 1959)

Oldies But Goodies: Action Comics #252 (Mai 1959)

5 mai 2012 Non Par Comic Box

[FRENCH] Action Comics #252 est principalement resté dans l’Histoire pour avoir introduit Supergirl, la cousine de Superman. Mais le même numéro contenait une autre aventure du super-héros kryptonien. En apparence moins emblématique, « The Menace of Metallo » allait changer la donne… Et pas seulement pour DC Comics.

Sur l’image de présentation de cette histoire Lois Lane s’aperçoit, admirative, que son ami John est à l’épreuve des balles : des gangsters tirent à la mitrailleuse sur le corps de l’homme mais les projectiles rebondissent. Le corps de John est tout simplement indestructible (assez bizarrement le costume de John ne semble pas, non plus, être endommagé par les balles). Pour Lois, cela ne peut vouloir dire qu’une chose. John est forcément Superman, l’homme qu’elle aime ! Sauf que le vrai Superman peut être vu un peu plus loin, observant la scène. John pense alors : « Wow ! Je suis dans le pétrin ! Si jamais Superman et moi-même apparaissons tous les deux au même moment, elle (Lois) saura que je ne suis pas l’homme d’acier… Mais Metallo, l’homme de métal ! ». Action Comics #252 correspond en effet à la création de ce personnage qui va laisser sa marque dans l’univers de Superman.

Tout commence un soir, à l’extérieur de Metropolis. Le reporter John Corben (un brun moustachu) est au volant de sa voiture, en train d’écouter un fameux feuilleton radio intitulé Crime File (« Dossier Criminel »). Dans l’émission, le coupable est démasqué car il oublié de nettoyer l’arme du meurtre, laissant des empreintes digitales qu’on a pu identifier. John Corben ricane : Le tueur dans ce show a peut-être oublié mais pas lui ! Corben vient de réaliser le crime parfait ! Il vient de commettre le crime parfait ! Il a pensé à tout nettoyer de manière à ne laisser aucune empreinte. Mieux : Il s’est même arrangé pour laisser l’arme dans la main du mort, de manière à ce qu’on trouve les empreintes du décédé et qu’on pense à un suicide. John Corben vient de tuer le seul homme qui savait qu’il était un voleur et un escroc. Mais personne ne pourra soupçonner qu’il s’agit d’un meurtre. La Loi ne poursuivra personne. C’est ce que John qualifie de crime parfait. La Loi peut-être mais la Justice divine c’est une autre chose. Car John prend un virage de manière un peu trop large. Sa voiture sort de la route et tombe dans un ravin…

Quelques instants plus tard une autre voiture s’arrête. Un vieux professeur et sa gouvernante passaient par là et ils ont aperçu, de loin, l’accident. Ils descendent vers l’automobile ravagée et trouvent Corben en très mauvais état. Edith, la gouvernante, constate qu’il faut absolument l’emmener dans un hôpital. Le professeur la détrompe : « Non, Edith ! Il ne tiendra pas assez longtemps pour ça ! Sa seule chance est que je l’opère en urgence ! Aidez-moi à le porter dans notre voiture ! ». Le blessé est rapidement installé sur la banquette arrière. Le professeur explique ensuite : « Le corps de cet homme est au delà de toute guérison. La chirurgie ordinaire ne peut pas l’aider ! La seule chance que j’ai de le sauver est d’essayer une expérience désespérée. Une expérience que, jusqu’ici, les scientifiques ont réalisé seulement sur des animaux ». Edith avoue ne rien y connaître mais elle se dit confiante en la capacité du professeur à faire le nécessaire. Bientôt, dans une ambiance digne du laboratoire du Docteur Frankenstein, le professeur installe le corps inconscient de Corben sur une table d’opération. L’intervention commence…

Quelques jours plus tard John Corben sort du coma. Quand il s’éveille, il remercie le professeur de l’avoir sauvé : Il se souvient seulement de la douleur et du fait d’avoir sombré dans l’inconscience. Mais le scientifique calme l’optimisme de Corben : « Ne me remerciez pas encore… Attendez de voir ce que j’ai fait ! Laissez-moi écarter cette couverture… ». John est stupéfait. Là où il devrait y avoir son corps humain, il n’y qu’une surface d’acier : « J’ai un corps entièrement métallique ! ». Mais le professeur le reprend : « Correction ! Vous avez toujours votre cerveau humain mais tout le reste a été reconstruit avec un blindage spécial qui ne peut pas fondre et qui résiste aux chocs ! Votre nouveau corps est indestructible ! Vos bras sont désormais recouverts d’une substance caoutchouteuse semblable à de la peau. Mais le fluoroscope révèle que leur vraie structure est métallique ! ». Bien que le mot ne soit pas encore pas populaire, John Corben est devenu un cyborg. Un ancêtre commun de Steve Austin (« l’Homme qui valait 3 Milliards ») et du T-800 de Terminator.

En fait, chez DC, ce n’est pas une première. Un personnage similaire, le héros Robotman, avait lui aussi été sauvé grâce à la transplantation de son cerveau dans un corps artificiel. Mais ce premier Robotman (Paul Dennis), bien que publié pendant de nombreuses années, avait surtout opéré dans les années quarante (à partir de Star Spangled-Comics #7, avril 1942) et dans le début des années cinquante. Il était donc lié au Golden Age, alors que DC, en 1959, se sentait déjà dans le Silver Age avec l’arrivée massive de nouveaux héros comme Flash (Barry Allen) ou Green Lantern (Hal Jordan). Bien que la classification des différentes terres (Earth 1, Earth 2…) n’existait pas encore chez l’éditeur, le premier Robotman semblait déjà rattaché à une chronologie qui ne semblait plus de mise, n’étant pas apparu après 1956. Il y aurait bien un deuxième Robotman (Cliff Steele, membre de la Doom Patrol) mais il n’apparaîtrait qu’à partir de 1963. De facto, si on se réfère à la continuité du Silver Age, John Corben est donc le premier cyborg majeur de « Terre 1 ». Les fanas d’ultra-continuité pourront toujours imaginer que les « expériences sur les animaux » dont il est question sont en fait dues au Chef (celui qui sauvera plus tard la vie de Cliff Steele). Le professeur qui opère Corben se serait donc inspiré de la même technologie. Mais il est bien évident qu’en 1959 tout ça est assez loin des préoccupations du scénariste…

Pour John Corben, l’explication du savant ne veut dire qu’une chose : « A-alors je suis devenu une sorte de robot humain ! ». Le professeur confirme cette définition et explique qu’il lui a également donné un cœur artificiel. A l’intérieur de l’équivalent d’une boîte à fusible se trouve un des deux seuls éléments qui peuvent faire fonctionner ce cœur, gardant John Corben en vie. Et le savant fait une démonstration. Il retire l’élément présent (une capsule d’uranium). Aussitôt Corben se sent très faible. Le professeur remet la capsule en place et immédiatement l’homme-machine se sent mieux. Le scientifique explique alors : « J’ai remis la capsule et votre faiblesse mortelle s’est dissipée ! Mais souvenez-vous ! Chaque capsule ne dure qu’un jour ! Elle doit être remplacée quotidiennement par de l’uranium frais ou vous périrez ! ». Curieux, John demande alors quelle est la deuxième substance qui peut le faire vivre. Le professeur va répondre quand il est interrompu par un éclair. La foudre vient de frapper la proche montagne, provoquant une avalanche qui se précipitent vers la maison où ils se trouvent (décidément ce John Corben n’a pas de chance !). Les rochers viennent bloquer les issues. « Nous sommes piégés » s’exclame Corben. Mais pire : sous l’émotion, le professeur fait alors une crise cardiaque (ce qui est ironique puisqu’il parlait justement d’un cœur artificiel). Constatant que son sauveur est inconscient, Corben décide d’enfiler des vêtements et d’aller chercher de l’aide en espérant qu’une autre porte de la maison n’est pas bloquée.

Fausse joie : Quand il ouvre la porte, Corben trouve un véritable mur de rochers. Mais dans la foulée la poignée de la porte lui reste dans la main. John Corben comprend qu’il ne connait pas sa propre force : « Hé bien ! J’ai une super-force dans ces mains de métal ! ». Et puisqu’il est plus fort que la normale, l’homme tente le tout pour le tout : il commence à taper sur les rochers : « Je ne peux pas le croire ! Je suis en train de traverser la barrière de rochers avec mon corps robotique ! Ma force métallique est sans limite ! ». Corben échappe ainsi au piège mortel. Mais s’il était parti pour chercher de l’aide pour le savant, il change d’avis dès qu’il est tiré d’affaire : « Que le professeur aille au diable ! Sa gouvernante le trouvera de toute manière et elle prendra soin de lui ! Je regrette seulement de ne pas avoir appris ce qu’est le second élément qui peut me servir d’énergie ! ».

On ne sait pas trop où travaillait John Corben auparavant. Mais rapidement il rejoint Metropolis et pose sa candidature au journal Daily Planet, chaudement recommandé par son précédent employeur. Perry White, le rédacteur-en-chef du Planet n’hésite pas une seconde et l’embauches sur le champ. Rapidement White présente à Corben deux autres éminents journalistes de la rédaction : Lois Lane et Clark Kent (Superman en civil). Ce dernier s’aperçoit, stupéfait, que Corben a une poigne de fer. Kent est même obligé de faire semblant d’avoir mal à la main, de manière à passer pour un humain normal. La scène réjouit Perry White « C’est bien ! Alors Corben est de taille à suivre ces reportages durs pour lesquels tu es trop timoré, Clark ! ». Avec Lois, la rencontre est électrique mais d’une autre manière. White demande à la jeune femme qu’elle montre à Corben l’emplacement de son bureau. Dès que Perry a tourné le dos, Corben se conduit comme un goujat et fait du gringue à Lois en lui disant qu’il en pince pour elle et qu’elle est mignonne. Il lui propose un rendez-vous. Mais Lois n’est pas du tout séduite par cette approche frontale. Elle le repousse de manière glaciale. Pour la petite histoire on peut remarquer que John Corben semble avoir totalement oublié qu’il a désormais un corps mécanique. Seuls sa tête et ses bras sont recouverts d’une substance imitant la peau. Comment pourrait-il espérer consommer la moindre relation sexuelle avec un corps ressemblant à une armure ? La question n’a pas l’air de lui traverser l’esprit. Ou peut-être que cette méthode de drague est seulement une astuce pour que justement on le considère comme un « humain normal ». Peut-être que Corben s’arrange pour draguer d’une manière qui fait qu’il est certain d’être repoussé. De toute manière John Corben a d’autres soucis plus immédiats. Se sentant faible, il est obligé de s’isoler dans une pièce pour pouvoir changer la capsule d’uranium qui l’anime. John s’aperçoit qu’il est en train d’utiliser la dernière capsule de réserve que le professeur lui a donné. Il lui reste un jour pour trouver une réserve d’uranium sinon…

A ce moment, la rédaction du Daily Planet apprend qu’un sous-marin, le Neptune, est en détresse. Il essayait de battre un record de plongée mais son système d’aération s’est bloqué. Son équipage risque de périr par asphyxie. « C’est un boulot pour Superman ! » pense intérieurement Clark Kent. Il se cache alors dans un débarras (c’est fou ce que le Daily Planet a comme salles vides où on peut s’isoler). En un instant, usant de sa super-vitesse, Clark Kent est devenu Superman. Il comprime alors sa tenue civile de manière à en faire une boulette minuscule mais très compacte, qu’il peut ranger dans une poche secrète de sa cape (à l’inverse le reste du temps on peut en déduire que Clark transporte dans une poche de son costume l’uniforme comprimé de Superman). Bien sûr, l’incident du sous-marin n’est pas une question de vie ou de mort. Le Neptune pourrait refaire surface pour renouveler son air mais s’il le fait, sa tentative de battre le record sera caduque. Superman s’envole donc, déterminer à réparer l’aération du sous-marin sans qu’il ait besoin de remonter (le héros n’a pas l’air de réaliser qu’en un sens c’est tricher pour établir ce nouveau record). Superman se rend dans la mer arctique (où se trouve le Neptune) et, avant de plonger, inhale un bon coup, afin que ses super-poumons emmagasinent autant d’air frais que possible. Une fois sous l’eau et près du sous-marin, Superman exhale à super-vitesse de l’air dans l’engin, en utilisant les tubes à torpilles. Il calcule alors qu’il est en train d’injecter assez d’air dans le Neptune pour que cent hommes puissent tenir pendant six jours. A l’intérieur du sous-marin, l’équipage a bizarrement conscience que cet air frais vient de Superman et que, grâce à lui, ils vont pouvoir battre le record sans mettre leur vie en danger…

Qu’est-ce que le sauvetage du Neptune vient faire dans cette histoire nous direz-vous ? C’est simple : Pendant que Superman est dans l’Arctique en train de faire une bonne action, Metropolis reste sans protection. C’est le moment que choisi John Corben pour attaquer un laboratoire de recherche : « Il n’y a pas de manière polie, légale, pour que j’obtienne l’uranium dont j’ai besoin. Je ne peux pas l’acheter ou l’extraire moi-même. Je suis obligé de le voler ! ». Corben se sert de sa force extraordinaire pour traverser un mur puis défoncer la porte blindée d’un coffre : « Il n’y a qu’un peu d’uranium ici ! Il m’en faudra plus ! Je ne peux pas continuer de vivre au jour le jour en me demandant où je trouverais une autre capsule d’uranium ! Je dois faire des stocks ! Et le faire avant que ce premier vol alerte tous les propriétaires d’uranium et qu’ils doublent leurs mesures de sécurité ! ». Pendant le reste de la journée, John Corben continue donc de dévaliser d’autres endroits de la région qui disposent de stocks d’uranium. Même quand il y a des gardes et qu’on lui tire dessus, Corben résiste aux balles et s’en va avec son butin, sans qu’on l’ait identifié…

Les médias affublent vite le mystérieux voleur du surnom de « Metallo, l’homme de métal ». Ils comprennent en effet qu’aucun humain normal n’aurait pu réaliser de tels vols et qu’il s’agît sans doute de l’œuvre d’un robot indestructible. On annonce d’ailleurs que Metallo vient d’être déclaré « ennemi public n°1 ». Néanmoins, pour l’instant, Superman ne semble pas lui accorder une attention particulière. D’autant qu’une autre nouvelle le concerne plus directement. L’actrice Sherry Blair a décidé de se laisser tomber du haut des chutes du Niagara, enfermée dans un tonneau. C’est un coup de pub et la vedette explique à qui veut l’entendre qu’en cas de risque elle s’attend à être sauvée par Superman. L’anecdote est intéressante car, même si elle ne va pas au fond de la logique, elle implique que dans un monde où Superman existerait le sens du risque serait déformé, perverti. C’était d’ailleurs déjà un peu le cas dans la scène où Superman aidait le sous-marin à battre le record. Mais là, la chose est un peu trop claironnée pour que Superman laisse faire. Clark Kent décide de donner une leçon à l’actrice. Mais il lui faut d’abord trouver une excuse pour fausser compagnie au reste de la rédaction du Daily Planet. Clark fait alors semblant d’avoir des brûlures d’estomac et se fait porter pâle. Se prétendant trop malade pour travailler, il explique alors qu’il va rentrer chez lui pour se coucher. Bien entendu c’est une nouvelle occasion pour Lois de se moquer de Clark. Elle a mangé exactement la même chose que lui mais n’est pas malade. Penaud, Clark doit aller au bout de son imposture et reconnaître que son estomac est sans doute plus faible que celui de Louis. Clark fonce hors de vue… mais ne peut s’empêcher de s’inquiéter : « J’espère que Lois fera attention en mon absence ! Elle a fait des recherches pour démasquer un gang de criminels… Et ils seraient capables d’essayer de la faire taire… avec une balle ! ».

Mais Superman s’envole. En un éclair il arrive en vue des chutes du Niagara, au moment où le tonneau où se trouve l’actrice est projeté dans le vide. Superman pense en son fort intérieur : « Je dois secourir cette idiote assoiffée de publicité mais de manière à ce que personne ne sache que je suis intervenu ! ». Au lieu d’apparaître au grand jour et d’intercepter le tonneau en volant devant les témoins, Superman, hors de vue, se glisse dans l’eau et remonte le courant « comme les saumons ! ». Sous l’eau des chutes, Superman est donc invisible et il attrape le tonneau au passage, freinant sa descente. Bientôt Superman dépose l’objet sur la berge et se cache. L’actrice n’a pu le voir et elle est convaincue de devoir sa survie à un simple rocher qui aurait dévié le choc : « Puisque Superman n’est pas venu, j’aurais pu me tuer en tombant des chutes ! Je ne tenterais plus jamais ce genre de choses ! ». Superman, caché derrière un buisson, espérait bien une réaction de ce genre.

Mais pendant que le super-héros est loin de Metropolis, Lois Lane sort à l’extérieur pour aller manger. Elle est rattrapée par John Corben qui espère toujours décrocher un rendez-vous avec elle. Mais alors qu’ils sont dans la rue des gangsters passent en voiture. C’est la bande de gangsters sur laquelle Lois enquête. Bien décidés à abattre la journaliste, les criminels sortent alors une mitraillette et tirent. Mais John Corben se trouve sur la trajectoire des balles, qui rebondissent sur lui. Et le phénomène spectaculaire n’échappe pas à Lois : « Bonté divine ! Ce gang a tenté de me tuer ! Mais les balles ont été déviées par la poitrine de Corben ! Il est intact ! Bon sang ! Corben doit être Superman sous une identité secrète ! ». Sans attendre, Lois se précipite au cou de son sauveur : « Ne te donne pas la peine de couvrir les trous de tes vêtements, chéri ! Tu es Superman, l’homme que j’aime ! Et comme une idiote je te repoussais ! Je vais me rattraper à partir de maintenant ! » Et elle s’apprête visiblement à l’embrasser. Le problème c’est que John Corben ne peut expliquer qui il est réellement. Cela reviendrait à admettre qu’il est Metallo l’ennemi public n°1. Faire semblant d’être Superman est donc la seule issue possible. D’autant qu’à part la moustache il ressemble effectivement au super-héros. Mais Corben réalise d’emblée que si jamais le vrai Superman se montre en même temps que lui, Lois saure qu’il est un imposteur. Pour l’instant il est contraint de suivre Lois dans son délire. Tous les deux vont manger dans un restaurant chinois. Ils y écoutent un flash d’information qui explique qu’après les vols de Metallo tous les stocks d’uranium seront désormais mis sous haute surveillance, au Fort Taber.

John Corben a soudainement une inspiration. Puisqu’il ressemble tant à Superman, il peut peut-être pousser l’imposture un peu plus loin qu’avec la seule Lois. Il décide de se raser la moustache. Et l’après-midi même il loue une panoplie de Superman, ce qui lui permet de se faire passer pour le héros kryptonien. A un détail près : Metallo ne peut pas voler. Mais peu importe. Il prend sa voiture pour rouler jusqu’au Fort Taber. Là-bas, même s’il arrive à pied (après avoir garé son automobile un peu plus loin sans doute), Metallo n’a pas de problème à se faire passer pour Superman. Il explique qu’il est venu surveiller l’endroit au cas où Metallo attaquerait. Cerise sur le gâteau, il aide les militaires en portant un camion tombé en panne. Comme c’est le genre d’exploits que seul Superman est supposé réaliser, la supercherie fonctionne parfaitement. Un peu plus tard le faux Superman prétexte qu’il doit joindre son ami Jimmy Olsen et demande s’il y a un téléphone à l’intérieur. Et comme personne ne songerait à refuser quoi que ce soit à « Superman », il est rapidement conduit dans les locaux. Laissé sans surveillance pour donner son coup de téléphone, Metallo en profite pour défoncer les parois et s’emparer de tout l’uranium qu’il peut porter. Il réussit à sortir sans se faire voir et est en train d’installer son butin dans sa voiture quand il aperçoit le vrai Superman en train d’approcher : « Il doit m’avoir aperçu avec sa vision télescopique ! Il fonce vers moi ! ». Mais Metallo décide de l’arrêter en se servant d’une statue en bronze (représentant un daim) qu’il lance comme s’il s’agissait d’un missile.

Superman en plein vol étant lui-même semblable à un missile, la statue de bronze s’écrase sur le poing du héros. Mais l’accident lui confirme que l’homme qu’il aperçoit au sol est bien Metallo (mais il ne s’aperçoit pas que c’est John Corben). Une poursuite s’engage. Superman utilise d’abord son super-souffle pour éjecter le stock d’uranium en dehors de la voiture du voleur. Puis, toujours avec son souffle, le héros tente de déséquilibrer l’automobile. Il est cependant obligé de s’arrêter. Il vient de percevoir un accident sur le point de se produire à l’exposition mondiale de sculpture. On est en train d’installer une statue d’Atlas soulevant le globe terrestre. Mais le globe en question échappe à la grue qui le portait. S’il s’écrase, il sera brisé. Superman se précipite, intercepte l’objet et ressemble du coup au géant Atlas en train de porter la Terre. Les journalistes qui étaient là profitent de l’occasion pour immortaliser l’instant. Superman soulevant la Terre, c’est une image iconique ! Mais on notera que c’est la troisième fois que Superman est dérangé dans son enquête pour une raison qui finalement n’avait rien à voir avec une réelle urgence (le sous-marin aurait pu remonter, les autorités auraient du empêcher l’actrice de sauter et est-ce que le sauvetage de la statue était vraiment du ressort de Superman ?).

Metallo s’est enfuit mais, par la force des choses, il n’a plus accès à l’uranium. Il se précipite donc chez le Professeur (dont on apprend au passage qu’il s’appelle Vale, comme Vicky Vale, fiancée classique de Batman). Le savant est en convalescence mais peut répondre aux questions de Corben. Ce dernier explique qu’il ne peut obtenir d’uranium et qu’il lui faut absolument savoir quelle est la deuxième substance qui peut faire fonctionner son cœur. Vale explique que c’est la Kryptonite (le fameux talon d’Achille de Superman) dont l’énergie suffirait à le faire fonctionner pour toujours. D’ailleurs le Professeur Vale explique avoir un échantillon de Kryptonite. Le scientifique explique qu’il comptait s’en servir pour concevoir un antidote anti-Kryptonite pour le compte de Superman. Mais comme la vie de Corben est en jeu et que Vale ignore qu’il s’agit d’un criminel, il lui en fait cadeau. Pour Metallo, cette découverte permet de faire d’une pierre deux coups : « La Kryptonite ! Le seul élément qui peut tuer Superman ! Je vais le détruire avant qu’il se mette à nouveau sur ma piste ! ».

Cette nuit-là, revenu à Metropolis, Metallo se déguise à nouveau en Superman et installe les éléments d’un piège en cachant de la Kryptonite dans des tuyaux, là où Superman est bientôt supposé inaugurer une exposition. Quand le vrai Superman arrive, il remarque un éclat de Kryptonite et, aussitôt, se sent devenir très faible. Malheureusement s’il peut ressentir les effets de la substance mortelle, elle est perchée trop haut, hors d’atteinte. Il ne peut s’en débarrasser. Metallo surgit, se moque de lui et profite de l’exposition (qui était consacrée à Superman) pour s’emparer d’un autre stock de Kryptonite. Sans attendre, Metallo s’isole et ouvre son poitrail mécanique et y insère le minéral qui va lui permettre de fonctionner « pour toujours ». Laissé sans surveillance, Superman se concentre sur la seule manière qu’il a d’agir à distance : il n’est plus assez fort pour utiliser son super-souffle. Mais il lui reste encore sa vision à rayons-X (à l’époque largement confondue avec sa vision calorifique). Au bout de quelques minutes, il arrive à réaliser une grande première : Il arrive à faire fondre la Kryptonite et visiblement sous cette forme elle devient inoffensive pour lui. « Maintenant je peux poursuivre Metallo ! Ma vision télescopique le localisera dès que ma pleine puissance sera revenue ! ». Mine de rien le scénario vient de trouver une solution, un deus ex-machina, qui permettrait à Superman d’en finir avec la Kryptonite à chaque fois qu’il y est exposé. Mais, bien sûr, les épisodes suivants ne feront plus allusion à cette solution.

Pendant ce temps, Metallo, toujours déguisé en Superman, se rend chez Lois Lane, sans doute pour l’impressionner. Malheureusement pour lui il est maladroit. Quand il entre chez elle, il accroche son costume à la poignée de porte. Sa tenue se déchire, révélant que son corps est en métal. Lois Lane en déduit immédiatement que ce n’est pas Superman mais Metallo. Ce dernier ne voit qu’une issue : « Je dois me débarrasser de toi tout comme je me suis débarrassé de Superman ! ». Et le criminel fait un pas vers elle pour la tuer… Mais c’est lui qui s’effondre. Quelques instants plus tard, quand le vrai Superman arrive chez Lois, il la trouve avec un Metallo mort à ses pieds. Lois s’écrie « Il doit avoir fait une crise cardiaque ! ». Mais Superman explique : « Il s’est mis lui-même dans de sales draps ! Il a échangé sa Kryptonite contre la mienne, sans réaliser qu’il s’agissait d’un faux, d’un accessoire peint en vert en vue d’une photo pour un magazine ! Apparemment la Kryptonite permettait à son cœur mécanique de fonctionner. Cette pierre peinte en vert ne pouvait rien faire d’autre que lui déclencher une crise cardiaque ! ». Plus tard, au QG de la police, Lois et Superman apprennent la dernière pièce du puzzle, prouvant que le crime parfait n’existe pas. La police avait prévu de toute manière d’arrêter John Corben le soir même, à cause de son meurtre initial : « Il avait pensé à nettoyer le revolver mais pas les cartouches ! Nous avons trouvé les empreintes de Corben sur l’une d’entre elles. Si Corben pensait qu’il avait commis le crime parfait… ». Et Superman de conclure « … Il avait mortellement tort ! ».

John Corben, alias Metallo, ne survit donc pas à sa première (et longtemps sa seule) rencontre avec Superman. Puisqu’il meurt à la fin, personne chez DC n’osera ramener le personnage dans les années suivantes, tout en reconnaissant que le criminel a gagné sa place parmi les pires adversaires de Superman. Il faut dire qu’il ne sortait pas totalement de nulle part. Le Superman du Golden Age avait affronté un « Metalo, Man of Metal » en 1942 dans World’s Finest #6. Il s’agissait d’un personnage un peu différent, un savant qui portait une armure assez semblable à celle d’Iron Man (et en particulier l’armure originelle, grise, de ce dernier) pour combattre « l’homme d’acier ». Eventuellement on pourra aussi lui trouver un air de Doctor Doom (le « Docteur Fatalis » qui s’oppose régulièrement aux Fantastic Four). On notera au passage quelques (vagues) ressemblances avec le Metallo de 1959 : Le Metalo (avec un seul L) du Golden Age réussit des exploits herculéens qui font qu’on les attribue à Superman (la population est incapable d’imaginer qu’un autre personnage soit aussi for que lui). On se rapproche un peu de la tentative de John Corben de se faire passer pour Superman lui-même pour commettre ses crimes. Metalo (une invention de Jerry Siegel) avait visiblement été conçu pour devenir un adversaire régulier (il termine l’épisode en promettant de revenir se venger et c’est un des rares criminels de l’époque à pouvoir tenir tête au super-héros). Pourtant, Siegel ne mentionnera Metalo qu’une seule autre fois (dans Superman vol.1 #21, en 1943) avant de sembler l’oublier. Sans doute que le scénariste s’intéressera plus, finalement, à Lex Luthor. Pendant des années on ne mentionnerait plus d’Homme de Métal lié à Superman. Jusqu’à 1956 où on mentionnerait bien un « Metallo » dans une aventure de Superboy mais il s’agit d’un simple robot à l’histoire très différente, qui ne semble pas avoir été inspiré par la création de Siegel. Pour John Corben, par contre, la chose est plus floue. En un sens Corben (un cerveau transplanté dans un endosquelette artificiel) est l’exact contraire du Metalo de 1942 (un corps normal protégé par un exosquelette). Mais on peut néanmoins faire certains rapprochements, comme ce surnom commun de « Man of Metal », la tentative de faire passer les vols sur le dos de Superman et enfin le nom voisin. Il ne serait d’ailleurs pas très étonnant que l’orthographe différente (avec un « L » de plus) s’explique au pire par une volonté de déjouer toute protestation de Siegel (déjà en bisbille avec DC au sujet des droits de Superman). Au mieux il s’agît peut-être simplement d’une erreur dans la manière d’écrire le nom du criminel au moment de le « réintroduire » avec une nouvelle origine.

Quels que soient les méandres de la création de John Corben, il semble que son créateur, le scénariste Robert Bernstein, était plutôt fier de sa création. Ou que DC avait perçu une réaction particulière du public. Trop tard. Il était mort. Mais l’éditeur pris soin de réimprimer quelques fois cette aventure, y compris dans Superman Annual vol.1 #2 (1961) où Metallo est clairement identifié comme l’un des plus grands adversaires du héros, au côté de « pointures » comme Brainiac ou Bizarro. L’ironie, c’est que si on regarde bien l’épisode d’Action Comics #252, Superman et Metallo n’échangent pas le moindre coup de poing. Ils ne se battent pas au sens traditionnel (tout au plus il y a le moment où John Corben lance la statue de bronze). Mais on l’avait déjà tué et, à l’époque, on ne ramenait pas si facilement les personnages du pays des morts. Du coup on continua de faire mention de Metallo dans des flashbacks ou dans certaines expositions de la Forteresse de la Solitude.

Dans Action Comics #312 (mai 1964), Robert Bernstein va jusqu’à recréer un nouveau Metallo (après tout c’est logique, si la technologie existe elle peut-être appliquée à un autre que John Corben). C’est l’identité du nouveau Metallo qui surprend : il s’agit de Clark Kent. Et du vrai en en plus ! Une dose de Kryptonite Rouge a séparé Clark et Superman en deux entités différentes. Superman semble devenu maléfique et fait mine de vouloir conquérir le monde. Clark, qui représente la partie humaine et qui n’a pas de pouvoirs, ne peut pas s’opposer à son alter-ego. Mais il est mortellement blessé par la balle d’un policier. Recueilli par la sirène Lori Lemaris, Clark, mourant, se souvient alors de son ancien adversaire Metallo et demande à son alliée d’utiliser la science d’Atlantis pour lui construire un corps artificiel similaire. D’une pierre deux coups : Clark est sauvé mais son nouveau corps, activé par la Kryptonite (verte) est de taille à affronter le mauvais Superman. En fait il s’avère bien vite qu’il s’agit d’un malentendu : Superman faisait seulement semblant d’être mauvais pour tromper des extra-terrestres. Les deux moitiés du héros fusionnent à nouveau quand l’effet de la Kryptonite Rouge s’est dissipé (le Clark réunifié étant à nouveau humain et plus du tout un cyborg). On voit que Bernstein jugeait le concept de Metallo assez populaire pour qu’on puisse le mentionner et en créer un dérivé près de deux ans après la mort de John Corben. Dans Superman #214 (1969), Corben referait une courte apparition sur la forme d’un fantôme mais il s’agit d’une imposture (un autre ennemi, le Composite Superman, se faisant passer pour Metallo). Malgré ces mentions insistantes, Metallo ne referait surface que dans les années 70 : Dans Superman #310 (1977) le héros est confronté à un nouveau Metallo : Roger Corben, le frère de John. Puis plus tard le personnage reviendrait vêtu d’une armure orange et verte… qui le faisait ressembler à une sorte d’Iron Man du Mal (ou en un sens le ramenait vers le modèle du Metalo de 1942)… Mais quand on y regarde bien, toutes incarnations confondues, Metallo ne sera pas vraiment un adversaire très régulier de Superman. Tout changerait après Crisis, quand John Byrne, profitant de la nouvelle continuité de DC, ferait de Metallo (John Corben) un des premiers super-criminels que le nouveau Superman affronterait. Le Metallo post-Crisis reviendrait enquiquiner la vie du fils de Krypton bien plus régulièrement… Au point qu’on pense souvent qu’il en était de même AVANT Crisis.

En fait Metallo connaîtrait un succès bien plus grand sous une autre forme. L’idée allait tout simplement refaire surface ailleurs. Car le scénariste de « The Menace of Metallo » était Robert Bernstein. Le même Robert Bernstein qu’on allait retrouver en 1962 sur la série Tales of Suspense où Marvel allait lui confier dès le deuxième épisode l’écriture des aventures d’Iron Man. Bernstein ne fut pas le créateur officiel d’Iron Man mais force est de constater qu’il changea profondément la configuration de la série et du héros. Le premier épisode d’Iron Man (Tales of Suspense #39, mars 1963) s’était achevé en laissant le héros dans une situation inverse de celle de Metallo (et donc, si vous avez suivi, dans une configuration très proche du Metalo de 1942) : le héros, Tony Stark, dont le cœur avait été mortellement endommagé, devait porter un exosquelette pour survivre. Alors que John Corben a un corps de métal qu’il cache sous une chair synthétique, le premier épisode d’Iron Man s’achève en laissant Stark obligé de vivre à l’intérieur d’une armure cachant totalement son humanité, de la tête aux pieds. Si on y regarde bien, certains signes montrent qu’Iron Man était destiné à être une sorte de monstre technologique: un colosse artificiel qui aurait sans doute été en butte aux préjugés. Le héros se définit d’ailleurs comme un balourd (un « hulk » mécanique, Iron Man lui-même va jusqu’à utiliser l’expression dans l’épisode) et va jusqu’à dire qu’à partir de ce moment là Anthony Stark n’existe plus (de manière induite on comprend qu’il ne peut pas sortir de l’armure, qu’il en restera prisonnier).

Dès le deuxième épisode (et donc le premier écrit par Bernstein), la dynamique change totalement. On apprend que Stark n’est pas obligé de porter l’armure entière mais seulement un plastron de métal qu’il cache sous ses vêtements. Un plastron qu’il lui faut périodiquement recharger, la chemise ouverte. Et comme Tony Stark porte une moustache semblable à celle de John Corben, on comprend donc que Bernstein transforme Iron Man pour le faire plus ressembler à son Metal Man de 1959. Pour répondre à une question qu’on m’avait posée pour une chronique précédente, certaines pistes me laissent à penser que ce n’est pas Bernstein qui a décidé de faire table rase de ce que laissait entendre l’épisode originel (le concept du « monstre mécanique »). Primo, Bernstein n’avait pas ce genre d’importance à l’intérieur de Marvel. Il ne pouvait pas passer à la moulinette une création à peine lancée. Secundo, le calendrier de l’éditeur fournit une chronologie assez explicite des événements : en mars 1963, Marvel lançait donc Iron Man dans Tales of Suspense #39 en tentant, à un certain niveau, d’en faire un phénomène de foire issue de la science, lorgnant, malgré les apparences, sur l’Incroyable Hulk. Mais mars 1963, c’est aussi le mois où Marvel décida d’arrêter les frais sur la série de Hulk, lancée six numéros plus tôt mais qui ne rencontrait pas son public (il faudrait attendre une seconde chance, des années plus tard, pour que le monstre vert connaisse véritablement le succès). Et là, clairement, il n’est pas difficile d’imaginer Martin Goodman ou Stan Lee (probablement les deux) se retrouvant coincés avec une nouvelle série d’Iron Man qui suivait, à un certain niveau, la recette de Hulk. Ce même Hulk qu’on arrêtait au même moment.

Tout porte donc à croire que c’est bien la hiérarchie de Marvel qui a décidé d’oublier la formule première de Tales of Suspense #39, préférant passer un coup d’éponge. Et puis, objectivement, il y avait comme un problème technique : Le Iron Man originel était supposé être un riche industriel prisonnier d’une armure (ce qui à la longue n’aurait pas manqué de poser problème : Comment Tony Stark aurait-il pu faire ses besoins ?). Non, Bernstein n’a sans doute pas décidé de lui-même d’effacer ce qui avait précédé. Mais il est clair qu’il a eu la tache de remplir le vide ainsi laissé. Et il l’a comblé avec quelque chose qui ressemblait énormément à son Metallo de 1959. Certains scènes où les deux personnages se « rechargent » (l’un avec de l’uranium, l’autre avec de l’électricité) les représentent de manière absolument semblable. En clair, Robert Bernstein a profité de la situation pour réinjecter des éléments qui avaient fait leur preuve chez DC sur un personnage alors éphémère, tué trop vite. D’une certaine manière Bernstein a inventé, modelé, un Tony Stark totalement différent, basé sur son Metallo. Voilà comment l’homme d’acier (Superman) a inspiré un homme de métal (Metallo) qui a lui-même profondément changé un homme de fer (Iron Man)…

[Xavier Fournier]